Handicapfr: Aide et dĂ©fense des personnes atteintes dâun handicap; Ressources bibliographiques Ressources bibliographiques dĂ©diĂ©es aux troubles bipolaires. Les ressources bibliographiques ci-dessous ne sont pas exhaustives. Entre guide pratique, information sur la maladie et tĂ©moignages, ces rĂ©fĂ©rences vous permettront d'aller plus
Je ne suis pas juriste, jâai dĂ©cidĂ© de reprendre les points abordĂ©s lors dâune confĂ©rence sur la thĂ©matique âhandicap, succession et patrimoineâ. Je tiens Ă remercier le notaire prĂ©sent Christophe Hatton, notaire Ă OrlĂ©ans pour la qualitĂ© de sa confĂ©rence ainsi que SĂ©same Autisme pour lâinvitation. Avec lâaimable autorisation de Christophe Hatton. Le handicap nĂ©cessite toujours une anticipation supĂ©rieure, chaque parent le sait, il est important de rĂ©flĂ©chir au devenir de son enfant en situation de handicap aprĂšs soi. Or, quelques outils sont Ă la disposition des parents, ce document a pour valeur de les mettre en lumiĂšre. Toutefois, il est important dans tous les cas dâĂ©valuer cela, au cours dâune rencontre avec un notaire, que rien ne peut remplacer. Il Ă©valuera en fonction de votre famille, des liens créés entre les enfants, des besoins de chacun, ainsi que lâĂ©volution lĂ©gale et familiale. Une premiĂšre partie Ă©voquera les principes et rĂšgles liĂ©s au patrimoine, une deuxiĂšme prĂ©sentera quelques outils Ă disposition des parents pour protĂ©ger et favoriser la personne en situation de handicap. La derniĂšre sâorientera sur la reprĂ©sentation et offrira quelques rĂ©flexions pour rĂ©flĂ©chir aux divers aspects. Le triptyque habituel I Les rĂšgles liĂ©es Ă la succession/donation On trouve deux principes pour transmettre son patrimoine La donation par le parent, de son vivant Le leg, aprĂšs le dĂ©cĂšs du propriĂ©taire qui peut ĂȘtre lâobjet dâun testament signĂ©, datĂ©, remis au notaire pour quâil soit prĂ©sent dans le fichier national. Principe Ă connaitre Vos enfants ont droit obligatoirement Ă une part de votre succession, appelĂ©e rĂ©serve hĂ©rĂ©ditaire ». Cette somme incompressible est le minimum que devrait toucher un enfant, dâoĂč le fait quâon ne peut dĂ©shĂ©riter un enfant ». Cette rĂ©serve dĂ©pendra du nombre dâenfants, et la part que vous pouvez distribuer en plus est nommĂ©e âquotitĂ© disponibleâ. Pour bien comprendre le principe, voici quelques exemples Mais en pratique, quâest ce que cela signifie ? Prenons comme exemple 10 000⏠à distribuer entre un ou plusieurs enfants. Je nâai pas Ă©voquĂ© le cas de 4 enfants ou plus, mais le principe reste le mĂȘme que pour 3 on prend la somme multipliĂ©e par 1/4 pour obtenir la quotitĂ© disponible. RĂšgle trĂšs importante Imaginons que vous ayez favorisĂ© un enfant plus que vous ne deviez, lâautre enfant est en droit de demander une indemnisation. Toutefois, il est tout Ă fait en droit aussi dây renoncer. Pour les familles recomposĂ©es, forcĂ©ment dâautres rĂšgles sâappliquent et hĂ©las dĂ©passent mes compĂ©tences. II Les outils juridiques utiles pour favoriser un enfant en situation de handicap La renonciation Ă lâaction en rĂ©duction dite aussi RAR Câest une mesure qui permet aux enfants sans handicap de sâengager Ă ne pas demander dâindemnitĂ© si lâhĂ©ritage de lâenfant handicapĂ© est ici supĂ©rieur Ă la quotitĂ© disponible avec, ainsi, une rĂ©serve hĂ©rĂ©ditaire amoindrie pour les enfants sans handicap Câest lâassurance que la donation ne peut ĂȘtre remise en cause Le ou les renonçants doivent rencontrer le notaire Ă plusieurs reprises Cette renonciation peut ĂȘtre totale ou partielle Cette renonciation doit sâeffectuer devant deux notaires dont un qui nâest pas choisi Cela ne peut se faire quâavec des renonçants majeurs Source Ce principe trĂšs efficace est peu utilisĂ©, si la personne handicapĂ©e est sous protection juridique, le tuteur peut refuser lâhĂ©ritage au moment du dĂ©cĂšs du parents Ă cause des aides rĂ©cupĂ©rables par le dĂ©partement. Dans le cas dâune transmission de bien immobilier auprĂšs de la personne handicapĂ©e, les autres enfants ne pourraient ainsi pas faire de rĂ©clamation pour transformer le bien en valeur. Lâassurance vie Ce moyen peu utilisĂ© peut servir Ă avantager la personne handicapĂ©e puisquâelle nâentre pas dans les quotitĂ©s. Les primes ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme exagĂ©rĂ©es Pour Ă©valuer lâexagĂ©ration, les versements sont alors comparĂ©s aux revenus, au patrimoine, Ă lâĂąge, etc. Mais câest aux autres enfants de saisir la justice De la mĂȘme façon quâon peut dĂ©membrer un bien en laissant par exemple la nue-propriĂ©tĂ© Ă ses enfants et lâusufruit aux parents, il est possible de dĂ©membrer une assurance vie Dans tous les cas il est important de savoir que lâassurance vie nâentre pas dans la quotitĂ© et peut servir Ă avantager un enfant III ReprĂ©sentation et choix des reprĂ©sentants Il est possible dâutiliser le mandat de protection future, contrairement Ă la tutelle, il prĂ©sente dâautres intĂ©rĂȘts Il ne fait perdre ni droits, ni capacitĂ© juridique au mandant. Il permet au mandataire dâagir Ă la place et au nom des intĂ©rĂȘts du mandant. Si lâĂ©tat du mandant le permet, le mandataire doit lâinformer des actes quâil diligente en son nom ou dans son intĂ©rĂȘt Source Il peut concerner soit la personne ciblĂ©e, la personne handicapĂ©e, son devenir, soit son patrimoine, soit les deux. Il permet pour les parents de mandater une personne non familiale dâĂȘtre le garant du devenir de leur enfant. Par exemple, dans mon cas, je mobiliserais ce mandat afin dâassurer que lâenfant nâira pas en FAM ou en MAS Tel est la volontĂ© des parents et aussi la mienne Il peut ĂȘtre gratuit ou rĂ©munĂ©rĂ© mais il faut rĂ©flĂ©chir Ă la possibilitĂ© de rĂ©munĂ©ration. Par exemple, si le mandataire nâest pas un membre de la famille, la taxation de la somme allouĂ©e pourrait ĂȘtre du 60%, cela peut-ĂȘtre donc fait via une assurance-vie, ce qui Ă©vitera la taxation. Il est toujours souhaitable, par exemple sous forme de testament, de transmettre un document qui explique ce que lâon souhaite pour la personne handicapĂ©e, au niveau de son quotidien, ses besoins, pourquoi lâon confie telle mission Ă telle personne mandatĂ©e et ce que lâon attend dâelle. Il est dâailleurs possible de convenir dâune mission pour une personne mandatĂ©e par exemple, liĂ©e Ă la gestion financiĂšre, et dâune autre mission pour une deuxiĂšme personne mandatĂ©e par exemple, sâoccuper du quotidien de la personne handicapĂ©e. A noter que si cela allĂšge les tĂąches par mandant, cela peut aussi compliquer les dĂ©cisions et les responsabilitĂ©s. Il peut concerner un enfant mineur ou majeur mais aussi soi-mĂȘme Attention Une fois le mandat signĂ© par le mandataire et le mandant, seul le juge des tutelles peut dĂ©charger de ses fonctions le mandataire. Le mandataire pourra choisir selon les volontĂ©s Le logement ou les conditions dâhĂ©bergement, Lâautorisation des actes mĂ©dicaux si la personne ciblĂ©e nâest pas capable de le faire Cela peut donc concerner la mise en place dâaide et le maintien Ă domicile pour une personne autiste. RĂ©cupĂ©ration des aides dĂ©partementales Cette partie est trĂšs complĂšxe, car cela dĂ©pend de lâhistorique, des aides touchĂ©es, des dĂ©partements qui peuvent dĂ©cider sur certaines aides en fonction de lâhĂ©ritage de rĂ©cupĂ©rer des aides lors dâune succession. Si la personne handicapĂ©e hĂ©rite, le dĂ©partement peut amener Ă reconsidĂ©rer non seulement lâaide puisque le bĂ©nĂ©ficiaire est revenu Ă meilleur fortune mais aussi engager une procĂ©dure de rĂ©cupĂ©ration. Ces rĂ©cupĂ©ration peuvent ĂȘtre aussi se produire sâil y a dĂ©cĂšs du bĂ©nĂ©ficiaire et pas seulement quand le bĂ©nĂ©ficiaire hĂ©rite. Ces points mĂ©ritent dâĂȘtre Ă©tudiĂ©s et dĂšs lors de lâaccueil en foyer avec aide spĂ©cifique Ă sâinterroger sâil est pertinent de favoriser un enfant qui ne bĂ©nĂ©ficiera pas de cet avantage. Le tuteur peut trĂšs bien considĂ©rer dĂšs lors quâil vaut mieux ne pas accepter la succession. En RĂ©sumĂ© Conclusion Ceci constitue un panorama trĂšs simplifiĂ© qui nâentend nullement traiter exhaustivement de tous les cas. Par principe, jâencourage vivement Ă se rendre chez un notaire si possible connaissant le handicap pour Ă©valuer la pertinence des approches. De plus, le droit peut bouger, et il peut aussi y avoir des circonstances familiales qui amĂšnent Ă changer la stratĂ©gie » patrimoniale. Pour nous personnes autistes, il est possible de sâengager pour une autre personne proche par exemple un enfant/adulte autiste avec plus de difficultĂ©s dans un mandat de protection future. Cela permet de garantir pour elle, que sa volontĂ© par exemple dâautonomie soit garantie. Mais cela implique de le faire, et câest un engagement important quâil convient de mesurer avant de sây engager sous peine de poursuites possibles. ConnaĂźtre les mĂ©caniques possibles et en parler Ă nos proches peut en outre nous soulager face Ă notre propre protection. Il est fort possible quâune personne autiste comme moi soit mandataire dâune autre personne autiste y compris Asperger » selon lâancienne nomenclature, juste pour ĂȘtre sĂ»r dâavoir un maintien Ă domicile si elle nâest pas autonome. PS Merci Ă toutes celles et ceux qui ont partagĂ©, participĂ© Ă mon leetchi Comme dâhabitude, nâhĂ©sitez pas Ă liker, partager et commenter sur
Pouretre à la fois handicapée, et maman d'un enfant handicapé moteur, je sais ce que vivent les parents et ce qu'ont vécu mes parents. Alors, oui le soutien à la parentalité est important pour plusieurs raison. - que les parents conservent leur dignité, - qu'ils soient reconnus comme des parents avant tout.
On ne parle guĂšre aujourdâhui des IME Instituts MĂ©dico-Educatifs, nous Ă©crit une lectrice qui le regrette et qui nous interpelle Ă ce sujet. Manuela SĂ©guinot est Aide MĂ©dico Psychologique dans un IME. Nous lui devons lâessentiel de cet article. Il est vrai que les IME sont en place depuis longtemps et font partie du paysage. On ne parle guĂšre non plus du handicap mental, qui caractĂ©rise trĂšs majoritairement leur population. Sans doute parce que les recherches portent davantage Ă lâheure actuelle sur des handicaps reconnus plus rĂ©cemment, autisme ou troubles dys notamment. En 2018-19 les IME accueillent pourtant environ 80 000 enfants et jeunes soit 1/5Ăšme des 400 000 Ă©lĂšves en situation de handicap. Les parents dâenfants porteurs de handicap prĂ©fĂ©reraient, bien sĂ»r, que leur enfant ait accĂšs au systĂšme scolaire ordinaire. Pourtant, quand cela nâapparaĂźt pas possible, ils savent quâil existe des alternatives Ă lâĂ©cole ordinaire. Ce sont principalement les IME. Cependant, les parents nâen ont le plus souvent quâune connaissance trĂšs incertaine. Quelle est donc la spĂ©cificitĂ© de ces Instituts MĂ©dico-Educatif ? Pour rĂ©pondre Ă cette question, marquons dâabord la diffĂ©rence des objectifs et des accompagnements entre lâULIS UnitĂ© LocalisĂ©e pour lâInclusion Scolaire et lâIME. Lâobjectif des ULIS est un objectif scolaire Les ULIS accueillent dans un environnement scolaire ordinaire des enfants porteurs de handicap. Les classes ULIS ont un effectif rĂ©duit maximum 12 Ă©lĂšves et elles bĂ©nĂ©ficient de la prĂ©sence dâun AVS aux cĂŽtĂ©s de lâenseignant spĂ©cialisĂ©. Lâorganisation est adaptĂ©e aux besoins spĂ©cifiques des enfants. Les programmes et les objectifs scolaires ne sont pas ceux du systĂšme scolaire ordinaire mais sont individualisĂ©s en fonction du PPS de chacun. LâULIS peut recevoir des Ă©lĂšves dont les acquis sont trĂšs rĂ©duits. Lâenseignant rencontre dans le cadre du PPS les professionnels qui suivent lâenfant. Certains enfants bĂ©nĂ©ficient dâactions de soin ou de rééducation. MalgrĂ© tout, lâULIS reste une classe. Son objectif est fondamentalement dâordre pĂ©dagogique, il est celui des apprentissages scolaires. Lâobjectif des IME est un objectif Ă©ducatif Au sein dâun IME, en revanche, le point de vue est diffĂ©rent. Lâobjectif scolaire est intĂ©grĂ© dans un objectif plus large, qui est un objectif Ă©ducatif. A lâIME, lâaccompagnement des enfants se fait dâune toute autre maniĂšre que dans lâĂ©cole. Les enfants sont rĂ©partis en petits groupes de vie, en fonction de leur Ăąge, et ils sont encadrĂ©s par des Ă©ducateurs spĂ©cialisĂ©s, des moniteurs Ă©ducateurs, des aides mĂ©dico psychologiques ou des Ă©ducateurs techniques. Il nây a pas dâAESH dans les IME. Les prises en charge paramĂ©dicales telles que lâorthophonie, la psychomotricitĂ©, la psychologie, lâergothĂ©rapie ne sont pas ajoutĂ©es au projet scolaire. Plus ou moins en marge de celui-ci, elles font partie du projet global de lâenfant. Les ateliers » qui leurs sont proposĂ©s rĂ©pondent Ă des critĂšres trĂšs prĂ©cis qui figurent dans leur projet individuel. Du bien-ĂȘtre Ă lâautonomie, tout est fait pour que les jeunes puissent Ă©voluer dans les meilleures conditions possibles. DĂšs le plus jeune Ăąge, les gestes dâhygiĂšne du quotidien sont appliquĂ©s du lavage des mains au brossage des dents, ces automatismes sont rĂ©guliers et font partie des apprentissages indispensables. Les repĂšres dans le temps prennent aussi une place importante afin que les enfants puissent maĂźtriser au mieux le dĂ©roulement de la journĂ©e. TrĂšs souvent, les emplois du temps sont Ă©tablis quotidiennement et individuellement. Ils sont constituĂ©s de pictogrammes images et de photos afin que les enfants puissent visualiser et communiquer avec ces supports mis Ă leur disposition. Tout est fait pour que la communication puisse ĂȘtre naturelle, spontanĂ©e et facilitĂ©e. De nombreux outils sont mis en place pour les aider. LâĂ©change est indispensable pour quâun lien puisse se crĂ©er et quâune relation de confiance puisse sâinstaller durablement. Certaines mĂ©thodes propres aux institutions peuvent ĂȘtre utilisĂ©es comme le Makaton qui est une approche multi-modale de la communication associant la parole, les signes et/ou les pictogrammes utilisĂ©s par les diffĂ©rents professionnels et les paramĂ©dicaux de lâinstitut. Des actes du quotidien y sont Ă©galement rĂ©alisĂ©s Ă tour de rĂŽle comme le dressage de la table pour lâensemble du groupe concernĂ©. Plusieurs notions y sont travaillĂ©es le dĂ©nombrement, le spatio-temporel, lâautonomie, la motricité⊠Bref, tout ce qui est proposĂ© aux enfants a un objectif dĂ©fini. Chaque enfant de lâIME bĂ©nĂ©ficie dâun projet Projet IndividualisĂ© dâAccompagnement PIA LâĂ©tablissement Ă©tablit pour chaque enfant un PIA Projet IndividualisĂ© dâAccompagnement. Ce PIA fixe les accompagnements adaptĂ©s et les pratiques Ă©ducatives que les professionnels de lâĂ©tablissement doivent mettre en oeuvre en fonction des besoins de lâenfant pris en charge. Une rĂ©union de synthĂšse rĂ©unit tous les professionnels et les parents afin dâĂ©changer sur les diffĂ©rentes prises en charge de lâenfant. Les projets sont renouvelĂ©s tous les ans. Il faut aussi savoir quâau sein des IME, une prise en charge scolaire est possible quand cela fait partie du Projet personnalisĂ© de lâenfant. Des enseignants spĂ©cialisĂ©s sont mis Ă la disposition de lâĂ©tablissement, ils sont organisĂ©s en UnitĂ©s dâEnseignement UE. La scolarisation de chaque enfant est cadrĂ©e par un PPS notifiĂ© par la MDPH. Celui-ci est mis en Ćuvre dans le cadre du PIA. Câest dire que la scolarisation nâest pas lâaffaire des seuls enseignants mais que ses objectifs sont partagĂ©s par tous les personnels de lâĂ©tablissement. Chacun y contribue selon sa compĂ©tence propre, de mĂȘme que les enseignants partagent les objectifs du PIA. Les enseignants travaillent en Ă©troite collaboration avec les autres personnels de lâĂ©tablissement. Ils indiquent quels pourraient ĂȘtre les objectifs dâapprentissages Ă atteindre et les modalitĂ©s de la prise en charge. Mais le projet est rĂ©flĂ©chi par toute lâĂ©quipe. Le PIA peut prĂ©voir quâun Ă©ducateur soit prĂ©sent dans la classe. Parfois des notions sont travaillĂ©es en lien avec les Ă©ducateurs du groupe ou avec les paramĂ©dicaux qui le suivent, afin de favoriser au mieux les apprentissages. Le lien entre chacun des intervenants est essentiel. Les IME, acteurs de lâinclusion scolaire Souvent, les parents craignent lâaspect sĂ©grĂ©gatif » de lâorientation en IME. Mais depuis longtemps, il a Ă©tĂ© demandĂ© aux Ă©tablissements du secteur mĂ©dico-Ă©ducatif dâĂȘtre au service de lâinclusion scolaire et de la favoriser pour chacun de leurs Ă©lĂšves, dĂšs quâils en ont la possibilitĂ©. La premiĂšre Ă©tape avait Ă©tĂ© celle de la relance des SESSAD, en 1989, qui Ă lâorigine Ă©taient issus des IME. En dâautres termes, ils Ă©taient des IME devenus mobiles. Les SESSAD permettent Ă des enfants de rester dans des Ă©coles ordinaires, tout en bĂ©nĂ©ficiant de lâaccompagnement global du secteur mĂ©dico Ă©ducatif. Ils accompagnent aujourdâhui environ 50 000 Ă©lĂšves et ils constituent lâune des structures privilĂ©giĂ©es de lâinclusion scolaire. Ils permettent Ă des enfants de rester scolarisĂ©s dans une Ă©cole ordinaire tout en bĂ©nĂ©ficiant de lâaccompagnement global du secteur mĂ©dico-Ă©ducatif. Dâautres formes dâinclusion se dĂ©veloppent aujourdâhui, qui peuvent ĂȘtre Soit individuelles, lorsquâun enfant de lâIME est scolarisĂ© Ă temps partiel dans une Ă©cole voisine Soit collectives, câest par exemple une ou plusieurs UnitĂ©s dâEnseignement qui sont dĂ©localisĂ©es dans une Ă©cole ou dans un Ă©tablissement voisin. Les UEM et les UEEA en sont un exemple Ă suivre. Un vrai plus, lâaccompagnement Ă la sortie lâIME En gĂ©nĂ©ral, les jeunes sont accueillis jusquâĂ lâĂąge de 17-18 ans en IME. Cette limite dâĂąge est bien souvent prolongĂ©e Ă cause du manque de place en Etablissement et Service dâAide par le Travail ESAT. En effet, contrairement au systĂšme Ă©ducatif ordinaire, les IME nâabandonnent pas les jeunes et leurs familles au terme de leur cursus. Ils ont pour mission de trouver des solutions dâavenir pour ces adultes en devenir et, bien souvent, ils les accompagnent jusquâĂ ce quâils obtiennent une place dans des structures telles que les ESAT. En conclusion⊠Lâinclusion se dĂ©veloppe et nous ne pouvons que nous en fĂ©liciter. Les IME et leurs UnitĂ©s dâEnseignement peuvent y contribuer. Certains ont dĂ©jĂ dĂ©localisĂ© toutes leurs UnitĂ©s dâEnseignement dans les Ă©coles et les collĂšges voisins. Mais câest surtout leur potentiel Ă©ducatif et thĂ©rapeutique qui pourrait ĂȘtre mis encore plus au service dâĂ©lĂšves en inclusion scolaire, en collaboration avec les enseignants, comme le projet Ensemble pour une Ă©cole inclusive » y invite. Mais il ne faut pas oublier non plus que certains enfants ont leur meilleure place en Ă©tablissement, quâils y sont accompagnĂ©s dans des conditions optimales, que des professionnels y font un excellent travail et que les parents qui sont amenĂ©s Ă choisir lâIME pour leur enfant nâont pas Ă culpabiliser. Manuela SĂ©guinot tient un blog Nombre de vues 69 342
Ensituation de handicap, les parents oublient souvent que leur ado vit lui aussi une sexualitĂ©. Tu ressens des choses dans ton corps, tu dois faire avec le handicap dont tu es atteint (e) car parfois ce dernier te limite dans tes mouvements et dans ton autonomie. Cependant tu as besoin dâintimitĂ© et de respect de cette intimitĂ©.
PLAN DU MĂMOIRE ReprĂ©sentations sociales et croyances parentales Le handicapĂ© mental et sa famille Introduction .................... p 4 I. ProblĂ©matique .................... p 7 II. MĂ©thodologie .................... p 15 1. PrĂ©sentation .................... p 15 2. Les procĂ©dures d'enquĂȘte .................... p 17 L'entretien .................... p 17 Le choix de l'Ă©chantillon .................... p 19 La procĂ©dure .................... p 20 3. L'observation directe .................... p 21 III. Auteurs et concepts .................... p 25 1. Les parents de l'enfant handicapĂ© mental vus comme acteurs » plutĂŽt qu' agents » .................... p 25 Le concept d'agent social .................... p 25 Le concept d'acteur social .................... p 26 2. La sociologie comprĂ©hensive de Max WEBER .................... p 27 3. La sociologie de Raymond BOUDON .................... p 30 L'individualisme mĂ©thodologique .................... p 30 La rationalitĂ© ou l'irrationalitĂ© de l'acteur social .................... p 31 IV. La construction de l'identitĂ© sociale de parent d'enfant handicapĂ© mental .................... p 34 1. L'interactionnisme comme mode d'apprĂ©hension de la construction de l'identitĂ© sociale de parent d'enfant handicapĂ© mental .................... p 34 DĂ©finitions du modĂšle interactionniste .................... p 34 MEAD et le jeu socialisĂ© .................... p 36 La carriĂšre de parents d'enfant handicapĂ© mental .................... p 37 2. La socialisation parentale selon la thĂ©orie interactionniste des professions .................... p 39 La gestion de la crise et du dilemme .................... p 39 Le dĂ©roulement de la carriĂšre des parents vu comme trajectoire de vie .................... p 40 V. Le handicap mental une construction historique, juridique et sociale .................... p 43 1. Historique de la notion de handicap .................... p 43 2. Le point de vue juridique .................... p 44 3. Le normal et l'anormal .................... p 46 La relativitĂ© des normes sociales .................... p 46 Le handicap n'est pas inadaptation .................... p 48 La stigmatisation de la personne handicapĂ©e mentale .................... p 49 VI. Les reprĂ©sentations sociales du handicap mental .................... p 52 1. DĂ©finition de la reprĂ©sentation sociale .................... p 52 2. La thĂ©orie du noyau central .................... p 52 3. L'objectivation et l'ancrage .................... p 54 4. La perception du handicap de l'enfant par les parents .................... p 55 VII. La famille du handicapĂ© mental .................... p 57 1. La famille comme systĂšme .................... p 57 2. Le concept d'homĂ©ostasie familiale .................... p 57 3. Le difficile recadrage avec soi-mĂȘme .................... p 59 4. La dissonance cognitive comme processus interne de rĂ©gulation des contradictions .................... p 59 5. Le handicap, objet du secret parental .................... p 61 techniques de protection » parentales .................... p 63 1. Truquer les relations sociales .................... p 63 2. Le malentendu .................... p 66 3. Le handicap, objet de honte .................... p 69 4. Les conduites de mauvaise foi .................... p 72 IX. Les croyances parentales en une normalitĂ© possible de leur enfant ................... P 74 1. Les typologies parentales .................... p 74 2. Une construction idĂ©altypique » de la famille de l'enfant handicapĂ© mental .................... p 75 3. Le mythe du progrĂšs .................... p 76 La situation d'incertitude .................... p 76 Le mythe du progrĂšs dans sa relation Ă la temporalitĂ© .................... p 77 Le paradigme de KUHN .................... p 78 4. Le modĂšle cognitiviste appliquĂ© aux croyances parentales .................... p 80 CONCLUSION .................... p 84 BIBLIOGRAPHIE .................... p 86 INTRODUCTION Une science empirique ne saurait enseigner Ă qui que ce soit ce qu'il doit faire, mais seulement ce qu'il peut et - le cas Ă©chĂ©ant - ce qu'il veut faire. » Max WEBER. Ce mĂ©moire de DEA s'intĂ©resse Ă la problĂ©matique des parents d'enfants handicapĂ©s mentaux. Il est le fruit d'un travail de recherche menĂ© depuis l'annĂ©e de licence dans le cadre de nos recherches de sociologie Ă l'UniversitĂ© de Nancy 2. La rĂ©flexion Ă©laborĂ©e au cours des pages Ă venir n'est pas seulement issue de l'imagination du chercheur. L'annĂ©e passĂ©e, en maĂźtrise, nous avons pu interpeller les parents au cours d'entretiens afin de comprendre leur univers et nous avons pu nous faire une premiĂšre idĂ©e sur leur situation. Cette annĂ©e a Ă©tĂ© une phase de thĂ©orisation importante afin de percevoir les mĂ©canismes de construction d'un univers social particulier. Nous ne sommes pas isolĂ©s sur notre Ăźlot avec notre seule vĂ©ritĂ© et nos seules certitudes ; nous faisons le constat que la recherche n'a de sens que si elle est partagĂ©e. Certes, les thĂ©ories de certains auteurs ne nous ont pas semblĂ© pertinentes, ce n'est pas pour autant qu'elles en sont dĂ©nigrĂ©es. Nous n'adoptons pas leur point de vue, c'est tout. Les thĂ©ories d'autres auteurs, par contre, ne pouvaient ne pas ĂȘtre dĂ©battues et exposĂ©es. Elles intĂ©ressent notre objet sociologique au premier chef et nous ont permis un dĂ©tachement nĂ©cessaire par rapport Ă nos a priori. Nous l'avions soulevĂ© l'annĂ©e passĂ©e, notre profession est intimement liĂ©e Ă notre objet de recherche puisque nous le cĂŽtoyons au quotidien, dans notre pratique Ă©ducative. Le questionnement sur notre Ă©tat reste sous-jacent, Ă savoir, quelle est la place d'un Ă©ducateur-sociologue » au sein d'une structure d'accueil de l'Ă©ducation dite spĂ©cialisĂ©e. Pour l'heure, nous n'avons pas trouvĂ© de rĂ©ponse mais existe-t-il vraiment une rĂ©ponse ? Ce qui nous semble incontestable, c'est que notre perception sur la chose handicap » Ă Ă©voluer ; elle devient dĂ©sormais plus lisible, comme plus transparente devant nos questionnements. Peut-ĂȘtre sommes-nous enfin prĂȘt Ă comprendre le monde du handicap et non plus uniquement vivre une routine professionnelle Ă ses cĂŽtĂ©s ? Le regard du sociologue se dĂ©tache de la perception immĂ©diate de l'Ă©ducateur, la rĂ©flexion s'allie Ă la pratique mais n'est-elle pas en train de la dĂ©passer ? Nous pouvons nous demander si l'action ne met pas Ă mal toute rĂ©flexion et qu'Ă trop s'inscrire dans le faire » nous en oublions de regarder ce que nous sommes professionnellement. Au-delĂ de nos propres inquiĂ©tudes, nous recherchons Ă comprendre un autre monde fait Ă©galement d'incertitudes, celui des parents de l'enfant handicapĂ© mental. Comment peuvent-ils parvenir Ă ĂȘtre et vivre dans un univers dĂ©truit Ă l'apparition du handicap ? Quelle force les anime et les pousse Ă poursuivre malgrĂ© tout ? C'est vrai que ses questions sont souvent prĂ©sentes Ă notre esprit et nous pensons que les parents se les posent Ă©galement. En cherchant Ă les comprendre peut-ĂȘtre parviendrons-nous Ă leur faire comprendre leur situation ? Sans leurs tĂ©moignages, ce travail n'aurait pas pu exister ; leur investissement dans cette recherche est rĂ©el et laisse supposer qu'ils souhaitent ĂȘtre soutenus. Il y a une part de curiositĂ© qu'ils cherchent Ă assouvir savoir comment cela se passe chez les autres avec un enfant handicapĂ©. Savoir s'ils font bien, s'ils s'en sortent, s'ils sont de bons parents, surtout lorsqu'on n'a pas l'expĂ©rience du handicap. Tous ces questionnements rejoignent les nĂŽtres mĂȘme s'ils sont d'une nature diffĂ©rente nous avons cet avantage sur eux d'ĂȘtre hors de l'objet de recherche alors qu'ils y participent pleinement. Nous investirons cet objet de l'intĂ©rieur ; il nous faut le pĂ©nĂ©trer pour le dĂ©manteler et le donner Ă lire aux individus. Les thĂ©oriciens apprĂ©hendĂ©s nous aident dans notre mission de comprĂ©hension » ; nous leur devons de nous interroger sans cesse et de ne pas nous laisser sĂ©duire par un fait plaisant susceptible de valider immĂ©diatement nos questionnements. Il faut se mĂ©fier de l'immĂ©diatetĂ© des faits surgissant comme autant de rĂ©ponses satisfaisantes ; leur validitĂ© est plutĂŽt cachĂ©e. Le chemin qui mĂšne Ă la dĂ©couverte est souvent long et tortueux, c'est ce qui le rend passionnant. Notre rĂ©daction se dĂ©compose en neufs chapitres qu'il faut suivre comme un fil qui nous mĂšnera jusqu'Ă notre futur travail de recherche. La problĂ©matique et la mĂ©thodologie vous exposent le choix des auteurs et des concepts retenus ainsi que la procĂ©dure d'enquĂȘte que nous souhaiterions mettre en oeuvre ultĂ©rieurement. Nous pouvons dĂ©jĂ situer le lecteur en lui disant que notre conception thĂ©orique repose sur la sociologie comprĂ©hensive de Max WEBER et sur l'individualisme mĂ©thodologique de Raymond BOUDON. Ces dĂ©finitions nous mĂšnent au chapitre 4 dans lequel nous apprĂ©hendons la construction de l'identitĂ© sociale de parents d'enfant handicapĂ© mental de maniĂšre originale. L'originalitĂ© relĂšve du fait que nous avons interrogĂ© cette construction du point de vue de la sociologie des professions. Nous posons comme prĂ©alable que les individus Ă©pousent une carriĂšre de parents d'enfant handicapĂ© dĂšs que ce dernier paraĂźt. Cette carriĂšre, Ă©laborĂ©e autour du handicap, nous semble diffĂ©rente d'une carriĂšre normale » de parents. Les thĂ©ories interactionnistes nous sont apparues d'une grande utilitĂ© pour nous Ă©clairer sur ce processus. Les chapitres 5 et 6 vous invitent Ă lire le handicap et ses reprĂ©sentations sociales. Le handicap est apprĂ©hendĂ© comme un objet qui interroge les normes sociales. Nous Ă©voquerons sa relativitĂ©, c'est-Ă -dire que nous estimons qu'il est une autre norme sociale possible, mineure mais bien prĂ©sente. Le sujet handicapĂ© est tributaire des reprĂ©sentations que les individus projettent Ă son encontre ; il est un ĂȘtre stigmatisĂ© mis au ban de la sociĂ©tĂ©. Nous interrogerons Ă©galement les reprĂ©sentations qu'ont les parents du handicap mental et comment elles s'imposent Ă eux. Nous ne pouvons traiter de la famille de l'enfant handicapĂ© sans en Ă©tayer une dĂ©finition. Dans le chapitre 7, nous dĂ©veloppons l'idĂ©e que le handicap a contaminĂ© » le milieu familial. Les parents sont dĂ©stabilisĂ©s et perdus ne sachant que faire et pourtant, il faut bien agir. Ils doivent passer par une reconstruction de leur moi » mis Ă mal et fissurĂ© par le handicap mental. Les individus mettent en place des stratĂ©gies pour surmonter le dĂ©terminisme de situation dans lequel le handicap les plonge. Il faut parvenir Ă jouer » avec la sociĂ©tĂ© un jeu de dupe pour faire croire Ă l'autre et se convaincre que tout demeure possible. Le chapitre 8 propose au lecteur de mettre Ă jour les rĂšgles du jeu implicites qui se dĂ©voilent dans les rapports sociaux les interrelations entre les parents et les autres individus. Nous pensons que la famille de l'enfant handicapĂ© mental est une famille idĂ©altype, au sens que lui donne Max WEBER, c'est-Ă -dire qu'elle peut ĂȘtre dĂ©finie selon des caractĂšres communs et spĂ©cifiques. Ce type d'agencement social positionne les acteurs parentaux dans une situation sociale les amenant Ă adhĂ©rer Ă des croyances communes. Ils croient en un progrĂšs toujours possible de leur enfant malgrĂ© des difficultĂ©s objectives et rĂ©elles qu'il a Ă ĂȘtre comme les autres. La sociologie de Raymond BOUDON interroge les situations d'incertitude et nous Ă©met des hypothĂšses sur l'art de se persuader ». Comment l'acteur parvient-il Ă adhĂ©rer Ă des idĂ©es douteuses ou fausses et Ă parvenir Ă mener une existence Ă travers elles ? Notre recherche de DEA ne saurait rĂ©pondre Ă toutes ces questions cependant nous jetons quelques hypothĂšses sur la maniĂšre dont nous souhaitons les apprĂ©hender. Petit Ă petit, au fur et Ă mesure de nos investigations, nous rechercherons surtout Ă comprendre ce qui permet aux acteurs sociaux de parvenir Ă vivre mĂȘme dans les situations les plus extrĂȘmes. I. PROBLEMATIQUE Le choix de l'objet de recherche sociologique n'est pas neutre. Il nous pose questions, il nous irrite parfois car nous ne savons pas toujours comment parvenir Ă le saisir. Il peut ĂȘtre vaste, il nous faut alors le limiter de peur de se perdre. Faire des choix est difficile, il faut supporter l'amputation d'une partie de notre recherche, en faire le deuil tout en sachant qu'elle vit par le travail des autres. Notre tĂąche est de participer Ă la construction du savoir et d'apporter, mĂȘme d'une façon pouvant paraĂźtre insignifiante, notre collaboration Ă la rĂ©flexion sociologique. Toute connaissance rĂ©flexive de la rĂ©alitĂ© infinie par un esprit humain fini a par consĂ©quent pour base la prĂ©supposition implicite suivante seul un fragment limitĂ© de la rĂ©alitĂ© peut constituer chaque fois l'objet de l'apprĂ©hension scientifique et seul il est essentiel, au sens oĂč il mĂ©rite d'ĂȘtre connu. Weber, 1995, p 148-149. Nous sommes investis d'une mission dont nous aurions le choix des modalitĂ©s d'exĂ©cution. Ne pas se perdre, pour cela il faut baliser au mieux notre parcours de chercheur et ne pas laisser Ă©chapper ce fil d'Ariane de nos doigts. Les fausses pistes et les dĂ©sillusions nous guettent, le savoir et s'en apercevoir nous garde de renoncer Ă chaque dĂ©convenue. Le monde du handicap est riche d'interprĂ©tations Ă son sujet, nous allons nous atteler au travail de dĂ©couverte entrepris par d'autres chercheurs de notre discipline en nous efforçant d'apporter notre originalitĂ©. Nous n'avons pas ici la prĂ©tention de rĂ©volutionner un domaine spĂ©cifique de notre sociĂ©tĂ© mais nous souhaitons tout simplement que notre point de vue interpelle le lecteur. Il n'y a pas un mode unique d'apprĂ©hension du rĂ©el cependant le regard que nous portons sur celui-ci n'en est pas moins particulier. Il nous faut expliquer dĂ©sormais ce qui attire notre attention sur une zone sociale prĂ©cise, celle du handicap et notamment celle du handicap mental. Il nous apparaĂźt que les acteurs sociaux de la sphĂšre parentale de l'enfant handicapĂ© mental ont quelque chose Ă dire sur la maniĂšre dont ils apprĂ©hendent la rĂ©alitĂ© sociale. Comment parviennent-ils Ă vivre une vie que le commun des mortels dĂ©finit comme inacceptable ? Le choix d'un tel sujet n'est pas indĂ©pendant d'un parcours biographique, d'un roman des origines du chercheur. Le chercheur est Ă©galement Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, il vit au quotidien au sein de son objet d'Ă©tude et depuis toujours il a Ă©tĂ© confrontĂ© au handicap mental, sa tante Ă©tait une adulte dite trisomique. Une portion seulement de la rĂ©alitĂ© singuliĂšre prend de l'intĂ©rĂȘt Ă nos yeux, parce que seule cette portion est en rapport avec les idĂ©es de valeur culturelles avec lesquelles nous abordons la rĂ©alitĂ© concrĂšte. Ce ne sont que certains aspects de la diversitĂ© toujours infinie des phĂ©nomĂšnes singuliers, Ă savoir ceux auxquels nous attribuons une signification gĂ©nĂ©rale pour la culture qui valent la peine d'ĂȘtre connus ibid., p 157. On peut nous objecter que le chercheur est trop imprĂ©gnĂ© par son objet d'Ă©tude pour apporter un regard suffisamment objectif sur celui-ci. Effectivement, il n'est pas toujours aisĂ©, dans notre situation, de se dĂ©tacher d'un discours revendicatif en faveur de la population dĂ©terminĂ©e. Sans prĂŽner une rupture Ă©pistĂ©mologique radicale avec le sens commun, nous souhaitons plutĂŽt nous dĂ©partir d'une certaine compassion au profit d'une empathie plus Ă mĂȘme d'accĂ©der Ă la comprĂ©hension des acteurs sociaux. Nous reprenons l'idĂ©e de SCHĂTZ que les acteurs sociaux ne sont pas des idiots culturels » et qu'ils ont une connaissance de la rĂ©alitĂ© qu'ils dĂ©crivent dans leurs discours. Les objets de pensĂ©e construits par les chercheurs en sciences sociales se fondent sur des objets de pensĂ©e construits par la pensĂ©e courante de l'homme menant sa vie quotidienne parmi ses semblables et s'y rĂ©fĂ©rant. Ainsi, les constructions utilisĂ©es par le chercheur en sciences sociales sont, pour ainsi dire, des constructions de constructions Ă©difiĂ©es par les acteurs sur la scĂšne sociale dont l'homme de science observe le comportement et essaie de l'expliquer tout en respectant les rĂšgles de procĂ©dure de sa science SchĂŒtz, 1987, p 11. Notre travail de recherche actuel n'est pas vierge de tout antĂ©cĂ©dent heuristique. Cela fait maintenant trois annĂ©es que le sujet du handicap mental nous interpelle dans le cadre de nos Ă©tudes de sociologie. La monographie de licence nous a permis d'apprĂ©hender le milieu familial en nous dĂ©tachant du regard spontanĂ© de l'Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© forgĂ© d'a priori. La verve Ă©ducative parasitait l'Ă©criture sociologique ; ce travail fut un premier passage bĂ©nĂ©fique pour faire abstraction de la pensĂ©e Ă©ducative. La construction imparfaite de cette premiĂšre Ă©tude jeta les bases Ă notre recherche de maĂźtrise Ă©galement centrĂ©e sur le milieu familial de l'enfant handicapĂ© mental. Nous nous sommes essayĂ©s Ă cerner ce que les parents pensent du handicap de leur enfant et comment ils dĂ©terminent leur rapport Ă la sociĂ©tĂ©. Il s'agissait de saisir les motivations qui poussent les parents Ă croire qu'un jour, peut-ĂȘtre, leur enfant handicapĂ© mental sera capable de se sortir de son Ă©tat. Il nous fallait dĂ©crypter les mĂ©canismes par lesquels l'individu est capable d'influencer sa propre existence. Il nous fallait interroger ses capacitĂ©s Ă analyser subjectivement sa situation sociale dont il dĂ©pend par certains cĂŽtĂ©s et dĂ©celer ses stratĂ©gies d'action pour retourner la situation en sa faveur ». De notre position nous ne pouvons essayer de comprendre qu'une part infime du vaste champ du handicap. Notre tĂąche est cependant de faire oeuvre de scientificitĂ© et d'Ă©clairer du mieux que nous le pourrons cette part infime, morceau d'une construction plus gĂ©nĂ©rale. Dans notre travail prĂ©alable, nous supposions qu'il existe bien une famille typique de l'enfant handicapĂ© mental. L'enfant, dans ce cadre, semble influencer les relations au sein du groupe familial, les parents se projettent en fonction des Ă©volutions de celui-ci. Nous devons nous interroger pour dĂ©terminer si ce type de famille se construit en fonction de certains critĂšres semblables et repĂ©rables. Les acteurs parentaux vivent leurs rapports Ă la sociĂ©tĂ© en fonction de leur propre expĂ©rience du handicap. Il y aurait une construction sociale de la famille de l'enfant handicapĂ© mental, ensemble social caractĂ©risĂ© par des similitudes. Elle n'est pas dĂ©pendante de dĂ©terminismes sociaux antĂ©rieurs puisque les parents n'ont pas appris Ă ĂȘtre de tels parents. La construction de pĂšre ou de mĂšre d'un enfant diffĂ©rent s'engage, mĂȘme si ceci semble un truisme, dĂšs l'apparition du handicap dans la famille. Nous dĂ©montrerons qu'il n'y a pas qu' un apprentissage par corps » au sens dĂ©finit ainsi par Pierre BOURDIEU Le corps croit en ce qu'il joue il pleure s'il mime la tristesse. Il ne reprĂ©sente pas ce qu'il joue, il ne mĂ©morise pas le passĂ©, il agit le passĂ©, ainsi annulĂ© en tant que tel, il le revit. Ce qui est appris par corps n'est pas quelque chose que l'on a, comme un savoir que l'on peut tenir devant soi, mais quelque chose que l'on est Bourdieu, 1980, p 123. Comment les parents parviennent-ils Ă jouer avec les reprĂ©sentations sociales antĂ©rieures qu'ils avaient sur l'innommable monstruositĂ© ? Les reprĂ©sentations sociales des individus laissent-elles des rĂ©sidus dans les pensĂ©es des acteurs ou est-ce que ceux-ci parviennent Ă les Ă©vacuer ou les cacher sous un vernis ? Il semblerait, mais ceci n'est qu'une interprĂ©tation premiĂšre, que les acteurs parentaux vivent leur existence, non pas uniquement en fonction d'un statut imposĂ© par la sociĂ©tĂ©, mais aussi selon les reprĂ©sentations qu'ils ont de leur situation prĂ©sente. Leurs actions sont limitĂ©es par les Ă©volutions supposĂ©es de l'enfant mais ils se dotent de moyens stratĂ©giques pour dĂ©passer les cadres de la situation et vivre de maniĂšre toute somme normale », en faisant comme si ». Il existe bien une construction sociale du parent de l'enfant handicapĂ© mental. Il faut nous doter des outils les plus adĂ©quats Ă notre propos afin de dĂ©composer et lire les mĂ©canismes d'une telle construction. Nous Ă©mettons le postulat que les uns se construisent en fonction des autres par le biais des relations quotidiennes. Nous nous Ă©difions en tant qu'acteur social au travers du regard des autres acteurs sociaux approuvant ou dĂ©sapprouvant ce que l'on fait ou ce que l'on projette. A notre insu, nous sommes tributaires des individus environnants qui n'ont de cesse de nous cataloguer pour ce qu'ils croient de ce que nous sommes en fonction de ce que nous leur dĂ©voilons. Les concepts de l'interactionnisme symbolique seront exploitĂ©s pour enrichir notre thĂ©orisation. DE QUEIROZ et ZIOLKOVSKI dans leur ouvrage " L'interactionnisme symbolique " dĂ©crivent ainsi la notion d'interaction La notion d'interaction joue un double rĂŽle thĂ©orique. Les interactions sont, d'un cĂŽtĂ©, constitutives de la vie sociale. Le fonctionnement de la sociĂ©tĂ©, de sa culture, de sa structure, de toutes ses institutions n'est finalement qu'un processus continu d'interactions. L'ordre social est un ordre interactionnel ... Par ailleurs l'interaction peut ĂȘtre dĂ©crite comme un phĂ©nomĂšne particulier, une sorte d'Ă©vĂ©nement dotĂ© de ses rĂšgles propres et qui peut, au moins Ă ce titre et analytiquement, ĂȘtre Ă©tudiĂ© de façon relativement autonome, indĂ©pendant Ă la fois de l'ordre macro-social et des identitĂ©s antĂ©rieures des acteurs. De Queiroz et Ziolkovski, 1994, p 57. Les parents d'enfants handicapĂ©s entrent en formation dĂšs l'apparition de leur enfant pour Ă©pouser une carriĂšre » au sens que BECKER lui donne. Les acteurs parentaux doivent se munir, s'inventer et innover des techniques d'apprentissage ils deviendront petit Ă petit des experts en matiĂšre de handicap mental. Ils n'ont pas choisi cette profession » inscrite dans le domaine domestique, faite de pratiques quotidiennes spĂ©cifiques pour pallier l'immĂ©diatetĂ© de la situation. Ils s'initient Ă leur nouvelle tĂąche en devant en construire la planification. L'individu s'expulse d'un monde qu'il avait construit oĂč tout lui semblait aller de soi pour investir un univers qui bouscule ses Ă©vidences. Il doit rĂ©-apprivoiser ce qu'il avait rĂ©ussi Ă dompter. Il doit se convertir » Ă une nouvelle acceptation de soi et du monde et construire une nouvelle identitĂ© sociale selon la perception de HUGHES. La construction de l'identitĂ© sociale des parents de l'enfant handicapĂ© mental repose sur des interprĂ©tations d'acteurs sociaux Ă©voluant dans deux mondes diffĂ©rents. Le monde de la normalitĂ© et le monde de l'anormalitĂ© qui semblent plus s'opposer, au premier abord, que se complĂ©ter. Il y aurait, pour reprendre l'idĂ©e de GOFFMAN, conflit entre les normaux et les stigmatisĂ©s. Il est intĂ©ressant de s'interroger sur la force de contamination sociale » du handicap qui imprĂšgne les acteurs parentaux et parasite les relations habituelles. Ils revĂȘtent une identitĂ© sociale virtuelle » cachant, sous le manteau des faux-semblants, les vĂ©ritables attributs de leur identitĂ©. Le handicap de l'enfant met la famille au ban de la sociĂ©tĂ©, l'Ă©lĂ©ment dĂ©viant contamine la structure familiale ; elle est Ă©tiquetĂ©e » comme telle. Le dĂ©viant est celui auquel cette Ă©tiquette a Ă©tĂ© appliquĂ©e avec succĂšs et le comportement dĂ©viant est celui auquel la collectivitĂ© attache cette Ă©tiquette » Becker, 1985, p 3. Notre recherche se tournera vers la psychologie sociale qui a Ă nous apprendre sur la constitution des reprĂ©sentations sociales. Les acteurs sociaux se construisent mentalement des images de la rĂ©alitĂ© environnante selon la position sociale qu'ils occupent. La position sociale n'est pas uniquement dĂ©pendante d'un statut social dĂ©terminĂ© mais a plutĂŽt Ă voir avec la place qu'occupe un individu au sein de la sociĂ©tĂ©. Les parents de l'enfant handicapĂ© mental vivent au sein de la sociĂ©tĂ© comme tout un chacun selon les rĂŽles sociaux qui leur sont attribuĂ©s, ils sont pourtant dans une situation unique en comparaison Ă d'autres acteurs sociaux. Il est intĂ©ressant de se demander comment les parents interprĂštent le handicap de leur enfant, quelles reprĂ©sentations ils en ont. Nous interrogerons l'Ă©lĂ©ment fondamental de la reprĂ©sentation, le noyau central » qui dĂ©termine Ă la fois la signification et l'organisation de la reprĂ©sentation Abric, 1999, p 215. Les acteurs parentaux perçoivent-ils leur confrontation Ă la sociĂ©tĂ© de maniĂšre diffĂ©rente ou bien existe-t-il une reprĂ©sentation sociale homogĂšne des individus pris dans le cercle du handicap ? Ces questions sous-tendent que ces acteurs sont suffisamment imprĂ©gnĂ©s pour se bĂątir une forme de pensĂ©e sociale » unique. Il y aurait deux interprĂ©tations possibles des reprĂ©sentations sociales du handicap inscrites dans deux perspectives - La perspective intra familiale considĂ©rant l'altĂ©ritĂ© dans sa dimension de souffrance, une anomalie sociale qui ronge les liens familiaux et dĂ©truit toute possibilitĂ© de reconstruction. Le handicap est un intrus, un objet rapportĂ©, dissociĂ© de l'ĂȘtre, comme collĂ© Ă l'enfant. - La perspective extra familiale des parents construite selon les reprĂ©sentations sociales communĂ©ment acceptĂ©es. Dans ce cas, l'individu est handicapĂ© par essence. La thĂ©orie de la dissonance cognitive fondĂ©e par le psychosociologue amĂ©ricain LĂ©on FESTINGER 1993 nous invite Ă postuler que l'individu tend Ă rĂ©soudre ou Ă rĂ©duire la dissonance parce qu'elle est source de malaise. Dans chaque situation dissonante, l'individu dispose gĂ©nĂ©ralement de plusieurs modes possibles de rĂ©duction de la dissonance ». Les parents de l'enfant handicapĂ© mental doivent pouvoir vivre malgrĂ© tout, mais leurs perspectives d'avenir n'apparaissent plus aussi Ă©videntes et linĂ©aires. Ils sont contrariĂ©s et incertains face au lendemain, ils se construisent une trame cohĂ©rente donnant sens Ă leur vie. Le chaos doit ĂȘtre canalisĂ© et maĂźtrisĂ©, le calme rĂ©-instaurĂ© au sein du foyer familial. Il faut trouver une Ă©chappatoire acceptable afin de faire face aux alĂ©as de la vie. Il y aurait comme un malentendu », au sens oĂč le conçoit l'anthropologue Franco LA CECLA 2002, entre les membres de la sociĂ©tĂ© et les acteurs parentaux depuis que l'enfant handicapĂ© est apparu. Le malentendu est inĂ©vitable pour exister il est ce presque rien » qui constitue la singularitĂ© de l'individu. Le malentendu est sans doute interne aux parents car ils ne sont pas prĂ©parĂ©s Ă ĂȘtre confrontĂ©s Ă l'apparition du handicapĂ© dans leur vie. Ils n'avaient pas prĂ©vu une vie imprĂ©visible. L'acteur parental doit comprendre ce qui lui arrive et surtout accepter le fait que lui, et non l'autre, a hĂ©ritĂ© de ce que personne ne souhaiterait avoir. Le handicap, mĂȘme apprivoisĂ©, peut demeurer une souffrance, un malaise honteux pour soi et dans son rapport aux autres. L'individu n'aime pas en parler ou s'en vanter. Il est parfois prĂ©fĂ©rable de cacher, autant que cela se peut, ce qui est sujet au discrĂ©dit et Ă la honte. L'acteur social peut ĂȘtre gĂȘnĂ© dans ses relations, tendre le dos. Il essaie de faire comme si de rien n'Ă©tait et vit dans la crainte que l'autre dĂ©couvre ce qu'il cache. Parfois, il est impossible de dissimuler ou de se dissimuler le handicap de l'enfant car la rĂ©alitĂ© est trop criante, comme jetĂ©e Ă la face de chacun, perturbant la sĂ©rĂ©nitĂ© de la relation. Il y a l'humiliation qui amĂšne Ă taire les violences subies, Ă se replier sur soi-mĂȘme, Ă cultiver un sentiment d'illĂ©gitimitĂ©, Ă se vivre comme un moins que rien ». Il y a la gĂȘne Ă©prouvĂ©e face Ă la honte d'autrui, qui conduit, le plus souvent, Ă une mise Ă distance, Ă un refus d'entendre ce qui dĂ©range. L'Ă©coute de celle ou celui qui a honte est difficile. De Gaulejac, 1996. Dans un Ă©tat honteux, l'acteur social cherche Ă renier les sources de sa honte, Ă cacher aux autres autant qu'Ă lui-mĂȘme ce qui fait souffrance Ă sa vie. Il rejette la rĂ©alitĂ© quotidienne pour se fabriquer une rĂ©alitĂ© acceptable mais il n'Ă©volue pas dans un monde empreint de virtualitĂ©. Il se construit un univers oĂč il peut ĂȘtre maĂźtre de sa destinĂ©e, se dĂ©lestant des entraves barrant l'avenir. L'objet indĂ©sirable est mis de cĂŽtĂ© dans l'espoir d'ĂȘtre occultĂ©. Le modĂšle primaire envisagĂ© par FREUD est de type oral cela je veux le manger ou bien je veux le cracher ... Donc cela doit ĂȘtre en moi ou bien en dehors de moi ... Le mauvais, l'Ă©tranger au moi, ce qui se trouve en dehors, c'est pour lui tout d'abord identique Penot, 1989, p 29. Les parents doivent parvenir Ă gĂ©rer l'Ă©tat de contradiction entre ce qu'ils pensaient ĂȘtre et ce qu'ils sont effectivement. Nous supposons qu'ils savent au fond d'eux-mĂȘmes que plus rien ne sera comme avant ou comme ils l'avaient imaginĂ©. Pourtant il semblerait qu'ils espĂšrent toujours rejeter l'intrus Ă leur existence en usant de subterfuges dĂ©niant la rĂ©alitĂ©. Les parents doivent dĂ©truire l'image de l'enfant idĂ©al ceci afin de parvenir Ă se reformuler un parcours possible avec un enfant n'intĂ©grant pas les critĂšres sociaux normatifs. Anselm STRAUSS 1992 dĂ©finit la mort comme un processus temporel, fait de successions de statuts transitionnels » par lesquels passe l'individu. Les parents passent par des Ă©tats divers sur le chemin de l'acceptation. Nous parlerons de parents d'enfants morts-nĂ©s » socialement devant parvenir, par Ă©tapes successives, Ă s'accommoder de l'altĂ©ritĂ© de leur progĂ©niture. Le deuil social n'est pas uniquement un travail sur soi pour surmonter la disparition d'un ĂȘtre cher. Sa mission est plutĂŽt de remplir la place sociale attribuĂ©e Ă l'enfant normal » laissĂ©e vacante par l'entremise du handicap. Nous empruntons Ă STRAUSS, qui s'est intĂ©ressĂ© Ă la profession mĂ©dicale dans sa gestion de la mort, les notions de projection de trajectoire » et de contexte de consciences » dans lequel les gens interagissent en mĂȘme temps qu'ils le dĂ©couvrent. Ce contexte est complexe, il ne demeure pas constant, il change tout au long de la trajectoire » Strauss, 1992. Au fil du temps, le point de vue des parents sur le handicap fluctue et s'enrichit de l'expĂ©rience quotidienne. L'expĂ©rience du handicap est source de connaissance Ă la fois brute et rĂ©flĂ©chie, elle se construit dans l'urgence de l'instant et par la rĂ©flexivitĂ© sur les situations vĂ©cues. Le handicap complexifie le rapport au monde, aux autres familiaux ainsi qu'Ă soi. Les rĂ©fĂ©rences normatives restent les normes sociales Ă©tablies mais il faut faire avec un sujet qui ne s'en accommode nullement. La construction de soi est interdĂ©pendante des autres. Nous nous demandons quel est le rĂŽle constitutif que peut jouer l'autrui dans la construction du soi de parent d'un enfant diffĂ©rent sachant que pour MEAD Le jeu rĂ©glementĂ© possĂšde une logique qui permet l'organisation du soi il y a un but dĂ©fini Ă atteindre ; les actions des diffĂ©rents individus sont liĂ©es les unes aux autres par rapport Ă cette fin, de sorte qu'elles n'entrent pas en conflit. On n'est pas en opposition avec soi-mĂȘme en prenant l'attitude d'un autre Ă©quipier si quelqu'un Ă l'attitude de lancer la balle, il peut aussi avoir la rĂ©action de l'attraper Mead, 1963, p 135. Les rĂšgles du jeu sont communes Ă chacun et intĂ©grĂ©es par les acteurs parentaux. Cependant il semble bien qu'ils soient dans l'obligation de jouer en solistes c'est-Ă -dire d'inventer leurs propres rĂšgles sociales Ă©crites par la logique du handicap. Il y a un jeu jouĂ© sur la scĂšne sociale avec les autres membres de la sociĂ©tĂ© oĂč les rĂŽles sont clairement dĂ©finis et un jeu plus obscur, interne Ă la cellule familiale, dont les rĂšgles sont Ă©laborĂ©es en coulisses. Les parents d'enfants handicapĂ©s mentaux dĂ©ploient des stratĂ©gies afin d'attĂ©nuer leur rapport de souffrance au monde. Ils s'inscrivent dans un contexte les obligeant Ă agir en fonction d'une rationalitĂ© limitĂ©e par les possibilitĂ©s de l'enfant. Ils se convaincraient, se donneraient de bonnes raisons afin d'espĂ©rer que tout est finalement possible. Il faut pourtant, pour ces acteurs parentaux, se voiler certaines rĂ©alitĂ©s de leur existence pour prĂ©server une relation avec leur environnement. Nous admettons qu'ils influencent leur propre destinĂ©e plutĂŽt qu'ils ne la subissent. Ces acteurs sociaux agissent par mauvaise foi », ils sont des imposteurs » Sartre, 1984, comĂ©diens ne cherchant qu'Ă tricher avec leurs pairs. Leurs croyances en une normalitĂ© possible apparaissent comme irrationnelles du dehors mais elles ont certainement des raisons d'ĂȘtre cachĂ©es. La duperie peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme un des moyens cognitifs mis Ă la disposition des parents pour leurrer les autres autant qu'ils se leurrent. Notre objet de recherche s'inscrit dans la sociologie des croyances. Le handicap mental, lorsqu'il pĂ©nĂštre le cercle familial, engendre un bouleversement de l'identitĂ© sociale individuelle. Une autre façon de voir la vie prend naissance dans l'esprit des acteurs parentaux ; ils ne sont plus si sĂ»rs d'eux-mĂȘmes, ni de leur avenir. Ils s'inscrivent dans une situation oĂč l'incertitude du lendemain est le lot quotidien. L'individualisme mĂ©thodologique de Raymond BOUDON s'impose lorsque nous Ă©voquons les capacitĂ©s des acteurs sociaux Ă agir malgrĂ© les alĂ©as de la vie. Ils ne sont pas uniquement cataloguĂ©s et dĂ©terminĂ©s par des entrepreneurs de morale » qui leur dicteraient les conduites Ă adopter face au handicap Becker, 1985. Nous les considĂ©rons comme des individus rationnels, certes limitĂ©s dans leurs actions par le handicap de l'enfant. Ils sont nĂ©anmoins capables de faire des choix motivĂ©s en fonction de leur position sociale. Le sociologue nous dit que ConsidĂ©rer un acteur comme rationnel et... expliquer le comportement les attitudes, les croyances, etc. de l'acteur, c'est mettre en Ă©vidence les bonnes raisons » qui l'ont poussĂ© Ă adopter ce comportement ces attitudes, ces croyances, tout en reconnaissant que ces raisons peuvent, selon les cas, ĂȘtre de type utilitaire ou tĂ©lĂ©ologique, mais aussi bien appartenir Ă d'autres types Boudon, 1986. Nous dĂ©gagerons des points de bifurcation, de rĂ©orientation des choix. Dans notre travail de maĂźtrise de l'annĂ©e passĂ©e nous avons senti poindre des variations dans l'interprĂ©tation parentale du quotidien. Avec le temps qui passe les parents adoptent des points de vue diffĂ©rents sur le handicap, la linĂ©aritĂ© temporelle - passĂ©, prĂ©sent, futur - ne va pas de soi. Le handicap semble perturber toutes les logiques de l'existence cet illogisme de situation est combattu par les parents grĂące Ă l'Ă©laboration de stratĂ©gies de persuasion. Ils doivent parvenir Ă se persuader de l'utilitĂ© d'exister au sein d'un monde qui n'a pas rĂ©servĂ© de place sociale valorisante pour leur enfant, un monde les mettant souvent Ă l'index. II. LA METHODOLOGIE 1. PrĂ©sentation. Nous recherchons Ă apprĂ©hender la maniĂšre dont les parents parviennent Ă accepter de vivre avec un enfant handicapĂ© mental et comment ils envisagent la possibilitĂ© d'un avenir au sein de la sociĂ©tĂ© au mĂȘme titre que tout un chacun. Nous supposons que les parents sont amenĂ©s Ă croire que leur enfant trouvera une place sociale assignĂ©e autre que celle de la mise au ban de la communautĂ©. Notre supposĂ© rejoint le point de vue de Karl POPPER qui fait allusion Ă la possibilitĂ© d'adopter dans les sciences sociales ce qu'on appelle la mĂ©thode de construction logique ou rationnelle, ou la mĂ©thode de l'hypothĂšse nulle ». Cette mĂ©thode consiste Ă construire un modĂšle Ă partir du postulat d'une rationalitĂ© totale et peut-ĂȘtre du postulat de la possession d'une information complĂšte de la part de tous les individus en jeu, et estimer la dĂ©viation du comportement effectif des gens par rapport au modĂšle de comportement, en utilisant ce dernier comme une sorte de coordonnĂ©e zĂ©ro Popper, 1956. Nous admettons que les acteurs sociaux ont une idĂ©e de ce qu'ils veulent faire et des moyens de mise en oeuvre adaptĂ©s pour parvenir Ă leur fin. Ils connaissent suffisamment leur situation sociale pour ĂȘtre Ă mĂȘme de dĂ©cider ce qui est bon ou mauvais pour l'avenir de l'enfant. Ils possĂšdent, comme chacun de nous, un savoir spontanĂ© qui dicte leur conduite. Cependant, pour l'observateur attentif et aguerri sachant se mettre Ă distance de ces impressions brutes, bien des divergences Ă©mergent entre la vision qu'ont les acteurs de leur existence et la rĂ©alitĂ© dans laquelle ils se meuvent. Ces dĂ©viations importent Ă notre recherche car elles nous permettent de voir que les acteurs peuvent vivre dans un monde imaginaire les protĂ©geant d'une vĂ©ritĂ© inassimilable. Nous sommes conscients que la situation sociale des acteurs les prĂ©dispose Ă penser qu'il en sera ainsi. Leurs Ă©tats d'Ăąme sont fondĂ©s et logiques. C'est en fait le problĂšme particulier des sciences sociales de dĂ©velopper des dispositifs mĂ©thodologiques afin d'atteindre une connaissance objective et vĂ©rifiable d'une structure de signification subjective » SchĂŒtz, 1987, p 45. Nos hypothĂšses s'Ă©noncent ainsi 1. Les attentes des acteurs parentaux dans la relativisation du handicap sont soumises aux contingences liĂ©es Ă un contexte social. 2. L'annonce du handicap influence la perception qu'ont les parents de l'avenir de leur enfant. 3. La croyance des parents en une normalitĂ© possible de leur enfant dĂ©croĂźt au fil du temps. 4. La pĂ©riode de l'adolescence est dĂ©cisive dans l'acceptation ou le refus d'acceptation de la condition de handicapĂ© par les parents. Notre intĂ©rĂȘt s'oriente vers la dimension temporelle c'est-Ă -dire vers une perception du handicap par les parents qui Ă©voluerait selon le temps. La temporalitĂ© est une trame Ă laquelle les acteurs sociaux se rĂ©fĂšrent, un calendrier subjectif oĂč s'entremĂȘlent le passĂ©, le prĂ©sent et le futur. Elle forge les points de vue et les actions Ă Ă©laborer face Ă une existence alĂ©atoire. Les acteurs parentaux partagent avec leur enfant une communautĂ© de temps » dĂ©finie ainsi par SCHĂTZ Partager une communautĂ© de temps implique que chaque partenaire participe au dĂ©roulement de la vie de l'autre, qu'il puisse saisir dans un prĂ©sent vivant les pensĂ©es de l'autre au fur et Ă mesure qu'elles s'Ă©difient ... En bref, les consociĂ©s sont mutuellement impliquĂ©s dans la biographie de l'un et de l'autre ; ils vieillissent ensembles ; ils vivent, comme nous pourrions l'appeler, dans une pure relation Nous » ShĂŒtz, 1987, p 23. Le cercle familial renforcĂ© ou dĂ©tĂ©riorĂ© par la prĂ©sence du handicap Ă bien Ă voir avec la constitution d'un Nous » unique et particulier, vivant un temps particulier dĂ©pendant des Ă©volutions de l'enfant. Les consociĂ©s » dans cette forme de socialisation sont les jouets d'un dĂ©terminant, le handicap, qui rĂ©gularise ou dĂ©-rĂ©gularise les liens familiaux. Nous parlons d'une famille hors norme ne pouvant ĂȘtre assimilĂ©e Ă une sociologie de la famille gĂ©nĂ©rale dont il nous faut trouver une entrĂ©e originale pour sa comprĂ©hension. Nous rejetons le postulat qui est de considĂ©rer les sujets sociaux comme des marionnettes dont les fils seraient manipulĂ©s par un Ă©lĂ©ment qui leur serait extĂ©rieur. Dans le cas du handicap mental, nous posons l'hypothĂšse que les individus dĂ©ploient des stratĂ©gies et usent de techniques originales dans l'Ă©ducation de leur enfant. Ils ne sont pas installĂ©s dans un dĂ©terminisme les rĂ©duisant Ă subir un sort qu'ils n'auraient pas choisi. Si fatalitĂ© il y a, Ă la dĂ©couverte du handicap de l'enfant, il existe Ă©galement un potentiel d'actions dĂ©ployĂ© par les acteurs pour se sortir d'une rĂ©alitĂ© inacceptable. L'acteur parental se doit de donner un sens Ă sa vie, une raison de vivre en surmontant cette fatalitĂ©, anticiper un futur mĂȘme chaotique pour ne pas seulement dĂ©sespĂ©rer de l'existence. L'acteur social doit s'imaginer un avenir, une vie rĂȘvĂ©e Tout projet consiste en une anticipation du futur menĂ© sur le mode de l'imagination. Or ce n'est pas le processus de l'action au moment oĂč il se dĂ©roule mais l'acte imaginaire comme s'il s'Ă©tait rĂ©alisĂ© qui est le point de dĂ©part de tous les projets que l'on peut faire SchĂŒtz, 1987, p 26. SCHĂTZ 1987 dĂ©finit le terme d'action » comme une conduite humaine basĂ©e sur un projet prĂ©conçu, prĂ©vue Ă l'avance et l'acte » comme le rĂ©sultat du processus qui s'est dĂ©roulĂ©, c'est-Ă -dire l'action accomplie. Nous nous attacherons Ă lire ces conduites humaines ainsi que leurs consĂ©quences dans les faits, Ă essayer de capter les processus qui guident l'action des individus et rendent pertinents les actes accomplis mĂȘme les plus irrationnels en apparence. 2. Les procĂ©dures d'enquĂȘte. Nous souhaitons comprendre comment se construit l'individu, parent d'un enfant handicapĂ© mental. Nous pensons qu'il existe une construction typique » d'une identitĂ© de ce genre de parent se caractĂ©risant par un Ă©cart Ă la norme sociale parentale. Ces parents semblent se construire en opposition aux institutions, aux autres acteurs sociaux ; ils se dĂ©terminent comme l'inverse de ce qui est admissible, acceptable et assimilable par le corps social. Les parents de l'enfant handicapĂ© mental vivent dans un monde Ă part difficilement interprĂ©table pour les profanes, ceux qui ne savent pas, ceux qui ne peuvent pas comprendre. Les mĂ©thodes choisies doivent nous ouvrir les portes d'un domaine difficile d'accĂšs, caractĂ©risĂ© par des non-dits, des faux-semblants. L'identitĂ© sociale se forge au contact des autres, les statuts sociaux lisibles permettent des interactions franches non entachĂ©es de suspicion qu'en est-il de ces personnes dont le statut parental est prĂ©carisĂ© par le handicap ? Le rĂŽle de pĂšre ou de mĂšre ordinaire » n'Ă©tant plus envisageable, quels modĂšles Ă©pousent-ils ? Comment se re-fabriquent-ils un univers domestique cohĂ©rent pour faire comme si » Ă la face des autres ? Ce comme si » devient l'enjeu majeur pour rĂ©-instaurer, ravaler une image brouillĂ©e et mise Ă mal. Nous retiendrons deux mĂ©thodes, l'entretien et l'observation, afin d'accĂ©der Ă la comprĂ©hension des acteurs. Nous ne ferons pas l'apologie de celles-ci mais nous les avons choisies car nous les considĂ©rons comme adaptĂ©es Ă la situation vĂ©cue des parents. L'entretien. Pour atteindre, dans une visĂ©e de comprĂ©hension, le sens que les parents donnent Ă leur vie avec un enfant handicapĂ© et les reprĂ©sentations de leur vie Ă venir, nous optons pour l'entretien semi-directif. Cette posture mĂ©thodique consiste A faire produire par l'enquĂȘtĂ© un discours plus ou moins linĂ©aire avec le minimum d'interventions de la part de l'enquĂȘteur. Il s'agit de provoquer ce discours, aprĂšs accord avec l'intĂ©ressĂ©, puis de le faciliter pour explorer les informations dont dispose l'enquĂȘtĂ© Ă ce sujet, c'est-Ă -dire ce qu'il peut en dire Durand - Weil, 1997, p 390. Les acteurs sociaux ne sont pas Ă considĂ©rer comme des idiots culturels », mais ils dĂ©montrent une certaine intelligence dans l'interprĂ©tation de leur vie quotidienne. Les objets du monde sont, en principe, accessibles Ă leur connaissance, c'est-Ă -dire ou bien qu'ils sont connus d'eux ou bien qu'ils peuvent l'ĂȘtre » ShĂŒtz, 1987, p 17. Les parents ont une expĂ©rience vĂ©cue du handicap, ils sont les premiers concernĂ©s, en tant que tels ils sont Ă mĂȘme de nous entretenir sur ce qui se passe au sein de la sphĂšre familiale. Nous nous dĂ©tachons d'une mĂ©thode plus dĂ©terministe qui donne la primautĂ© aux structures objectives. A ce propos, citons Pierre BOURDIEU qui dĂ©termine deux moments dans l'investigation D'un cĂŽtĂ©, les structures objectives que construit le sociologue dans le moment objectiviste, en Ă©cartant les reprĂ©sentations subjectives des agents, sont le fondement des reprĂ©sentations subjectives et elles constituent les contraintes structurales qui pĂšsent sur les interactions ; mais d'un autre cĂŽtĂ©, ces reprĂ©sentations doivent aussi ĂȘtre retenues si l'on veut rendre compte notamment des luttes quotidiennes, individuelles et collectives, qui visent Ă transformer ou Ă conserver ces structures » Bourdieu, citĂ© par Corcuff, 1995, p 31. Nous ne faisons pas une rupture radicale d'avec le sens commun, une rupture Ă©pistĂ©mologique » dont les fondements sont de se dĂ©marquer du langage ordinaire et de la subjectivitĂ© des individus. Cette rupture serait une procĂ©dure scientifique indĂ©passable afin de tendre Ă l'objectivitĂ©, elle permettrait de rejeter les prĂ©notions, ces idola » durkheimiens, Sortes de fantĂŽmes qui nous dĂ©figurent le vĂ©ritable aspect des choses et que nous prenons pourtant pour les choses mĂȘmes. Et c'est parce que ce milieu imaginaire n'offre Ă l'esprit aucune rĂ©sistance que celui-ci, ne se sentant contenu par rien, s'abandonne Ă des ambitions sans bornes et croit possible de construire le monde par ses seules forces et au grĂ© de ses dĂ©sirs caractĂ©risĂ© comme le vernaculaire prĂ©-scientifique Durkheim, 1988, p 111. Pour notre part, nous pensons que les acteurs ne sont pas systĂ©matiquement dupes de leurs croyances ; ils ne sont pas effectivement si facilement trompĂ©s et aveuglĂ©s par le voile des prĂ©jugĂ©s » sur leur existence. Nos procĂ©dures d'accĂšs au vĂ©cu quotidien des individus divergent mĂ©thodologiquement et s'inscrivent dans une sociologie wĂ©berienne de la comprĂ©hension. Nous exposerons ultĂ©rieurement la thĂ©orie sociologique de Max WEBER, nous Ă©voquons de prĂ©fĂ©rence la neutralitĂ© axiologique » comme mode d'objectivation et d'apprĂ©hension de la rĂ©alitĂ©. La validitĂ© universelle de la science exige que le savant ne projette pas dans sa recherche ses jugements de valeur, c'est-Ă -dire ses prĂ©fĂ©rences esthĂ©tiques ou politiques » Aron, 1967, p 504. Nous devons conserver un maximum de neutralitĂ© au cours de l'entretien et ne pas ĂȘtre tentĂ©s d'influencer le sujet interviewĂ©. Notre propre conception de la rĂ©alitĂ© n'est pas celle de l'autre, elle s'Ă©nonce diffĂ©remment, elle peut choquer et surprendre, elle n'en est pas moins teintĂ©e de ses valeurs. Le sociologue doit user de rĂ©flexivitĂ© pour apprĂ©hender les interprĂ©tations spontanĂ©es des acteurs sociaux. Elles sont Ă considĂ©rer comme un savoir, un moyen pour le chercheur d'accĂ©der Ă la comprĂ©hension du monde qu'il veut dĂ©crypter. Pour comprendre les attitudes, les dĂ©cisions, les pratiques mises Ă contribution par les individus dans une situation donnĂ©e Ă un moment donnĂ© de leur existence, nous devons faire preuve d'empathie L'empathie signifie ici que l'observateur le sociologue grĂące aux informations dont il dispose sur les Ă©lĂ©ments composant la situation de l'observĂ©, puisse se mettre Ă la place de celui-ci et considĂ©rer cet acteur-en-situation comme objet extĂ©rieur Ă sa l'observateur propre situation. La phase ultime de l'explication du phĂ©nomĂšne social est atteinte lorsque l'observateur, pleinement conscient de la situation dans laquelle se trouve l'acteur social, est en mesure de dire que dans les mĂȘmes circonstances ou contextes il aurait peut-ĂȘtre agi de la mĂȘme maniĂšre Assogba, 1999, p 61. Le choix de l'entretien s'impose donc lorsque nous recherchons Ă saisir le vernaculaire prĂ©-scientifique, ... trĂ©sor de types et de caractĂšres prĂȘts Ă l'emploi et prĂ©-constituĂ©s » SchĂŒtz, 1987, permettant au chercheur de lire le monde qu'il a souhaitĂ© explorer. Le choix de l'Ă©chantillon. La dĂ©finition de la population. DĂ©finir une population, c'est sĂ©lectionner les catĂ©gories de personnes que l'on veut interroger, et Ă quel titre ; dĂ©terminer les acteurs dont on estime qu'ils sont en position de produire des rĂ©ponses aux questions que l'on se pose » Blanchet et Gotman, 1992, p 50-51. Les familles sĂ©lectionnĂ©es pour notre enquĂȘte future Ă©pouseront certains critĂšres objectifs dĂ©terminĂ©s ainsi, selon les hypothĂšses de recherche Ă©mises plus haut 1. Pour vĂ©rifier l'hypothĂšse 1, les contextes socioculturels dans lesquels se dĂ©roule la vie sociale domestique devront ĂȘtre variĂ©s et non homogĂšnes, 2. Pour vĂ©rifier l'hypothĂšse 2, le handicap mental doit ĂȘtre associĂ© ou non Ă une lecture que nous qualifierons de lisible » par la sociĂ©tĂ©. La perspective de l'avenir est tributaire de l'annonce du handicap qui n'est pas toujours Ă©noncĂ© Ă la naissance. 3. Pour vĂ©rifier les hypothĂšses 3 et 4, celles qui nous importent pour le travail de thĂšse Ă venir, l'Ăąge de l'enfant ou de l'adolescent devront se situer dans une des catĂ©gories suivantes, Ă©pousant le modĂšle institutionnel, Ă savoir la classe d'Ăąge 6 - 12 ans, la classe d'Ăąge 12 - 15 ans, la classe d'Ăąge 16 - 20 ans. Pour la comprĂ©hension du choix des classes d'Ăąge, nous rappelons la constitution de l'Ă©tablissement spĂ©cialisĂ©, choisi pour notre enquĂȘte, oĂč sont placĂ©s les enfants et adolescents dĂ©ficients intellectuels. L'Institut MĂ©dico-Educatif est organisĂ© de la sorte Un Institut MĂ©dico-PĂ©dagogique composĂ© d'enfants ĂągĂ©s de 6 Ă 12 ans, bĂ©nĂ©ficiant d'un enseignement scolaire spĂ©cialisĂ© couplĂ© Ă des activitĂ©s Ă©ducatives spĂ©cialisĂ©es, Un Institut MĂ©dico-Professionnel composĂ© d'adolescents et de jeunes adultes ĂągĂ©s de 16 Ă 20 ans, bĂ©nĂ©ficiant d'un apprentissage technique et professionnel spĂ©cialisĂ©, Un groupe de prĂ©-adolescents ĂągĂ©s de 12 Ă 15 ans, unitĂ© passerelle », caractĂ©risĂ©e par une mise au travail progressive en ateliers professionnels et un maintien en groupe scolaire spĂ©cialisĂ©. Le choix de la population sera fait en fonction de donnĂ©es objectives. Je suis Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© au sein de la structure d'accueil des enfants et des adolescents. L'institution possĂšde des ressources informatives tels que les dossiers administratifs, Ă©ducatifs et pĂ©dagogiques, mĂ©dico-sociaux dont j'ai accĂšs. Le choix pourra se faire Ă©galement par expĂ©rience c'est-Ă -dire par le biais d'une connaissance professionnelle du handicap mental et de son environnement d'Ă©volution. La procĂ©dure. Les entretiens se dĂ©rouleront en deux temps un temps avec le pĂšre, un temps avec la mĂšre. Il va de soi que cette procĂ©dure concerne les couples constituĂ©s. Les faisant fonction » de parents seront aussi considĂ©rĂ©s. L'entretien sĂ©parĂ© permet de recueillir la parole des deux parties ; nous Ă©mettons l'hypothĂšse que celle-ci diverge sur la perception de l'avenir de l'enfant ou de l'adolescent. Les statuts de mĂšre et de pĂšre Ă©tant des construits sociaux dispatchant des rĂŽles sociaux Ă l'intĂ©rieur du couple, il est bon d'interroger la vision de l'acteur selon la place qu'il occupe dans leur relation Ă l'enfant. Le panel devra ĂȘtre suffisamment consĂ©quent 40 familles et diffĂ©renciĂ© pour prĂ©tendre approcher la plus grande validitĂ© possible. Il serait intĂ©ressant d'interroger des parents d'autres structures d'accueil spĂ©cialisĂ© et ne pas s'enfermer dans un schĂ©ma unique de prise en charge. Nous pensons que la ligne directive de chaque Ă©tablissement peut influencer les projections parentales. Il nous semble bon d'interpeller les acteurs parentaux dont l'enfant est dit normal », rechercher les ressemblances et les dissemblances de deux mondes apparemment diffĂ©rents. Le regard sur le handicap de l'enfant par les parents Ă©volue selon le temps qui passe. Nous le rappelons, la temporalitĂ© nous intĂ©resse au premier chef. Depuis l'annĂ©e de Licence, nous suivons rĂ©guliĂšrement 5 familles qui prennent part Ă ce travail de recherche. Nous nous sommes entretenus rĂ©guliĂšrement avec elles, une fois par an et il est apparu au cours de ces annĂ©es des clivages important dans la maniĂšre de percevoir l'avenir de leur enfant. Il nous faut saisir Ă quels moments prĂ©cis, Ă quels Ă©vĂ©nements donnĂ©s, leur avis varie sur la perception de leur situation. Nous suggĂ©rons de poursuivre ce travail de recherche Ă leur cĂŽtĂ© mais de maniĂšre plus frĂ©quente. Les modalitĂ©s de recueil d'impressions pourraient se faire sur quelques mois au travers d'interventions rĂ©guliĂšres appels tĂ©lĂ©phoniques, courtes visites au domicile. Il s'agirait ainsi de suivre le parcours existentiel de ces parents et saisir Ă l'instant les espoirs, les dĂ©sillusions, en bref, ce qui fait qu'un jour tout semble possible et qu'un autre tout semble s'Ă©crouler. 3. L'observation directe. Les suppositions de dĂ©part et l'intĂ©rĂȘt portĂ© au sujet du handicap mental n'Ă©manent pas d'un questionnement sans fondement. L'histoire du chercheur, nous l'avons Ă©voquĂ©e dans notre problĂ©matique, est imprĂ©gnĂ©e du vĂ©cu avec ces personnes diffĂ©rentes, situĂ©es hors des normes sociales Ă©tablies. Les origines de cette recherche sont Ă Ă©pier dans la biographie de son auteur, elles sont dĂ©pendantes de nos premiĂšres Ă©motions, de nos premiĂšres interrogations, de nos peurs primaires issues des premiers contacts avec l'altĂ©ritĂ©. Ce qui nous tient dĂ©sormais Ă coeur c'est de comprendre ce que les gens ressentent, comment ils vivent une vie logiquement difficile. Le handicap n'est pas une fatalitĂ© pour les parents puisqu'une vie est possible malgrĂ© lui. Les stratĂ©gies parentales sont apprĂ©hendĂ©es dans les discours reflĂ©tant les impossibilitĂ©s qui, en contre partie, dĂ©finissent des champs de possibilitĂ©s. Le temps de l'entretien ne tient pas lieu d'observation, il est un temps de rencontre, d'Ă©change, d'impressions premiĂšres confortant ou rejetant nos a priori. L'observation directe est plus adaptĂ©e Ă notre quotidien professionnel. Nous participons, en tant qu'Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, au travail Ă©ducatif institutionnel, nous Ă©valuons les capacitĂ©s de l'enfant, nous tentons d'adapter nos actions Ă ces besoins, de le doter d'outils qui nous semblent bon pour son intĂ©gration en sociĂ©tĂ©. L'Ă©ducateur est amenĂ© Ă cĂŽtoyer le pĂŽle scolaire de l'institution et ses diffĂ©rents acteurs pĂ©dagogiques. Il exerce au sein de la structure qui, pour les parents, doit restaurer leur enfant. Nous participons de fait Ă la vie institutionnelle, nous avons notre avis sur le handicap de l'enfant. Les raisonnements professionnels diffĂšrent des analyses parentales, nous avons pu le constater au travers de rencontres entre les deux parties parents - professionnels ». Il existe un rĂ©alisme institutionnel qui ne correspond pas toujours Ă la rĂ©alitĂ© que les acteurs parentaux se font de leur enfant. Nous interrogerons ce dĂ©calage car il va de soi, pour le corps Ă©ducatif et pĂ©dagogique, que l'Ă©lĂšve handicapĂ© mental dĂ©montre des lacunes qui ne seront jamais comblĂ©es. Nous sommes placĂ©s Ă mi-chemin entre ces deux univers aux reprĂ©sentations divergentes ; nous interagissons dans ces deux mondes. MĂȘme si nous participons plus Ă l'un qu'Ă l'autre, nous possĂ©dons deux points de vue globaux sur le handicap. Nous rejoignons la mĂ©thode de travail des sociologues dits interactionnistes » qui Prend pour point de dĂ©part ce que Znaniecki nomme le coefficient humaniste », savoir que tout objet du monde culturel n'existe qu'en rapport avec la conscience, l'expĂ©rience et l'activitĂ© de sujets, et doivent ĂȘtre dĂ©crits dans ce contexte relationnel. L'expĂ©rience que les acteurs quotidiens ont du monde social et les conceptions qu'ils s'en font, constituera donc l'objet essentiel de la sociologie De Queiroz et Ziolkovski, 1994, p 34. Nous interrogeons bien deux conceptions diffĂ©rentes du monde selon la place particuliĂšre occupĂ©e par les diffĂ©rents acteurs le point de vue parental Ă©pouse rarement le point de vue Ă©ducatif. Il existe un monde oĂč tout est possible pour l'enfant handicapĂ© et un autre oĂč les difficultĂ©s de l'enfant sont trop importantes pour qu'il puisse se prendre en charge seul. Par expĂ©rience, nous supposons que l'enfant handicapĂ© mental se dĂ©finit par sa dĂ©pendance Ă un tiers. Les parents ont besoin d'espĂ©rer que la normalitĂ© adviendra pour que l'enfant accĂšde Ă l'indĂ©pendance. Le recueil d'informations, sur le terrain professionnel, par observation directe, est utile pour saisir le monde institutionnel de l'intĂ©rieur, ses pratiques et ses interprĂ©tations. De mĂȘme que pour la mĂ©thode comprĂ©hensive, l'observateur doit faire preuve d'extĂ©rioritĂ© dans le recueil et l'interprĂ©tation de ses donnĂ©es. Il ne participe pas aux jeux de miroirs complexes impliquĂ©s par le modĂšle d'interaction de ses contemporains » SchĂŒtz, 1987, p 34 ; il doit se dĂ©marquer face Ă l'objet qu'il cherche Ă investir. La fĂ©conditĂ© de l'usage de l'observation dĂ©pend en effet d'abord de l'aptitude du chercheur Ă entretenir une distance critique Ă l'Ă©gard de ses propres jugements et sentiments, ou, comme l'Ă©crit Hughes, de son Ă©mancipation par rapport Ă son milieu et Ă son origine sociale, religieuse ou culturelle. Mais elle dĂ©pend Ă©galement de son aptitude Ă comprendre en finesse l'univers symbolique des catĂ©gories de personnes Ă©tudiĂ©es ceci suppose une sensibilitĂ© qui ne peut souvent ĂȘtre acquise sans une familiaritĂ© prolongĂ©e avec cet univers symbolique. Chapoulie, 1985, p 19 Cette Ă©mancipation », ce dĂ©tachement de l'observateur », SchĂŒtz, 1987, p 34 trouve sa source dans l'Ă©noncĂ© mĂȘme de notre problĂ©matique qui s'intĂ©resse Ă la perception de l'avenir par les parents. Notre prĂ©occupation premiĂšre n'est pas d'entreprendre une recherche sur et dans l'institution asilaire », Ă l'instar de Goffman, sachant que nous sommes immergĂ©s dans celle-ci depuis maintenant de nombreuses annĂ©es. Nous voulons comprendre ce qui se passe dans une autre institution, la famille, et rendre compte des divergences par le biais des pratiques et des reprĂ©sentations communes. Le fait d' extĂ©rioriser » notre recherche nous permet de nous extĂ©rioriser nous-mĂȘmes ; nous gagnons en rĂ©flexivitĂ© en pĂ©nĂ©trant deux mondes dont l'intersection est le noyau de notre recherche. L'Ă©ducateur, le temps de l'Ă©tude sociologique, ĂŽte ses habits Ă©ducatifs pour revĂȘtir le costume de sociologue. Il n'est pas facile de changer de mĂ©tier car nous offrons une autre image pour les gens qui nous connaissent. Nous avons nous-mĂȘmes une autre idĂ©e sur le monde qui nous entoure ; tout ceci est parfois dĂ©stabilisant. L'observation interne de la structure doit surtout nous permettre d'apprĂ©hender les discours institutionnels sur la famille de l'enfant, entendre comment elle est parlĂ©e, comment elle est prĂ©jugĂ©e » par les acteurs praticiens du handicap. Nous explorerons les discours en situation » c'est-Ă -dire que nous capterons la parole des acteurs dans leur contexte d'exercice. Il nous faut comprendre comment ils crĂ©ent le monde tout en le parlant. La mĂ©thode interactionniste, plongeant le chercheur au coeur de son objet d'Ă©tude, repose sur le postulat que L'homme a une capacitĂ© d'auto-rĂ©flexivitĂ© » Mead et une des facettes de l'interactionnisme est de dĂ©finir un processus interprĂ©tatif de soi-mĂȘme, de l'autre influencĂ© par soi-mĂȘme, de soi-mĂȘme influençant l'autre et influencĂ© par l'autre..., mais toujours enracinĂ© dans le flot de l'interaction et de la vĂ©rification des anticipations Baszanger, 1992, p 15. Il ne nous faut pas uniquement saisir les faits », le dĂ©roulement des actions qui se joue devant nos yeux, mais il nous faut Ă©galement comprendre comment elles s'Ă©laborent en coulisses », pour reprendre une mĂ©taphore goffmanienne. En d'autres termes, la mise en place de nos mĂ©thodes de recherche empiriques l'entretien semi-directif et l'observation directe doivent nous amener Ă apprĂ©hender les motifs » SchĂŒtz, 1987, p 28 qui poussent l'acteur Ă agir dans l'univers qu'il s'est construit. L'acteur social peut donner un sens Ă sa pratique et nous dire pourquoi il est bon pour lui d'agir comme il agit. Le sens pratique est une habilitĂ© Ă rĂ©soudre les problĂšmes de la vie quotidienne. Dans notre propos, l'acteur fait preuve d'invention pour rĂ©soudre les difficultĂ©s quotidiennes. Il n'est pas naturellement » douĂ© pour y parvenir, il n'a pas toujours acquis antĂ©rieurement une façon de faire. Nous nous opposons Ă la dĂ©finition de Pierre BOURDIEU qui dĂ©finit le sens pratique comme NĂ©cessitĂ© sociale devenue nature, convertie en schĂšmes moteurs et en automatismes corporels, est ce qui fait que les pratiques, dans et par ce qui en elles reste obscur aux yeux de leurs producteurs et par oĂč se trahissent les principes trassubjectifs de leur production, sont sensĂ©s », c'est-Ă -dire habitĂ©es par le sens commun. C'est parce que les agents ne savent jamais complĂštement ce qu'ils font que ce qu'ils font a plus de sens qu'ils ne le savent Bourdieu, 1980, p 116. Nous ne postulons pas que l'acteur est dans un Ă©tat naturel de pratiques qui dicte ses conduites indĂ©pendamment de sa volontĂ©. Les parents d'enfants handicapĂ©s mentaux ne sont pas prĂ©parĂ©s Ă l'ĂȘtre, ils le deviennent par expĂ©rience. Ils sont dans une logique de dĂ©passement de leur situation ; nous avons bien affaire avec une volontĂ© d'agir pour rectifier le futur en fonction des donnĂ©es prĂ©sentes. Si les parents ne savent pas toujours comment s'y prendre c'est parce qu'il n'existe pas de rĂ©fĂ©rence pratique dans le mode d'Ă©ducation de l'enfant handicapĂ© mental. La vie s'apprend par expĂ©rience au fur Ă mesure des Ă©checs et des rĂ©ussites de l'enfant, rien n'est donnĂ© d'avance, tout se construit lentement. L'existence est faite de revers, d'illusions, de dĂ©sillusions. Le processus d'Ă©volution de l'existence est incessamment bouleversĂ© et remis en cause. III. AUTEURS ET CONCEPTS 1. Les parents de l'enfant handicapĂ© mental vus comme acteurs » plutĂŽt qu' agents ». Nous ne pouvons poursuivre plus en avant notre travail d'Ă©criture sans expliquer les concepts retenus utiles Ă notre propos. Il ne s'agit pas d'utiliser un jeu de mots ou de jouer sur les mots. Nous nous inscrivons dans une pensĂ©e sociologique dĂ©tachĂ©e d'un dĂ©terminisme coercitif pour les individus. Avant d'expliquer les raisons de notre Ă©loignement avec le courant holiste, nous allons clarifier l'usage de termes tels qu'acteurs sociaux, acteur parentaux ou agents sociaux. Le concept d'agent social. Nous parlons d'acteur social plutĂŽt que d'agent social car nous estimons que l'individu est capable de faire des choix individuels soumis Ă sa propre perception de la situation dans laquelle il Ă©volue. Il n'est pas qu'un pur produit de l'histoire » mais bien producteur de son histoire. L'habitude prise dans la rĂ©pĂ©tition des pratiques n'est pas Ă confondre avec un habitus » au sens bourdieusien du terme Qui produit des pratiques, individuelles et collectives, donc de l'histoire, conformĂ©ment aux schĂšmes engendrĂ©s par l'histoire ; Il assure la prĂ©sence active des expĂ©riences passĂ©es qui, dĂ©posĂ©es en chaque organisme sous forme de schĂšmes de perception, de pensĂ©e et d'action, tendent plus sĂ»rement que toutes les rĂšgles formelles et toutes les normes explicites, Ă garantir la conformitĂ© des pratiques et leur contenance Ă travers le temps Bourdieu, 1980, p 91. Nous l'avons Ă©voquĂ© antĂ©rieurement, il n'existe pas d'apprentissage par corps » pour devenir parent d'enfant handicapĂ© mental. Les rĂšgles du jeu domestique et social sont diffĂ©rentes et sont Ă inventer chaque jour. Il n'y a pas de construction linĂ©aire des pratiques, de logique de dĂ©veloppement de l'enfant, de stade acquis naturellement et repĂ©rable de maniĂšre psychopĂ©dagogique. L'habitude de vivre avec un enfant autre n'est pas le rĂ©sultat d'une rĂ©pĂ©tition des pratiques rien n'est acquis, tout est mouvant. Il est difficile d'Ă©voquer la notion d'habitus si ce concept est un produit de l'histoire naturelle. Nous ne sommes pas dans une perspective organiciste oĂč chacun serait en interdĂ©pendance. Les Ă©vĂ©nements passĂ©s au sein du couple avec l'enfant n'intĂšgrent pas une conscience collective » commune. L'expĂ©rience du handicap est hors du commun. Nous nous donnons pour tĂąche d'Ă©tudier le pathologique plutĂŽt que le normal. Quelles sont les rĂ©fĂ©rences sociales valables pour ces parents ? Il est douteux de penser qu'ils sont disposĂ©s Ă fonctionner » comme des machines socialement rĂ©gulĂ©es. Nous ne les considĂ©rons donc pas comme des agents agis par la sociĂ©tĂ©, nous accordons plus d'importance aux marges de libertĂ© qui leur sont laissĂ©es. Le concept d'acteur social. L'individu a la possibilitĂ© de faire des choix, bon ou mauvais, pour mener Ă bien son existence. Il n'est pas cette pĂąte molle sur laquelle viendrait s'inscrire les donnĂ©es de son environnement, lesquelles lui dicteraient ensuite son comportement dans telle ou telle situation » Boudon, 1986. Nous sommes opposĂ©s Ă la perspective holiste faisant primer le tout sur ses parties. Nous prenons en compte les marges de libertĂ© individuelles plutĂŽt que les contraintes dans lesquelles l'individu est enserrĂ©. La prioritĂ© est donnĂ©e Ă l'action non pas uniquement dĂ©terminĂ©e par le champ social. L'individu peut exister en dehors des limites de cadres sociaux rigides, il peut les dĂ©passer pour Ă©largir son propre champ Ă la sociĂ©tĂ© tout entiĂšre. L'acteur n'est ni aveugle ni incapable ; il sait gĂ©nĂ©ralement reconnaĂźtre les Ă©lĂ©ments de son contexte, Ă©valuer les chances et les obstacles et prendre les dĂ©cisions qui lui paraissent les plus efficaces Asogba, 1999, prĂ©face. Les comportements individuels ne sont pas dĂ©terminĂ©s par les structures cependant nous admettons toutefois que l'acteur n'est pas suspendu Ă un vide social » Boudon, 1992, p 28. L'individu est socialisĂ©, il vit au contact des autres, il doit faire avec. Ceci est d'autant plus vrai dans le domaine du handicap oĂč des contraintes matĂ©rielles apparaissent Ă©galement. Les idola » sont revivifiĂ©s et posent les bases Ă des prĂ©jugĂ©s ancrĂ©s dans l'imaginaire collectif. Cependant, la violence sociale, traduite dans des comportements d'Ă©vitement, des non-dits ou autres attitudes, est remise en cause par les parents. Ils ne font pas que subir les cadres de l'exclusion dans laquelle ils sont enfermĂ©s avec leur enfant. Ils revendiquent Ă©galement une place sociale pour leur progĂ©niture. Les parents usent de techniques de reconnaissance et oeuvrent Ă leur mise en place pour cette raison, ils sont entiĂšrement acteurs. Cependant, nous reconnaissons bien ici que l'acteur social se meut dans un contexte qui dans une large mesure s'impose Ă lui ». Ibid., p 28 D'un point de vue mĂ©thodologique, les acteurs sociaux peuvent ĂȘtre regroupĂ©s par catĂ©gorie. La situation sociale des individus est considĂ©rĂ©e, la classe sociale n'est plus dĂ©terminante. Il y a une lutte des parents pour la reconnaissance de leur enfant et d'eux-mĂȘmes qui ne porte pas uniquement sur les intĂ©rĂȘts de classe », mais aussi sur les conceptions du monde » Weber, 1992, p127. Les parents d'enfants handicapĂ©s mentaux sont dans une situation analogue. Le handicap touche toutes les classes sociales et nous faisons l'hypothĂšse qu'il est une force qui les dĂ©passe. Cependant, il nous faudra vĂ©rifier si les dispositions Ă©conomiques, culturelles et sociales, ce que BOURDIEU nomme les capitaux, interfĂšrent sur les reprĂ©sentations sociales des acteurs parentaux. La reconstruction familiale, jamais parfaite, est ce qui est primordial pour les parents ; leur vie quotidienne est rĂ©gie par le renouvellement de stratĂ©gies pour agir sur le handicap et son environnement. Par consĂ©quent la mĂ©thode individualiste invite Ă Regrouper les acteurs en catĂ©gories s'ils se trouvent dans une situation analogue et qu'on peut s'attendre Ă observer de leur part une attitude semblable sur tel ou tel sujet ... Etant donnĂ© que la sociologie de l'action s'intĂ©resse Ă des phĂ©nomĂšnes qui sont en gĂ©nĂ©ral le rĂ©sultat d'innombrables causes individuelles, il faut bien, si l'on ne veut pas aboutir Ă une impasse, regrouper les acteurs et les groupes abstraits, les rassembler dans des types ou en types idĂ©aux Ibid., p 28. Nous voyons que ces concepts d'agent social et d'acteur social ne sont pas anodins. Ils renvoient Ă des conceptions thĂ©oriques diffĂ©rentes et ils ne sauraient ĂȘtre confondus. Nous parlerons donc souvent d' acteur social » lorsque l'individu est Ă mĂȘme d'influencer le cours de son existence. Nous Ă©voquerons l' agent social » Ă chaque fois que l'individu semble subir une certaine coercition sociale, c'est-Ă -dire lorsque ses choix semblent dictĂ©s par le contexte structurel. Nous rattacherons parfois le substantif de parental » Ă ces deux termes pour prĂ©ciser le propos de notre Ă©tude. 2. La sociologie comprĂ©hensive de Max WEBER. Nous allons Ă©voquer le cadre conceptuel plus gĂ©nĂ©ral dans lequel s'inscrit notre recherche de sociologie. La part belle est faite aux acteurs, nous l'avons dit ce concept n'est pas un style de langage. L'acteur se dĂ©finit par l'action qu'il exerce sur son environnement et sur les autres individus, il participe aux Ă©vĂ©nements dont il est parfois l'instigateur. Nous nous inscrivons clairement Ă ce sujet dans la sphĂšre de la sociologie de Max WEBER qui a dĂ©fini ainsi la sociologie Nous appelons sociologie au sens oĂč nous entendons ici ce terme utilisĂ© avec beaucoup d'Ă©quivoques une science qui se propose de comprendre par interprĂ©tation l'activitĂ© sociale et par-lĂ d'expliquer causalement son dĂ©roulement et ses effets. Nous entendons par activitĂ© », un comportement humain peu importe qu'il s'agisse d'un acte extĂ©rieur ou intime, d'une omission ou d'une tolĂ©rance quand et pour autant que l'agent ou les agents lui communique un sens subjectif. Et, par activitĂ© sociale », l'activitĂ© qui, d'aprĂšs son sens visĂ© par l'agent ou les agents, se rapporte au comportement d'autrui par rapport auquel s'oriente son dĂ©roulement Max Weber, 1971, p 4. La sociologie wĂ©berienne cherche non seulement Ă constater les comportements humains intentionnels mais aussi Ă les comprendre. Les individus n'agissent pas par accident, leur activitĂ© est caractĂ©risĂ©e par le fait qu'ils veulent agir d'une certaine maniĂšre. D'ailleurs, WEBER ne retient pas les situations de hasard non provoquĂ©es par les individus. Son objet spĂ©cifique Ă la sociologie comprĂ©hensive ne consiste pas en n'importe quelle disposition intĂ©rieure » ou comportement extĂ©rieur, mais en l'activitĂ©. Nous dĂ©signons toujours par activitĂ© » un comportement comprĂ©hensible, ce qui veut dire relatif Ă des objets » qui est spĂ©cifiĂ© de façon plus ou moins consciente par un quelconque sens subjectif Ă©chu » ou visĂ© » Weber, 1995, p 305. Cette dĂ©finition est celle de la rationalitĂ© instrumentale. WEBER estime que l'activitĂ© est traduite dans un comportement rationnel c'est-Ă -dire qu'il est possible Ă l'acteur de se doter de moyens adĂ©quats pour atteindre le but fixĂ©. L'espĂšce la plus immĂ©diatement comprĂ©hensible » de la structure significative d'une activitĂ© reste celle qui s'oriente subjectivement et de façon strictement rationnelle d'aprĂšs les moyens qui passent subjectivement pour ĂȘtre univoquement adĂ©quats Ă la rĂ©alitĂ© de fins conçues subjectivement de façon univoque et claire Ibid., p 308-309. L'action rationnelle est dĂ©finie par le fait que l'acteur conçoit clairement le but et combine les moyens en vu d'atteindre celui-ci. » Aron, 1967, p 500. Ce raisonnement subjectif de l'acteur social, forcĂ©ment adaptĂ© Ă une fin qu'il s'est donnĂ©, n'intĂšgre pas la part d'irrationalitĂ© de l'action individuelle. La fin, pour Max WEBER 1995, est la reprĂ©sentation d'un rĂ©sultat qui devient cause d'une action, elle en est la gĂ©nĂ©ratrice. Les comportements qui n'Ă©pousent pas ce modĂšle ne seraient pas saisissables par le sociologue et ne mĂ©riteraient pas, par consĂ©quent, qu'on y attache de l'intĂ©rĂȘt. L'acteur social peut penser que la fin recherchĂ©e est bĂ©nĂ©fique pour lui mais les moyens qu'il dĂ©ploie, peu adaptĂ©s Ă sa situation, ne lui permettront pas de parvenir Ă cette fin. Dans ce cas, nous disons qu'il n'a pas les moyens de ses ambitions. La rationalitĂ© de l'acteur peut donc apparaĂźtre comme erronĂ©e, en ce sens qu'il peut avoir une fausse conscience des moyens dont il dispose pour atteindre ses objectifs » Assogba, 1999. Pour nous, ce comportement que nous rencontrons parfois chez les parents d'enfants handicapĂ©s n'est pas irrationnel car il peut ĂȘtre comprĂ©hensible. Pour pallier le manque de sa dĂ©finition de l'activitĂ© typiquement rationnelle », WEBER introduit l'idĂ©e d'une action affective ou Ă©motionnelle. Cette action est DictĂ©e immĂ©diatement par l'Ă©tat de conscience ou par l'humeur du sujet ... Dans tous ces cas, l'action est dĂ©finie non pas par rĂ©fĂ©rence Ă un but ou Ă un systĂšme de valeurs, mais par la rĂ©action Ă©motionnelle de l'acteur placĂ© dans des circonstances donnĂ©es Ibid., p 501. Ces rĂ©actions sont palpables dans l'instant, elles sont immĂ©diates et instinctives et rĂ©pondent subitement aux stimuli extĂ©rieurs. Les acteurs parentaux vivent dans un univers de souffrance qu'ils cherchent Ă apprivoiser. Nous sommes amenĂ©s Ă considĂ©rer cette souffrance ; si nous n'avons pas Ă ĂȘtre en sympathie » avec les sujets, nous devons pourtant pouvoir nous mettre Ă leur place, user d'empathie. Il faut considĂ©rer leurs actions dĂ©tachĂ©es de toute colĂšre ou de honte justifiĂ©es face Ă l'insensĂ©. Ces sentiments sont quotidiennement prĂ©sents, enfouis au plus profond d'eux-mĂȘmes et jaillissant au moindre trouble. Nous prendrons en compte l'apparition de ces Ă©tats d'Ăąme, symptĂŽme d'un mal-ĂȘtre avec les autres, mais nous n'en ferons pas l'objet de notre recherche. L'essentiel est de comprendre par quels stratagĂšmes, les acteurs sociaux peuvent dĂ©passer leurs Ă©motions pour ne pas en ĂȘtre dĂ©pendants. Ils ne sont pas constamment en rĂ©activitĂ© intense face aux Ă©vĂ©nements ; ils sont Ă mĂȘme de se faire une raison sur leur sort. L'acteur social est-il tout Ă fait rationnel quand il est livrĂ© Ă ses Ă©motions ? Son attitude est comprĂ©hensible face Ă l'Ă©vĂ©nement qui le met en danger mais sa rĂ©action n'est pas toujours rĂ©flĂ©chie. L'impulsivitĂ©, attitude dĂ©fensive, est une explosion Ă©motionnelle comprĂ©hensible mais est-elle rationnelle ? Pour Max WEBER, et nous le suivons dans ce sens, l'Ă©motion est Ă considĂ©rer comme rationnelle quand elle assouvit une tension. Nous posons seulement le problĂšme des consĂ©quences sociales Ă de telles irruptions affectives supposant que l'acteur social ne les maĂźtrise pas toujours. Nous atteignons ici la dimension de l'action rationnelle par rapport Ă une valeur Est celle du socialiste allemand Lasalle se faisant tuer dans un duel, ou celle du capitaine qui se laisse couler avec son vaisseau. L'action est rationnelle non parce qu'elle tend Ă atteindre un but dĂ©fini et extĂ©rieur, mais parce que ne pas relever le dĂ©fi ou abandonner un navire qui sombre serait considĂ©rĂ© comme dĂ©shonorant. L'acteur agit rationnellement en acceptant tous les risques, non pour obtenir un rĂ©sultat extrinsĂšque, mais pour rester fidĂšle Ă l'idĂ©e qu'il se fait de l'honneur Ibid., p 500 - 501. Les rĂ©actions mises au jour antĂ©rieurement sont une rĂ©ponse aux situations dĂ©shonorantes impliquĂ©es par le handicap. Les parents doivent restaurer une certaine respectabilitĂ© perdue. Il y a bien des risques rĂ©els de discrĂ©dit lorsqu'on apparaĂźt avec un enfant handicapĂ© en sociĂ©tĂ© ; il faut sauver l'honneur de la famille et dĂ©fendre son enfant coĂ»te que coĂ»te, objet de railleries insupportables pour les parents. Les attitudes extĂ©rieures semblent injustes pour les acteurs parentaux et pourtant ils doivent faire avec. La sociĂ©tĂ© est normative, les acteurs agissent donc selon ce qui leur semble bon ou mauvais. Les valeurs sociĂ©tales, quasi-universelles, sont intĂ©grĂ©es par les individus. Cependant, dans le cas du handicap, les parents interpellent celles-ci. Comment se fait-il qu'il y ait des individus rejetĂ©s aux marges de la sociĂ©tĂ© selon un critĂšre d'exclusion basĂ© sur l'apparence et non sur le crime commis ? Le handicapĂ© est une victime sujette Ă la compassion exacerbĂ©e. Il est aussi un ĂȘtre coupable d'exister car il dĂ©range l'ordre social des choses. La construction identitaire de parents d'enfant handicapĂ© est prise au coeur de ce dilemme. Le champ du handicap est complexe et nous admettons que les acteurs parentaux ne peuvent se rapporter Ă une expĂ©rience commune. Ce monde Ă part » gĂ©nĂšre des pratiques sociales particuliĂšres et des reprĂ©sentations uniques. Nous devons comprendre quels mĂ©canismes sont mis en oeuvre par les parents dont l'enfant est exclu naturellement » de la vie sociale. Cette exclusion est injuste et non fondĂ©e, elle est pourtant bien effective. La mĂ©thode individualiste va nous aider Ă apprĂ©hender ce qui permet aux acteurs de dĂ©passer un dĂ©terminisme oĂč le collectif prime sur l'individu. Si je suis finalement devenu sociologue, c'est essentiellement afin de mettre un point final Ă ces exercices Ă base de concepts collectifs dont le spectre rĂŽde toujours. En d'autres termes, la sociologie, elle non plus, ne peut procĂ©der que des actions d'un, de quelques, ou de nombreux individus sĂ©parĂ©s. C'est pourquoi elle se doit d'adopter des mĂ©thodes strictement individualistes » Weber, in Boudon et Bourricaud, 1994. Ils ne se laissent pas enfermer sans rĂ©agir, ils contestent ce contexte pour prendre le dessus et ne pas se laisser cataloguer. Il est raisonnable de penser que les acteurs parentaux voudraient inverser les normes sociales pour faire de la pathologie, une normalitĂ©. Les plus revendicatifs s'insĂšrent dans le tissu associatif pour faire pression sur les pouvoirs publics afin que l'enfant handicapĂ© mental accĂšde aux mĂȘmes droits que les autres, notamment en terme de scolaritĂ©. MĂȘme contraints Ă vivre dans un univers social dĂ©fini par les autres, ce que BECKER nomme les entrepreneurs de morale Becker, 1985, les parents agissent au travers d'une rationalitĂ© limitĂ©e qu'ils cherchent Ă dĂ©passer. Il est vrai que l'action individuelle est soumise Ă des contraintes sociales ; il est rare de pouvoir agir Ă sa fantaisie. Mais cela n'implique pas que les contraintes sociales dĂ©terminent l'action individuelle. Ces contraintes dĂ©limitent le champ du possible, non le champ du rĂ©el. Plus prĂ©cisĂ©ment, la notion de contrainte n'a de sens que par rapport aux notions corrĂ©latives d'action et d'intention Boudon et Bourricaud, 1994. 3. La sociologie de Raymond BOUDON. L'individualisme mĂ©thodologique. Notre recherche actuelle et future repose sur la mĂ©thode individualiste qui couple l'approche wĂ©berienne Ă une perspective cognitiviste. Raymond BOUDON reprend la mĂ©thode de la sociologie comprĂ©hensive qui interroge le sens que les acteurs donnent Ă leurs actions pour l'enrichir du concept de raison Expliquer un phĂ©nomĂšne social, c'est en faire le rĂ©sultat d'actions dont il faut saisir le sens. Saisir le sens de ces actions les comprendre, c'est gĂ©nĂ©ralement en trouver les bonnes raisons, que ces raisons soient prĂ©sentes ou non dans la conscience des acteurs Boudon, 1993, PrĂ©face. Les individus confrontĂ©s au handicap mental se forgent des raisons fondĂ©es ou non fondĂ©es pour parvenir Ă supporter une existence dans la marge sociale. Nous rappelons que pour l'individualisme mĂ©thodologique, l'action est un comportement imputable Ă une intention ou Ă une rationalitĂ© non pas absolue mais limitĂ©e. L'individu, plutĂŽt que la structure qui l'englobe, nous importe. Pour expliquer un phĂ©nomĂšne social, il faut retrouver ses causes individuelles, c'est-Ă -dire comprendre les raisons qu'ont les acteurs sociaux de faire ce qu'ils font ou de croire ce qu'ils croient » Boudon, 1992, p 28. Pour le sociologue, comprendre le comportement d'un acteur c'est donc le plus souvent comprendre les raisons ou les bonnes raisons. En ce sens et en ce sens seulement, l'on peut dire que la sociologie, ou du moins la sociologie de l'action, a tendance Ă souscrire au postulat de la rationalitĂ© de l'acteur social Ibid., p 34. La rationalitĂ© ou l'irrationalitĂ© de l'acteur social. Nous Ă©mettons le postulat que les parents de l'enfant handicapĂ© mental ont de bonnes raisons d'agir, notamment de maniĂšre cognitive, sur leur situation. Il leur semble bon et Ă©vident que leur enfant sera un jour socialement reconnu. Cette reconnaissance n'est pas uniquement une revendication. Elle doit s'inscrire Ă©galement dans les attentes, les expectations nourries subjectivement » Weber, 1995 ; les actions menĂ©es pour combattre le handicap doivent permettre d'en libĂ©rer le handicapĂ©. Ceci ne semble pas ĂȘtre une action logique, opĂ©ration logiquement unie Ă son but » telle que l'a dĂ©finie PARETO Le but est un but direct ; la considĂ©ration d'un but indirect est exclue. Le but objectif est un but rĂ©el, rentrant dans le domaine de l'observation et de l'expĂ©rience, et non un but imaginaire, Ă©tranger Ă ce domaine Pareto, p 68 Les parents, selon cette dĂ©finition, ne seraient pas rationnels et agiraient en pure perte, dans un univers vide de sens. Leurs actions ne seraient pas dignes d'intĂ©rĂȘt pour la sociologie. Leur Ă©tude serait impossible Ă rĂ©aliser car, effectivement, comment rendre compte du sentiment de vouloir ĂȘtre reconnu comme un ĂȘtre social. C'est pourquoi nous rejetons une rationalitĂ© de type instrumental qui voudrait que les individus sachent de façon optimale atteindre les buts fixĂ©s. Il n'existe pas de linĂ©aritĂ© dans les processus parentaux ce qui laisse parfois entendre que leur point de vue sur leur situation est irrationnel. Il est vrai que leur discours peut nous paraĂźtre Ă©trange mais il est souvent interprĂ©tĂ© hors de leur contexte d'existence. Nous disons que les parents de l'enfant handicapĂ© mental sont rationnels et que leur Ă©tude ressort de la sociologie. Pour prĂ©ciser les idĂ©es, disons que la sociologie traite un comportement comme rationnel toutes les fois qu'elle est en mesure d'en fournir une explication pouvant ĂȘtre Ă©noncĂ©e de la façon suivante Le fait que l'acteur X se soit comportĂ© de la maniĂšre Y est comprĂ©hensible en effet, dans la situation qui Ă©tait la sienne, il avait de bonnes raisons de faire Y » Boudon, 1992, p 34-35. Il est donc dĂ©sormais raisonnable de penser que les acteurs parentaux sont rationnels. Cet Ă©noncĂ© n'est pas une fin en soi, il est Ă la genĂšse de notre travail de recherche, il en est mĂȘme le postulat premier. Il invite Ă une posture thĂ©orique qui ne fait pas systĂ©matiquement, par un jeu de passe-passe, de toute irrationalitĂ©, une possible rationalitĂ©. Ce parti pris rationaliste repose lui-mĂȘme sur un premier fondement, Ă savoir que cette impression d'irrationalitĂ© est souvent le rĂ©sultat de phĂ©nomĂšnes de projection ... Comprendre l'action, le comportement ou les croyances d'autrui suppose bien qu'on se mette Ă sa place. Mais pour se mettre Ă sa place, l'observateur doit ĂȘtre informĂ© aussi exactement que possible sur ce qui distingue l'acteur de lui-mĂȘme Boudon, 1993, prĂ©face. Ceci invite chacun Ă se questionner sur les diffĂ©rences apparentes de l'autre, et les comprendre plutĂŽt que de les rejeter d'emblĂ©e. Nous dĂ©montrerons que les mĂ©canismes logiques mis en place par les parents afin d'abolir l'altĂ©ritĂ© sont communs Ă la majoritĂ© des individus. L'exception apparente peut ĂȘtre la rĂšgle gĂ©nĂ©rale ce qui dĂ©range l'esprit holiste rejetant toute exception sous prĂ©texte qu'elle n'est pas significative et indigne d'intĂ©rĂȘt pour les sciences sociales. BOUDON dĂ©finit diffĂ©rents types de rationalitĂ© que nous Ă©numĂ©rons 1. La rationalitĂ© de type utilitariste » X avait de bonnes raisons de faire Y, car Y correspondait Ă l'intĂ©rĂȘt ou aux prĂ©fĂ©rences de X ; 2. La rationalitĂ© de type tĂ©lĂ©ologique » X avait de bonnes raisons de faire Y, car Y Ă©tait le meilleur moyen pour X d'atteindre l'objectif qu'il s'Ă©tait fixĂ©. Ce cas dĂ©signe une action utilisant des moyens adaptĂ©s aux fins recherchĂ©es ; 3. La rationalitĂ© de type axiologique » X avait de bonnes raisons de faire Y, car Y dĂ©coulait du principe normatif Z ; que X croyait en Z, et qu'il avait de bonnes raisons d'y croire. Ce cas dĂ©signe une action adaptĂ©e non Ă des fins mais Ă des valeurs. 4. La rationalitĂ© de type traditionnel » X avait de bonnes raisons de faire Y, car X avait toujours fait Y et n'avait aucune raison de remettre cette pratique en question. 5. La rationalitĂ© de type cognitif » X avait de bonnes raisons de faire Y, car Y dĂ©coulait de la thĂ©orie Z ; que X croyait en Z et qu'il avait de bonnes raisons d'y croire Assogba, 1999, p 64. Nous voyons que ces types de rationalitĂ© peuvent s'appliquer Ă l'objet de notre Ă©tude et sont Ă la base d'une sociologie des croyances que nous Ă©laborerons dans les chapitres qui vont suivre. Nous allons montrer comment se construit l'identitĂ© sociale particuliĂšre de parents d'enfant handicapĂ© mental. La croyance en une normalitĂ© Ă venir est le moteur de leur existence, sans elle tout s'effondre et la vie ne vaut pas la peine d'ĂȘtre vĂ©cue. Elle est le fondement mĂȘme d'une vie autre Ă inventer. La construction identitaire est intimement liĂ©e Ă la maniĂšre dont est perçu l'avenir en fonction du moment prĂ©sent mais aussi des expĂ©riences passĂ©es. L'acceptation du handicap est corrĂ©lative au temps qui passe, l'abandon de certaines croyances Ă©galement. Ce travail de recherche veut s'essayer Ă vous le dĂ©montrer d'une maniĂšre comprĂ©hensive » au fur et Ă mesure des pages Ă venir. IV. LA CONSTRUCTION DE L'IDENTITE SOCIALE DE PARENT D'ENFANT HANDICAPĂ MENTAL. La construction sociale de parent d'enfant handicapĂ© dĂ©bute dĂšs l'apparition du handicap dans la vie des individus. Le handicap n'est pas toujours une donnĂ©e apparente, avec des traits spĂ©cifiques. Il est plus souvent dĂ©couvert au fil du temps et s'apprend par expĂ©rience. Les parents se fabriquent, bien malgrĂ© eux, une nouvelle identitĂ©. Dans les premiers temps, chaque parent est confrontĂ© Ă cette situation de ne pas toujours savoir comment s'y prendre. Nous pouvons dire qu'un jour tout finit par rentrer dans l'ordre, que l'expĂ©rience des aĂźnĂ©s qui ont vĂ©cu ces situations servent de modĂšles. Le corps pĂ©diatrique est un conseiller averti et rassurant en cas de difficultĂ©s de l'Ă©volution de l'enfant, il croit savoir, il dĂ©tient des techniques appropriĂ©es qu'il peut transmettre aux parents. Notre recherche ne s'intĂ©resse pas Ă ce qui va de soi. Les parents entrent en apprentissage, tout comme les autres parents, pourtant celui-ci diffĂšre, il est spĂ©cifique et particulier. Il n'a rien de commun car toute l'attention affective parentale ne suffit pas. L'enfant rĂȘvĂ© et tant espĂ©rĂ© ne rĂ©pond pas Ă leurs attentes. Tout pose problĂšme et quoiqu'il puisse ĂȘtre tentĂ©, rien ne marche, les tentatives Ă©chouent les unes aprĂšs les autres comme si aucune solution ne pouvait ĂȘtre trouvĂ©e. Les aides de l'entourage sont certes teintĂ©es de compassion mais bien inutiles. Pour thĂ©oriser notre propos, nous recherchons une mĂ©thode d'apprĂ©hension sociologique qui peut nous aider Ă dĂ©crypter le long et pĂ©nible chemin de l'apprentissage avec un enfant diffĂ©rent. Les thĂ©ories classiques sont mises Ă mal car nous pĂ©nĂ©trons dans un univers atypique oĂč les rĂ©ponses psychologiques, pĂ©dagogiques, voire mĂ©dicales ne sont pas considĂ©rĂ©es par les parents. Il leur faut trouver une solution Ă un problĂšme qui ne peut ĂȘtre rĂ©solu. 1. L'interactionnisme comme mode d'apprĂ©hension de la construction de l'identitĂ© sociale de parent d'enfant handicapĂ© mental. DĂ©finitions du modĂšle interactionniste. Le modĂšle interactionniste n'est pas unique, il est caractĂ©risĂ© par l'attention portĂ©e aux individus, Ă leurs comportements et Ă leurs contextes d'existence, en gĂ©nĂ©ral la vie quotidienne, les lieux de travail... Tout lieu oĂč les personnes se retrouvent en actions mutuelles et rĂ©ciproques. Nous pouvons dire que l'interactionnisme s'intĂ©resse aux comportements des acteurs en situation et prend en compte les dimensions de l'action en train de se faire ». C'est un courant de la sociologie qui n'est pas facilement repĂ©rable par son unitĂ© l'interaction est apprĂ©hendĂ©e diffĂ©remment selon les auteurs qui l'ont thĂ©orisĂ©e. L'exposĂ© de notre recherche s'inspire des thĂ©orisations de HUGHES, GOFFMAN et STRAUSS, nous laissons le soin aux deux derniers citĂ©s de dĂ©terminer ce qu'est l'interaction et son mode d'approche. Nous n'avons pas trouvĂ© de consensus dans les dĂ©finitions, Pierre ANSART s'y essaie L'interactionnisme constitue l'un des paradigmes des sciences sociales fortement Ă©loignĂ© des paradigmes objectivistes et holistes. Ce paradigme postule la prise en considĂ©ration des sujets en tant qu'acteurs susceptibles de choix, d'initiatives, de stratĂ©gies ; il fait de l'acteur individuel, une unitĂ© d'analyse. Les interactions y sont donc considĂ©rĂ©es comme l'oeuvre des acteurs inter-agissant en situation » Ansart, 1990, p 217. GOFFMAN prĂ©sente ainsi son ouvrage " Les rites d'interaction " Un autre objectif est de rĂ©vĂ©ler l'ordre normatif qui prĂ©vaut dans et entre ces unitĂ©s unitĂ©s d'interactions naturelles, autrement dit, l'ordre comportemental qui existe en tout lieu frĂ©quentĂ©, public, semi-public ou privĂ©, que ce soit sous les auspices d'une manifestation sociale Ă©laborĂ©e ou sous les contraintes plus banales d'un cadre social routinier ... Dans ce livre, je pose l'hypothĂšse qu'une Ă©tude convenable des interactions s'intĂ©resse, non pas Ă l'individu et Ă sa psychologie, mais plutĂŽt aux relations syntaxiques qui unissent les actions des diverses personnes mutuellement en prĂ©sence. NĂ©anmoins, puisque les matĂ©riaux ultimes sont l'oeuvre d'individus agissants, il est toujours raisonnable de s'interroger sur les qualitĂ©s gĂ©nĂ©rales qui permettent Ă ces individus d'agir de la sorte » Goffman, 1974, p 7-8. Pour STRAUSS, c'est le caractĂšre indĂ©terminĂ© et problĂ©matique de l'interaction qui retient l'attention PlutĂŽt que de nous centrer sur la stabilitĂ© des interactions, nous nous prĂ©occupons, dans ce livre "La trame de la nĂ©gociation" des changements qui peuvent intervenir durant le dĂ©roulement de l'interaction ... Ainsi dans notre travail nous nous intĂ©ressons non seulement aux rĂ©gularitĂ©s sociales et autres conditions structurelles qui entrent dans l'interaction, mais aussi Ă la tendance de l'interaction Ă sortir des liens sociaux rĂ©gulĂ©s et Ă aller vers de nouveaux modes d'interaction » Strauss, 1992, p 24-25. Nous ne polĂ©miquerons pas sur les divergences d'apprĂ©hension de la rĂ©alitĂ© dans son dĂ©roulement par ses deux auteurs ; cette diversitĂ© nous procure des outils d'analyse variĂ©s pour notre objet de recherche. La famille se conçoit comme une structure avec son ordre interactionnel, chacun y joue un rĂŽle dĂ©fini par lui-mĂȘme et par les autres, ce que MEAD nomme la constitution du Soi. MEAD et le jeu socialisĂ©. Le Soi n'existe pas Ă la naissance, mais apparaĂźt dans l'expĂ©rience et l'activitĂ© sociales » Mead, 1963, p 115. MEAD distingue deux aspects du Soi Le Je est la rĂ©action de l'organisme aux attitudes des autres ; le Moi est l'ensemble des attitudes des autres que l'on assume soi-mĂȘme. Les attitudes d'autrui constituent le Moi organisĂ©, auquel on rĂ©agit comme Je » Ibid., p 149. L'interrelation est constitutive de l'identitĂ© sociale ; l'objet de cette construction atypique de parent d'enfant handicapĂ© est l'Ă©lĂ©ment handicap » prĂ©sent dans la structure domestique. La famille normale » apparaĂźt dans les reprĂ©sentations sociales comme un jeu de sociĂ©tĂ© rĂ©glementĂ© oĂč chacun joue sa partition et connaĂźt les rĂšgles. L'harmonie participe Ă l'Ă©laboration de la communautĂ©, l'autrui-gĂ©nĂ©ralisĂ© », qui en contre partie structure l'unitĂ© du Soi. Mead utilise la mĂ©taphore de l'Ă©quipe pour retraduire cette osmose Ainsi, dans le cas d'un groupe social tel que l'Ă©quipe, c'est l'Ă©quipe qui est l'autrui-gĂ©nĂ©ralisĂ©, dans la mesure oĂč elle entre comme processus organisĂ© ou activitĂ© sociale dans l'expĂ©rience de l'un ou quelconque de ses membres Ibid., p 131. Qu'en est-il de cette unitĂ© constructive du Soi lorsque les rĂšgles sont faussĂ©es par l'intrusion d'un Ă©lĂ©ment qui ne veut pas jouer le jeu ? L'homme affecte continuellement la sociĂ©tĂ© par sa propre attitude, parce qu'il prend l'attitude du groupe envers lui et y rĂ©agit. Par cette rĂ©action, il modifie l'attitude du groupe » Ibid., p 153. Les parents doivent faire avec un Ă©lĂ©ment perturbant la rĂ©gulation domestique et parvenir Ă maĂźtriser un jeu oĂč les rĂšgles sont fluctuantes et contradictoires. Nous sommes a contrario de ce jeu rĂ©glementĂ© » possĂ©dant une logique qui permet l'organisation du soi il y a un but Ă atteindre ; les actions des diffĂ©rents individus sont liĂ©es les unes aux autres par rapport Ă cette fin, de sorte qu'elles n'entrent pas en conflit » Ibid., p 135. L'acteur parental doit dĂ©truire l'image idĂ©alisĂ©e qu'il avait de son rĂŽle de pĂšre ou de mĂšre d'enfant normal pour parvenir Ă recrĂ©er un univers familial viable et vivable. Dans une famille, le comportement de chacun des membres est liĂ© au comportement de tous les autres et en dĂ©pend. Tout comportement est communication, donc il influence les autres et est influencĂ© par eux. Plus prĂ©cisĂ©ment, ..., amĂ©liorations ou aggravations dans l'Ă©tat du membre de la famille reconnu comme malade, auront habituellement un effet sur les autres membres de la famille, en particulier sur leur santĂ© psychologique, sociale ou mĂȘme physique Don D. Jackson, 1972, p 136. Nous rejoignons, dans notre propos, les recherches sur l'homĂ©ostasie familiale » menĂ©e par le psychiatre de l'Ecole de Palo Alto que nous dĂ©velopperons ultĂ©rieurement. Ces travaux se sont orientĂ©s vers l'Ă©tude des milieux familiaux schizophrĂ©niques oĂč les Ă©lĂ©ments de l'environnement jouent le jeu de la folie. Le handicapĂ© mental n'est pas Ă rĂ©pertorier dans le registre de la maladie mentale pourtant il dĂ©range les structures sociales au mĂȘme titre. MEAD nous dit qu' une sociĂ©tĂ© organisĂ©e est essentielle Ă notre existence, mais l'individu doit aussi pouvoir s'y exprimer pour qu'elle se dĂ©veloppe de façon pleinement satisfaisante » Mead, 1963, p 187. Il est Ă parier que les acteurs parentaux s'organisent afin de parvenir Ă une construction possible d'une structure familiale qui prend en compte l'altĂ©ritĂ©. Ils doivent s'adapter Ă une situation dont ils ne peuvent anticiper le dĂ©roulement. La carriĂšre de parents d'enfant handicapĂ© mental. Nous empruntons le terme de carriĂšre Ă la sociologie des professions lorsque l'enfant paraĂźt un processus d'apprentissage se dĂ©ploie. Nous avons affaire avec la mise en place de techniques, de mĂ©thodes, de savoirs liĂ©s Ă l'expĂ©rience. Le but de l'entreprise familiale est de fonctionner du mieux possible. Chacun Ă©pouse, malgrĂ© lui, une carriĂšre qu'il n'a pas au prĂ©alable choisie, sur laquelle il n'avait pas d'idĂ©e prĂ©conçue. Nous allons nous objecter que ce terme est inadĂ©quat lorsqu'il n'intĂšgre pas une conception professionnelle. Pourtant, il y a bien des analogies entre la construction de l'identitĂ© parentale et l'entrĂ©e dans une carriĂšre de mĂ©tier. La professionnalisation » de parents ne peut ĂȘtre objectivĂ©e sur des critĂšres purement concrets comme une grille de salaire, un code lĂ©gislatif ou la dĂ©nomination d'un poste de travail. La part d'inventions, d'actions Ă entreprendre devant le fait accompli du handicap, ressort d'une grande part de subjectivitĂ© et de projection personnelle. Dans toute profession, il existe cette marge de libertĂ© individuelle incontrĂŽlable et qui n'est pas quantifiable d'un point de vue de la production. C'est sur cette marge que repose notre thĂ©orisation, l'individu n'est-il pas sur cette terre en permanente construction de lui-mĂȘme ? Sa profession pourrait se nommer la recherche de Soi. A l'instar de GOFFMAN, nous allons essayer de comprendre comment se construit la carriĂšre morale » de parents d'enfant handicapĂ© mental. Le terme de carriĂšre est gĂ©nĂ©ralement rĂ©servĂ© Ă l'entreprise de celui qui entend profiter des possibilitĂ©s de promotion qu'offre toute profession respectable. Mais il est aussi employĂ© dans une acception plus large, pour qualifier le contexte social dans lequel se dĂ©roule la vie de l'individu. On se place alors dans la perspective de l'histoire naturelle, c'est-Ă -dire que l'on nĂ©glige les simples Ă©vĂ©nements pour s'attacher aux modifications durables, assez importantes pour ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme fondamentales et communes Ă tous les membres d'une catĂ©gorie sociale Goffman, 1968, p 179. Nous saisirons effectivement les dispositions communes aux parents qui pointent face Ă l'altĂ©ritĂ©, face Ă un cancer social rongeant l'Ă©tablissement des structures du couple. Le terme d'histoire naturelle » nous semble bon Ă expliciter. Selon STRAUSS, L'histoire naturelle se distingue de l'histoire par son intĂ©rĂȘt pour ce qui est gĂ©nĂ©rique dans une classe de phĂ©nomĂšnes plutĂŽt que pour ce qu'il a d'unique dans chaque cas. Elle cherche Ă dĂ©couvrir ce qui est typique dans une classe de phĂ©nomĂšnes, plutĂŽt que ce qui les diffĂ©rencie - la rĂ©gularitĂ© plutĂŽt que la singularitĂ© Strauss, 1985, p 153. Nous admettons que tous les acteurs parentaux ont sensiblement une mĂȘme attitude face Ă un Ă©vĂ©nement inattendu et, en gĂ©nĂ©ral, non dĂ©sirĂ©. Avant l'avĂšnement du handicap, les parents avaient une vision de ce qu'est le rĂŽle de pĂšre ou de mĂšre, certains ont eu antĂ©rieurement d'autres enfants qui ne prĂ©sentaient aucun trouble pathologique. Leur vie en est profondĂ©ment bouleversĂ©e, des changements radicaux Ă©branlent les conceptions de soi. Le dĂ©but de la carriĂšre de parents trouve ici son point d'ancrage. Cette carriĂšre est marquĂ©e par une modification progressive des certitudes qu'il l'individu nourrit Ă son propre sujet et au sujet d'autres personnes qui importent Ă ses yeux » Goffman, 1968, p 56. S'instaure Ă cette pĂ©riode, les premiĂšres techniques de mortification ». L'individu doit revĂȘtir l'habit parental tout en se dĂ©barrassant des attributs du rĂŽle de parent ayant un enfant normal ». Les techniques Ă©ducatives employĂ©es sont similaires Ă celles utilisĂ©es pour les enfants n'ayant pas de troubles pourtant elles ne fonctionnent pas toujours. HUGHES nous dĂ©finit ce qui est utile dans le concept de carriĂšre appliquĂ© Ă notre propos Ainsi la singularitĂ© de la carriĂšre d'un homme et la plupart de ses problĂšmes personnels naissent des Ă©vĂ©nements plus ou moins importants qui affectent sa vie ... dans chaque sociĂ©tĂ©, la vie des individus se dĂ©roule selon un certain ordre. Cet ordre est pour une part choisi, manifeste, voulu et institutionnalisĂ© ; mais pour une autre part il existe aussi en dehors de la conscience des intĂ©ressĂ©s Hughes, 1996, p 165. Puis il dĂ©finit l'objet de l'Ă©tude des carriĂšres L'Ă©tude des carriĂšres a pour objet la dialectique entre ce qui est rĂ©gulier et rĂ©current d'un cĂŽtĂ©, et ce qui est unique de l'autre ; une telle Ă©tude, comme toute Ă©tude qui a pour objet la sociĂ©tĂ©, vise ainsi Ă se placer au point de rencontre entre une sociĂ©tĂ© stable mais nĂ©anmoins changeante, et l'ĂȘtre humain unique, qui n'a que peu d'annĂ©es Ă vivre Hughes, 1996, p 176-177. Ce qui caractĂ©rise les acteurs parentaux, c'est l'instabilitĂ© de la situation dans laquelle ils se trouvent. Ce qui est rĂ©current dans ce cas, c'est l'irrĂ©gularitĂ© des acquis de l'enfant. Les parents, dans un premier temps, doivent apprendre Ă connaĂźtre ce qu'est un enfant affublĂ© d'une anomalie. Le diagnostic du handicap n'Ă©tant pas toujours posĂ©, l'anomalie leur apparaĂźtra au fil du temps. Nous supposons, que dans ces deux cas de figure, l'itinĂ©raire de formation des parents suit les mĂȘmes Ă©tapes ; elles sont seulement diffĂ©rĂ©es dans le temps, mais elles partagent le mĂȘme processus de socialisation. 2. La socialisation parentale selon la thĂ©orie interactionniste des professions. La gestion de la crise et du dilemme. Les parents sont en contradiction avec les rĂŽles qu'ils s'Ă©taient imaginĂ©s. Ils entrent en crise identitaire avec les reprĂ©sentations sociales de leur statut de pĂšre ou de mĂšre. Un dilemme s'installe entre ce qu'ils pensaient ĂȘtre et ce qu'ils sont effectivement. Il y a un dĂ©calage Ă©norme entre le rĂŽle rĂȘvĂ© et la rĂ©alitĂ© de ce rĂŽle. Ils s'installent dans une dualitĂ© » entre le modĂšle idĂ©al » qui caractĂ©rise la dignitĂ© de la profession » et le modĂšle pratique » qui concerne les tĂąches quotidiennes et les durs travaux » Hughes, in Dubar, 1991, p 148. Cette dualitĂ© brouille les reprĂ©sentations du travail d'Ă©ducation auprĂšs d'un jeune enfant, il n'y a pas de modĂšle préétabli d'une construction de l'enfant handicapĂ©. Les stĂ©rĂ©otypes parentaux sont remis en cause dans leur fondement. Pourtant ceux-ci sont nĂ©cessaires Ă la projection de la tĂąche Ă©ducative Ă mener. Les stĂ©rĂ©otypes, comme les dĂ©finis HUGHES, Ne correspondent pas forcĂ©ment Ă la rĂ©alitĂ© et ne dĂ©terminent pas nĂ©cessairement les attentes de la population, cependant ils sont significatifs dans la mesure oĂč ils prĂ©servent la personne de tout handicap visible. Positivement, ils reprĂ©sentent une conception idĂ©ale ; nĂ©gativement, ils Ă©vitent de choquer, d'Ă©tonner, ou de crĂ©er des doutes dans l'esprit d'un public que l'on cherche Ă se concilier Hughes, 1996, p 190. Les parents ne peuvent se dĂ©tacher de l'objet de la crise puisqu'il est une partie d'eux-mĂȘmes, ils l'ont engendrĂ© et ne peuvent le renier ou le mettre de cĂŽtĂ© puisque nous avons affaire avec ce que STRAUSS nomme du matĂ©riau humain ». Comme le travail de santĂ©, la tĂąche parentale s'exerce sur, autour, au travers ! d'un produit qui n'est pas inerte » Strauss, 1992, p 145. De plus, l'enfant handicapĂ© est le produit » de ses parents ; la dimension du sentiment d'amour est Ă prendre en compte et se surajoute Ă la problĂ©matique Ă©ducative. Les acteurs parentaux dĂ©couvrent la rĂ©alitĂ© dĂ©senchantĂ©e » Hugues, 1991 sans mĂȘme avoir pu anticiper la rĂ©alitĂ© d'un monde construit aux marges de la sociĂ©tĂ©. Nous supposons que les parents sont Ă leur entrĂ©e dans leur profession dans une grande dĂ©tresse. Ils subissent Ă cette pĂ©riode, un traumatisme qu'ils auront dĂ©sormais du mal Ă panser. Ils vivront dĂ©sormais dans le monde du dĂ©senchantement et leur mission sera bien celle d'y produire du merveilleux. La spĂ©cificitĂ© de leur mission sera en fin de compte d'instaurer une rĂ©alitĂ© familiale qui permette Ă chacun de vivre du mieux possible dans le cadre dĂ©limitĂ© par le handicap. STRAUSS dĂ©finit ce qu'est le sens d'une mission DĂšs le dĂ©but de leur dĂ©veloppement, les spĂ©cialistes dĂ©finissent et proclament leurs missions spĂ©cifiques. Elles affirment la contribution que la spĂ©cialitĂ©, et celle-ci seulement, peut apporter dans le cadre d'un ensemble de valeurs, et frĂ©quemment elles dĂ©veloppent une argumentation pour expliquer en quoi elles sont particuliĂšrement appropriĂ©es pour cette tĂąche. La revendication d'une mission tend Ă prendre une forme rhĂ©torique, probablement parce qu'elle prend place dans le contexte d'une lutte pour la reconnaissance et l'obtention d'un statut institutionnel Strauss, 1992, p 70. Il y a bien lutte des parents pour une reconnaissance de leur enfant, pour le faire accepter aux autres tel qu'il est, mais Ă©galement pour leur reconnaissance en tant que parents d'enfant handicapĂ©. Nous verrons que le handicap contamine l'espace familial et que celui-ci fonctionne avec l'altĂ©ritĂ©. Si l'altĂ©ritĂ© disparaĂźt, c'est l'unitĂ© familiale qui est perturbĂ©e car tout se reconstruira dĂ©sormais autour de ce noyau. Les parents se revendiquent comme des experts du handicap, ils ont un savoir que les autres ne peuvent dĂ©tenir. Cette connaissance est basĂ©e sur l'expĂ©rience ; ce savoir, ils pourront l'utiliser comme pouvoir, comme une force le moment venu. La survie du couple ne peut faire l'Ă©conomie d'une attitude positive dans un cercle dĂ©prĂ©ciĂ© par l'environnement social. Le dĂ©roulement de la carriĂšre des parents vue comme trajectoire de vie. Anselm STRAUSS s'est intĂ©ressĂ© aux contextes d'interaction dans lesquels se trouvent des individus en prĂ©sence d'un ĂȘtre malade. Ces individus peuvent ĂȘtre des professionnels de santĂ© mĂ©decins, infirmiĂšre ou encore des parents proches du malade. Nous retiendrons, pour les besoins de notre Ă©tude, les relations entre parents et le proche malade. Nous rappelons que le handicapĂ© mental n'est pas un malade mental mĂȘme si dans les reprĂ©sentations sociales l'amalgame est prĂ©sent. Les modes de prises en charge ne sont pas diffĂ©rents. Parfois l'individu altĂ©rĂ© passe d'un monde Ă l'autre, de l'hĂŽpital psychiatrique Ă l'institution d'Ă©ducation spĂ©cialisĂ©e, mais ce ne sont que des passages. La vie pour l'un se dĂ©roule dans un lieu asilaire oĂč l'altĂ©ration psychique doit ĂȘtre traitĂ©e comme une maladie en son sens gĂ©nĂ©ral. L'autre bĂ©nĂ©ficie d'une aide psychologique, mais pas uniquement. Cette aide est couplĂ©e Ă une Ă©ducation spĂ©cialisĂ©e dispensĂ©e par des professionnels formĂ©s Ă cette fin. L'individu handicapĂ© mental l'est d'un point de vue social, il n'a pas les outils nĂ©cessaires pour vivre seul en sociĂ©tĂ©. Il n'y a pas reconnaissance d'une folie de leur enfant pour les parents l'enfant n'est pas fou, il est souvent dĂ©crit comme capable mais rendu responsable de ses incapacitĂ©s. La folie est une maladie qui intĂšgre l'individu et le dĂ©truit. Nous Ă©taierons notre propos lorsque nous Ă©voquerons les reprĂ©sentations sociales du handicap de l'enfant par les parents. Cette parenthĂšse explicative est utile pour dĂ©samorcer la confusion. Au sein de la sphĂšre domestique, le handicap du jeune enfant est aussi dĂ©stabilisant que la folie. Il interroge, de la mĂȘme maniĂšre, les liens habituels unissant les membres de la famille. Il remet en cause le statut prĂ©fabriquĂ© mentalement des acteurs et les oblige Ă reconsidĂ©rer leurs rĂŽles parentaux dans le contexte familial. Strauss introduit le concept de contexte de conscience qu'il dĂ©finit comme le contexte dans lequel les gens interagissent en mĂȘme temps qu'ils le dĂ©couvrent. Ce contexte est complexe, il ne demeure pas constant, il change tout au long de la trajectoire » Strauss, 1992, p 26. Le terme de trajectoire a pour les auteurs la vertu de faire rĂ©fĂ©rence non seulement au dĂ©veloppement physiologique de la maladie de tel patient mais Ă©galement Ă toute l'organisation du travail dĂ©ployĂ©e Ă suivre ce cours, ainsi qu'au retentissement que ce travail et son organisation ne manquent pas d'avoir sur ceux qui s'y trouvent impliquĂ©s Ibid., p 143. Les parents rĂ©organisent leur vie de maniĂšre Ă rester au plus prĂšs de leur enfant handicapĂ©. Il faut rejouer les rĂŽles sociaux d'une autre maniĂšre et participer Ă la scĂšne de la vie domestique en s'imaginant que la situation peut ĂȘtre tenable. Il leur faut renouveler sans cesse un jeu dont le scĂ©nario est imprĂ©visible. Il n'est pas Ă©crit de maniĂšre linĂ©aire et ne facilite pas une seule lecture du rĂŽle de parents. Il faut envisager Ă chaque instant une rĂ©ponse au dĂ©sordre qu'instaure le handicap ; il faut pouvoir le dompter et parvenir Ă l'apprivoiser pour le maĂźtriser. Il est difficile de projeter un schĂ©ma de trajectoire cohĂ©rent ». Celui-ci peut parfaitement ne pas ĂȘtre dessinĂ© dans ses moindres dĂ©tails mais il implique une reprĂ©sentation imaginaire de la succession d'Ă©vĂšnements envisageables et d'actions Ă prĂ©voir » Ibid., p 162. La reprĂ©sentation imaginaire d'une vie avec un enfant diffĂ©rent semble impossible, les acteurs parentaux vivent au jour le jour. De surcroĂźt, le handicap de l'enfant n'est pas toujours diagnostiquĂ© il semble que l'enfant ne grandit pas comme les autres, l'inquiĂ©tude s'amplifie et les parents s'inscrivent dans un schĂ©ma d'incertitude. Ils ne peuvent imaginer de façon sereine de quoi sera fait le lendemain. Il manque une localisation » prĂ©cise du handicap qui ne permet pas l'Ă©laboration d'un schĂ©ma gĂ©nĂ©ral des tĂąches Ă envisager » Ibid., p 162. Les frĂ©quentes contingences nouvelles dĂ©stabilisent les reprĂ©sentations imaginaires d'une vie normale possible, l'acteur se brouille face aux choix d'actions alternatives, capables de contenir la trajectoire dans un ordre aussi maĂźtrisable que possible » Ibid., p 170. La mise en forme d'une trajectoire cohĂ©rente apparaĂźt comme impossible car le handicap rend les rĂ©actions de l'enfant imprĂ©visibles face Ă son environnement. Les possibilitĂ©s de rĂ©solution du problĂšme sont annihilĂ©es devant les multiples questionnements qu'il pose. Le handicap est un problĂšme qui ne peut ĂȘtre rĂ©solu car les points d'option cruciaux » afin de rectifier la trajectoire ne sont pas lisibles. Il n'est pas possible de choisir une solution plus qu'une autre ; l'Ă©noncĂ© du problĂšme posĂ© est incomprĂ©hensible. La profession de parents d'enfant handicapĂ© rejoint certaines caractĂ©ristiques du travail de santĂ© Il y a deux caractĂ©ristiques frappantes du travail de santĂ© qui ne se retrouvent que dans certains autres genres de travail. L'une tient aux contingences inattendues et souvent difficiles Ă contrĂŽler relatives non seulement Ă la maladie elle-mĂȘme, mais aussi Ă quantitĂ© de questions de travail et d'organisation ... Une deuxiĂšme caractĂ©ristique cruciale du travail de santĂ© est qu'il s'applique Ă du matĂ©riel humain Ibid., p 144-145. A ces deux caractĂ©ristiques du travail de santĂ©, les parents cumulent l'inexpĂ©rience du handicap Tant que les professionnels de santĂ© n'ont pas acquis l'expĂ©rience de la maladie, de ses rebondissements non connus, de l'impact du traitement sur d'autres systĂšmes de l'organisme, et de l'organisation du travail Ă mettre en oeuvre pour maĂźtriser tous ces Ă©lĂ©ments, les trajectoires peuvent se rĂ©vĂ©ler bien difficile Ibid., p 145. Les parents font du mieux qu'ils le peuvent pour gĂ©rer la trajectoire du handicap. Avec le temps, nous pensons qu'ils parviendront Ă lui trouver une mise en forme » acceptable et Ă prendre en main les contingences de la meilleure maniĂšre possible » Ibid., p 161. Leur mission consistera Ă rendre prĂ©visible l'imprĂ©visible pour parvenir Ă cheminer avec leur enfant et imaginer un futur possible. V. LE HANDICAP MENTAL UNE CONSTRUCTION HISTORIQUE, SOCIALE ET JURIDIQUE. 1. Historique de la notion de handicap. Revenons avec Claude HAMONET 1990, p 7 Ă 9 sur les origines et les Ă©volutions sĂ©mantiques du terme handicap. Il serait apparu pour la premiĂšre fois dans la langue anglaise au XVIIe siĂšcle, son usage dans le monde hippique Ă©tant plus tardif XVIIIe . Le nom de handicap a Ă©tĂ© donnĂ© Ă une sorte de jeu comportant une part de chance, dans lequel une personne propose d'acquĂ©rir un objet familier qui appartient Ă une autre personne, en lui offrant, en Ă©change quelque chose qui lui appartient. » Un arbitre est dĂ©signĂ© pour apprĂ©cier la diffĂ©rence de la valeur entre les deux objets. Lorsqu'il a fixĂ© le montant, la somme d'argent correspondante est dĂ©posĂ©e dans un chapeau ou une casquette Hand i'cap ou Hand in the Cap. C'est en 1754 que le mot est appliquĂ© Ă la compĂ©tition entre deux chevaux puis, en 1786, Ă des courses de plus de deux chevaux ... En 1827, le terme traverse la Manche avec la terminologie spĂ©cifique des courses de chevaux telle qu'elle est rĂ©fĂ©rencĂ©e par T. Bryon dans son Manuel de l'amateur de courses Une course Ă handicap est une course ouverte Ă des chevaux dont les chances de vaincre, naturellement inĂ©gales, sont, en principe, Ă©galisĂ©es par l'obligation faite aux meilleurs de porter un poids plus grand. » TrĂšs tĂŽt apparaissent des dĂ©rivĂ©s handicaper 1854, handicapeur terme dĂ©signant le commissaire qui dĂ©termine les handicaps 1872, handicapage 1906. Le sens originel de l'anglicisme handicap » est, bien entendu, celui d'une course oĂč l'on rĂ©tablit par un artifice, les inĂ©galitĂ©s naturelles. Par la suite, la notion d'Ă©galitĂ© devrait dominer, mais c'est celle de dĂ©savantage qui l'emporte Entendez dĂ©savantage dans une concurrence. » L'idĂ©e de concurrence s'est effacĂ©e peu Ă peu et la sonoritĂ© du mot achĂšve de lui donner une nuance dĂ©favorable. On entend couramment des phrases de ce genre Il a eu un accident d'auto et le voilĂ trĂšs handicapĂ©. » Certes, on pense encore que c'est une infĂ©rioritĂ© dans la lutte pour la vie d'ĂȘtre infirme ou malade. Mais le glissement du mot est incontestable et il est Ă ranger sous la rubrique des anciens anglicismes, ceux qui ont cessĂ© de l'ĂȘtre » A. ThĂ©rive, Querelles de langage, 1940. » 2. Le point de vue juridique. Le langage juridique s'est aussi progressivement appropriĂ© le mot handicap ». L'utilisation du mot handicap est officialisĂ©e par la loi du 23 novembre 1957 et doit permettre, sous la tutelle du ministĂšre du Travail, d'organiser le reclassement des travailleurs handicapĂ©s. Pour la premiĂšre fois, la lĂ©gislation tente de regrouper en un ensemble cohĂ©rent diverses catĂ©gories de personnes Liberman, 1988, p 35. Dans le mĂȘme temps, on a vu progressivement disparaĂźtre des textes lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires les termes les plus stigmatisants tels que dĂ©bile », infirme », par contre la notion d' invaliditĂ© » subsiste parmi les termes utilisĂ©s par les caisses de SĂ©curitĂ© sociale et les administrations dĂ©pendant du MinistĂšre des Anciens combattants et Victimes de guerre Hamonet, 1990, p 11. DĂšs 1968, le rapport Bloch-LainĂ© Etude du problĂšme gĂ©nĂ©ral de l'inadaptation des personnes handicapĂ©es donne cette dĂ©finition du handicap On dit qu'ils sont handicapĂ©s parce qu'ils subissent par suite de leur Ă©tat physique, mental, caractĂ©riel ou leur situation sociale, des troubles qui constituent pour eux des handicaps » c'est-Ă -dire des faiblesses, des servitudes particuliĂšres par rapport Ă la normale, celle-ci Ă©tant dĂ©finie comme Ă©tant la moyenne des capacitĂ©s et des chances de la plupart des individus vivant dans notre SociĂ©tĂ© Liberman, 1988, p 37. RenĂ© LENOIR, dans son ouvrage Les exclus », dĂ©termine la personne handicapĂ©e ainsi Dire qu'une personne est inadaptĂ©e, marginale ou asociale, c'est constater simplement que, dans la sociĂ©tĂ© industrialisĂ©e et urbanisĂ©e de la fin du XXe siĂšcle, cette personne, en raison d'une infirmitĂ© physique ou mentale, de son comportement psychologique ou de son absence de formation, est incapable de pourvoir Ă ses besoins, ou exige des soins constants, ou reprĂ©sente un danger pour autrui, ou se trouve sĂ©grĂ©guĂ©e soit de son propre fait, soit de celui de la collectivitĂ© Lenoir, 1974. Nous retiendrons, enfin, pour notre analyse, la dĂ©finition du handicap donnĂ©e, en 1980, par l'Organisation Mondiale de la SantĂ© OMS dans sa Classification Internationale des DĂ©ficiences, IncapacitĂ©s et Handicap CIDIH La dĂ©ficience Dans le domaine de la santĂ©, la dĂ©ficience correspond Ă toute perte de substance ou altĂ©ration d'une fonction ou d'une structure psychologique, physiologique ou anatomique. » L'incapacitĂ© Dans le domaine de la santĂ©, une incapacitĂ© correspond Ă toute rĂ©duction rĂ©sultant d'une dĂ©ficience, partielle ou totale, de la capacitĂ© d'accomplir une activitĂ© d'une façon, ou dans des limites considĂ©rĂ©es comme normales, pour un ĂȘtre humain. » Le handicap Dans le domaine de la santĂ©, le handicap est un dĂ©savantage social pour un individu qui rĂ©sulte de sa dĂ©ficience ou de son incapacitĂ© et qui limite ou interdit l'accomplissement d'un rĂŽle considĂ©rĂ© comme normal compte tenu de l'Ăąge, du sexe et des facteurs socioculturels. » Nous nous rendons bien compte, Ă travers cet historique et de la mise en forme juridique du handicap, que la sociĂ©tĂ© cherche Ă apprĂ©hender l'insaisissable. Les individus ont besoin de savoir dans quelle partie de la sociĂ©tĂ© ils prennent place. Le handicap crĂ©e une ligne de dĂ©marcation entre deux mondes rendus distincts. Le systĂšme social rĂ©pertorie pour mieux contrĂŽler les Ă©lĂ©ments qui lui Ă©chappent. La sĂ©mantique est bien la premiĂšre phase de catĂ©gorisation qui va engendrer l'exclusion ; les mots rejettent dans la sphĂšre du handicap celui qui n'Ă©pouse pas la norme. L'affirmation des termes handicap/handicapĂ©, dans l'espace social, qui a pour Ă©quivalents sĂ©mantiques invalide, impotent, mutilĂ©, malade, dĂ©ficient..., indique que nous sommes bien en prĂ©sence d'une classification opĂ©ratoire du systĂšme social Demonet, 2000, p 109. C'est-Ă -dire que parler de handicapĂ©s c'est faire rĂ©fĂ©rence Ă une notion stable, puisque reconnue par la loi, ce qui autorise le dĂ©coupage, dans l'univers des reprĂ©sentations, entre handicapĂ© et non handicapĂ© » Demonet, 2000, p 109. Cette attitude revient Ă chosifier » le handicap afin de mieux l'objectiver, le situer hors de soi et le rejeter. Il est bon de le dĂ©finir afin de mieux le comprendre et ainsi de mieux le soigner », mais la dĂ©finition a cet effet pervers qu'elle est sĂ©lective. Elle n'englobe dans des catĂ©gories qu'une certaine partie des individus ayant des traits reconnus comme communs. Dans son Histoire de la folie Ă l'Ăąge classique », Michel FOUCAULT Ă©voque le fou Comme le bouffon au moyen Ăąge, il vit au milieu des formes de la raison, un peu en marge sans doute puisqu'il n'est point comme les autres, mais intĂ©grĂ© pourtant puisqu'il est lĂ comme une chose, Ă la disposition des gens raisonnables, propriĂ©tĂ© qu'on se montre et qu'on se transmet. On le possĂšde comme un objet Foucault, 1972, p 365. Le fou peut ĂȘtre dĂ©fini comme un concept situant les individus dans le domaine de la raison ou de la dĂ©raison ; c'est en se comparant Ă lui qu'on parvient Ă trouver la place qu'on occupe dans l'univers des reprĂ©sentations sociales. Nous dĂ©montrons notre diffĂ©rence car nous sommes Ă mĂȘme de juger, de savoir ce qui est bon ou non pour nous-mĂȘmes et pour les autres. Le savoir est pouvoir. Le fou, comme personnage social, ne saurait avoir ce raisonnement ; sa folie le prive de pouvoir vivre raisonnablement. La dĂ©raison remonte peu Ă peu vers ce qui la condamne, lui imposant une sorte de servitude rĂ©trograde ; car une sagesse qui croit instaurer avec la folie un pur rapport de jugement et de dĂ©finition - Celui-lĂ est un fou » - a d'emblĂ©e posĂ© un rapport de possession et d'obscure appartenance Celui-lĂ est mon fou », dans la mesure oĂč je suis assez raisonnable pour reconnaĂźtre sa folie, et oĂč cette reconnaissance est le manque, le signe, comme l'emblĂšme de ma raison. La raison ne peut pas dresser constat de folie, sans se compromettre elle-mĂȘme dans les relations de l'avoir. La dĂ©raison n'est pas hors de la raison, mais justement en elle, investie, possĂ©dĂ©e par elle, et chosifiĂ©e ; c'est, pour la raison, ce qu'il y a de plus intĂ©rieur et aussi de plus transparent, de plus offert Foucault, 1972, p 365. La folie passionne car nous n'arrivons pas Ă la saisir pour lui donner du sens. Nos rapports Ă l'altĂ©ritĂ© sont complexes puisque la diffĂ©rence d'autrui peut provoquer une crainte empreinte de fascination. L'autre diffĂ©rent est celui que nous ne souhaitons pas ĂȘtre, nous cherchons Ă nous en distancier. Il ne fait pas partie de notre monde, c'est-Ă -dire du monde des normaux. Il est rejetĂ© Ă l'intĂ©rieur de nos propres prĂ©jugĂ©s. Il nous faut dĂ©finir ce qui nous apparaĂźt comme insensĂ© pour parvenir Ă la comprĂ©hension des individus dont leur place sociale est situĂ©e en marge de la sociĂ©tĂ©. L'approche de FOUCAULT nous place Ă l'intĂ©rieur du jeu ambigu de la raison et de la dĂ©raison, jeu fait d'attirance et de rĂ©pulsion. La raison est le pendant de la dĂ©raison, son inverse nĂ©cessaire ; elles ne sont pas en opposition mais en complĂ©mentaritĂ© car l'une est insĂ©parable de l'autre. Leur distinction est nĂ©cessaire aux individus afin de se comparer, mais une catĂ©gorie ne fonde pas nĂ©cessairement une identitĂ© » Stiker, 2000, p 78. Le handicap mental est un concept construit historiquement puis juridiquement. Il a Ă©tĂ© chosifiĂ© » au fil du temps afin de traiter les individus qui posent problĂšme Ă la sociĂ©tĂ©. Le champ du handicap est constituĂ©, sur le principe de la discrimination positive ou compensation, avec son public, ses lĂ©gislations, ses institutions, et ses financements » Stiker, 2000, p 71. La personne diffĂ©rente interroge les normes Ă©tablies, la sociĂ©tĂ© s'est toujours fait un devoir de la prendre en charge. Nous allons dĂ©sormais poser le problĂšme des rapports entre la normalitĂ© et l'anormalitĂ©, du rapport entre les personnes normales » et les personnes handicapĂ©es. 3. Le normal et l'anormal. La relativitĂ© des normes sociales. Il existe bien pour le chercheur une catĂ©gorie spĂ©cifique du handicap qui renvoie Ă un ensemble de personnes n'Ă©tant pas tout Ă fait comme les autres. Elles sont marquĂ©es du sceau de l'altĂ©ritĂ©. Nous interrogeons la construction de cette catĂ©gorie particuliĂšre composĂ©e d'individus que la sociĂ©tĂ© affuble de l'Ă©tiquette de handicapĂ©s. RenĂ© LENOIR Ă©met, que la norme est une valeur relative Dire que dans une sociĂ©tĂ© donnĂ©e des ĂȘtres sont en marge de la normale ne signifie nullement que la norme de cette sociĂ©tĂ© a valeur divine ou universelle. Quelques-uns uns de nos plus brillants ingĂ©nieurs seraient inadaptĂ©s chez un peuple de chasseurs ou de pĂȘcheurs, beaucoup de nos aliĂ©nĂ©s vivraient libres dans une tribu africaine, l'orphelin ne se sentirait pas tel dans la plupart de nos sociĂ©tĂ©s dites primitives Lenoir, 1974, p 10. Pourtant, le champ du handicap regroupe bien des individus dont la prise en charge est spĂ©cifique ; ils sont lĂ©galement dĂ©finis par des textes de loi. Paradoxalement, ces textes qui sont censĂ©s leur apporter une aide de la sociĂ©tĂ© pour compenser leur dĂ©ficit, les enferment dans un statut discriminant. Il y a bien une norme qui Ă©talonne les capacitĂ©s des uns et des autres Ă vivre en sociĂ©tĂ©. MĂȘme si nous cherchons Ă relativiser celle-ci, elle n'en est pas moins la valeur de rĂ©fĂ©rence. Mais Ă quelle norme se fier sachant que, pour BECKER, les valeurs sont de piĂštres guides pour l'action, car elles ne comportent que des critĂšres de choix gĂ©nĂ©raux qui indiquent la ligne de conduite prĂ©fĂ©rable, toutes choses Ă©gales d'ailleurs » Becker, 1985, p 153. Il n'en demeure pas moins que des normes sont Ă©tablies, qu'elles dĂ©montrent parfois une grande rigiditĂ© et que les transgresser expose l'individu Ă ĂȘtre exclu de sa sociĂ©tĂ©. Dans le cas du handicap mental, la personne est mise Ă l'Ă©cart de fait pourtant elle n'a commis aucun crime. Elle transgresse le bien-fondĂ© du monde social de par cette prĂ©sence De ce point de vue, la dĂ©viance n'est pas une qualitĂ© de l'acte commis par une personne, mais plutĂŽt une consĂ©quence de l'application, par les autres, de normes et de sanctions Ă un transgresseur ». Le dĂ©viant est celui auquel cette Ă©tiquette a Ă©tĂ© appliquĂ©e avec succĂšs et le comportement dĂ©viant est celui auquel la collectivitĂ© attache cette Ă©tiquette Becker, 1985, p 33. Le handicapĂ© est un transgresseur de normes malgrĂ© lui. Il n'est pas actif dans sa transgression, il en est le jouet. Il dĂ©range car son comportement n'est pas conforme » aux attitudes qu'on peut attendre d'un ĂȘtre douĂ© de raison. Il interpelle et doit ĂȘtre contrĂŽlĂ©. Il est accusĂ© Ă tort », on prĂ©fĂšre l'isoler pour prĂ©venir les Ă©ventuels dĂ©gĂąts qu'il serait susceptible de causer Ă la sociĂ©tĂ©. Ce sont ses actes difficilement comprĂ©hensibles, bizarres et incommodants qui en font un Ă©tranger au groupe. Le handicapĂ© inquiĂšte car il n'apprĂ©hende pas la rĂ©alitĂ© sociale et ses rapports aux autres de maniĂšre commune. Pour BECKER, La maniĂšre dont on traite les dĂ©viants Ă©quivaut Ă leur refuser les moyens ordinaires d'accomplir les activitĂ©s routiniĂšres de la vie quotidienne. En raison de ce refus, le dĂ©viant doit nĂ©cessairement mettre en oeuvre des pratiques routiniĂšres illĂ©gitimes. L'influence des rĂ©actions des autres peut ĂȘtre soit directe, ... soit indirecte, lorsqu'elle dĂ©coule du caractĂšre intĂ©grĂ© dans laquelle vit le dĂ©viant Becker, 1985, p 58. L'individu handicapĂ© mental est bien cet individu Ă qui on ne confĂšre pas les capacitĂ©s de pouvoir assumer seul sa vie. Il est un Ă©lĂ©ment pathologique qui est suspectĂ© de mettre en pĂ©ril la bonne santĂ© de la sociĂ©tĂ©. Le handicapĂ© mental est vĂ©cu comme une anomalie, un genre diffĂ©rent de la sociĂ©tĂ© humaine. Le handicap n'est pas inadaptation. On naĂźt ou on devient infirme. C'est le fait de devenir tel, interprĂ©tĂ© comme dĂ©chĂ©ance irrĂ©mĂ©diable, qui retentit sur le fait de naĂźtre tel ... Mais la limitation forcĂ©e d'un ĂȘtre humain Ă une condition unique et invariable est jugĂ©e pĂ©jorativement, par rĂ©fĂ©rence Ă l'idĂ©al normal humain qui est l'adaptation possible et voulue Ă toutes les conditions imaginables Canguilhem, 1975, p 87. Le handicap mental a affaire avec l'infirmitĂ© telle qu'elle est dĂ©crite par CANGUILHEM. La personne handicapĂ©e mentale serait inadaptĂ©e Ă la sociĂ©tĂ© puisqu'elle est dans l'incapacitĂ© de s'adapter aux conditions de vie qu'elle lui offre. Elle n'est pas un ĂȘtre normatif », capable d'instituer de nouvelles normes. Par normatif, on entend tout jugement qui apprĂ©cie ou qualifie un fait relativement Ă une norme, mais ce mode de jugement est subordonnĂ© Ă celui qui institue les normes » Ibid., p 77. Nous estimons de notre point de vue Que la dĂ©finition psychosociale du normal par l'adaptĂ© implique une conception de la sociĂ©tĂ© qui l'assimile subrepticement et abusivement Ă un milieu, c'est-Ă -dire Ă un systĂšme de contraintes contenant, dĂ©jĂ et avant tous rapports entre l'individu et elle, des normes collectives d'apprĂ©ciation de la qualitĂ© de ces rapports Ibid., p 214. Le handicapĂ© est bien perçu dans notre sociĂ©tĂ© comme un individu altĂ©rĂ© dans ses fonctions. Il est en contradiction avec la norme dĂ©finie comme l'idĂ©al humain » renvoyant l'ĂȘtre diffĂ©rent Ă ses impossibilitĂ©s d'adaptation Ă toute situation sociale. L'individu affublĂ© de son handicap n'est pas censĂ© ĂȘtre adaptable au corps social. Il ne peut ĂȘtre Ă©ducable et s'astreindre Ă respecter les rĂšgles sociales. La difficultĂ© pour la personne handicapĂ©e de trouver sa place dans la sociĂ©tĂ©, c'est qu'elle est dĂ©finie par son inadaptation sociale. DĂ©finir l'anormalitĂ© par l'inadaptation sociale, c'est accepter plus ou moins l'idĂ©e que l'individu doit souscrire au fait de telle sociĂ©tĂ©, donc s'accommoder Ă une rĂ©alitĂ© qui est en mĂȘme temps un bien » Ibid., p 214. Le problĂšme du handicap mental ne doit plus ĂȘtre posĂ© en terme d'inadaptation. Concevoir le handicapĂ© comme un inadaptĂ© signifie que celui-ci est vu comme une anomalie qui dĂ©rogerait Ă l'ordre social. La diffĂ©rence humaine ne saurait ĂȘtre pathologique, c'est-Ă -dire mauvaise » pour le corps social. Pathologique implique pathos, sentiment direct et concret de souffrance et d'impuissance, sentiment de vie contrariĂ©e » Ibid., p 85. L'anomalie n'est pas Ă considĂ©rer comme nĂ©faste, c'est une rĂ©alitĂ© d'une nature autre que le pathologique, elle peut avoir une place au sein de la sociĂ©tĂ©. Le handicapĂ© mental n'est pas Ă voir, selon Canguilhem comme un individu inadaptĂ© du fait de critĂšres pathologiques, il est un ĂȘtre anomal » ce terme n'est pas Ă confondre avec anormal », Canguilhem se situant dans le champ de l'anomalie ». L'anomalie ou la mutation ne sont pas en elles-mĂȘmes pathologiques. Elles expriment d'autres normes de vie possibles. Si ces normes sont infĂ©rieures, quant Ă la stabilitĂ©, Ă la fĂ©conditĂ©, Ă la variabilitĂ© de la vie, aux normes spĂ©cifiques antĂ©rieures, elles seront dites pathologiques. Si ces normes se rĂ©vĂšlent, Ă©ventuellement dans le mĂȘme milieu Ă©quivalentes, ou dans un autre milieu supĂ©rieures, elles seront dites normales Ibid., p 91. Nous rejoignons notre point d'introduction dans lequel nous Ă©mettions l'idĂ©e que les normes Ă©taient relatives. Dans le cas du handicap mental, elles sont imposĂ©es aux individus anomaux » ayant une place infĂ©rieure » dans notre sociĂ©tĂ©, ne serait-ce que par leur nombre. La norme s'applique Ă ceux qu'elle stigmatise, dans des cas dĂ©finis et Ă des individus particuliers » et elle doit trouver sa forme finale dans les actes particuliers par lesquels ont la fait respecter ... Le respect des normes est imposĂ© sĂ©lectivement en fonction du type de personnes, du moment et de la situation » Becker, 1985, p 156. Les handicapĂ©s sont tributaires des reprĂ©sentations que les acteurs sociaux ont sur eux. Ils sont caractĂ©risĂ©s comme tels car la personne avec un handicap dĂ©voile des anomalies dans son comportement. Il dĂ©clenche, chez autrui, de par sa prĂ©sence en sociĂ©tĂ©, des attitudes de rejet, de dĂ©ni, de compassion... L'interaction engendre des mĂ©canismes de dĂ©fense de la part des uns et des autres. Comme nous l'avons prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©, les catĂ©gorisations aident l'individu Ă lire le monde qui l'entoure. Lorsqu'une catĂ©gorie d'individus est repĂ©rable par des traits caractĂ©ristiques notamment physiques, nous avons affaire avec une stigmatisation de l'altĂ©ritĂ©. C'est ce processus de stigmatisation que nous allons Ă©tudier dans le point suivant. La stigmatisation de la personne handicapĂ©e mentale. Nous allons analyser les effets de la stigmatisation sur les individus diffĂ©rents du point de vue d'Erving GOFFMAN. Pour le sociologue, la personne attribue Ă l'individu rencontrĂ© une identitĂ© sociale virtuelle » faite d'hypothĂšses ; prĂ©jugĂ©s en opposition Ă son identitĂ© sociale rĂ©elle ». L'attribut », s'il constitue un stigmate, reprĂ©sente un dĂ©saccord entre les identitĂ©s sociales virtuelles et rĂ©elles discrĂ©ditant le stigmatisĂ© considĂ©rĂ© comme personne inhumaine » Goffman, 1975. Le handicapĂ© mental semble ĂȘtre systĂ©matiquement cataloguĂ© au travers de son identitĂ© sociale virtuelle. Les normaux » ne lui attribuent pas de place socialement reconnue dans le monde ordinaire. Ce qui lui fait dĂ©faut, c'est une cohĂ©rence de l'expression » Goffman, 1973. Le handicapĂ© mental fait preuve de maladresse dans ses expressions en sociĂ©tĂ© ce qui gĂ©nĂšre des malentendus sur son identitĂ©. Il ne peut assumer complĂštement son rĂŽle d'acteur social. Sur la scĂšne de la reprĂ©sentation de la vie quotidienne, la personne handicapĂ©e ne parvient pas Ă gĂ©rer ses fluctuations » comportementales. Ce qui semble exigĂ© de l'acteur, c'est qu'il apprenne suffisamment de bouts de rĂŽles pour ĂȘtre capable d'improviser et de se tirer plus ou moins bien d'affaire, quelque rĂŽle qui lui Ă©choit ... Etre rĂ©ellement un certain type de personne, ce n'est pas se borner Ă possĂ©der les attributs requis, c'est aussi adopter les normes de la conduite et l'apparence que le groupe social y associe Goffman, 1973. La difficultĂ© d'ĂȘtre pour la personne handicapĂ©e mentale c'est qu'elle est anomale », ce qui se traduit dans sa difficultĂ© Ă Ă©pouser les normes comportementales de son groupe d'appartenance. Le dĂ©calage entre elle et la rĂ©alitĂ© sociale est mis Ă jour lors des contacts mixtes » entre stigmatisĂ©s et normaux. Les relations entre les individus sont perturbĂ©es. L'individu normal ne se sent pas Ă l'aise car il ne possĂšde pas les codes sociaux pour lire les attitudes du handicapĂ©. Lorsque l'acteur se sent mal Ă l'aise, il est plus facile pour lui d'adopter des relations d'Ă©vitement ». L'individu stigmatisĂ© agit souvent par des tactiques d'abaissement » ou d'agressivitĂ© ». Il s'ensuit un malaise dĂ©fini comme un repli sur soi et un repli sur autrui traduits pathologiquement dans l'interaction. La personne handicapĂ©e ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ©e qu'Ă travers son seul handicap ; l'individu ne peut ĂȘtre dĂ©fini que par la nĂ©gativitĂ© 1 ce qui reviendrait Ă nier son existence, Ă le rejeter purement et simplement de la sociĂ©tĂ©. Il n'en reste pas moins vrai qu'il est difficile de concevoir l'individu handicapĂ© dĂ©tachĂ© de ce qui entrave son Ă©volution ; il est bien porteur de quelque chose diffĂ©rant de la norme. Les Ă©lĂ©ments de sa diffĂ©renciation » sont confus. La notion d'identitĂ© personnelle est liĂ©e Ă l'hypothĂšse que chaque individu se laisse diffĂ©rencier de tous les autres et qu'autour de ces Ă©lĂ©ments de diffĂ©renciation s'enregistrent sans cesse des faits sociaux auxquels viennent s'agglomĂ©rer de nouveaux dĂ©tails biographiques ... L'individu est fixĂ© en tant qu'objet possible d'une biographie. Ses actes ne sauraient se rĂ©vĂ©ler entiĂšrement contradictoires ni disjoints les uns des autres Goffman, 1975. La personne anomale » ne se revĂȘt pas des habits normatifs ; son dĂ©guisement social » et son dĂ©guisement personnel » ne font qu'un. Elle ne joue pas de façon satisfaisante la comĂ©die de la vie car elle ne parvient pas Ă manier ses diverses identitĂ©s. ____________________________________________________________________________________ 1. Pour FREUD, nier quelque chose dans le jugement veut dire c'est lĂ quelque chose que je prĂ©fĂ©rerais de beaucoup refouler ... La fonction de jugement doit prononcer qu'une propriĂ©tĂ© est ou n'est pas Ă une chose, et elle doit considĂ©rer ou contester Ă une reprĂ©sentation l'existence dans la rĂ©alitĂ©. La propriĂ©tĂ© dont il doit ĂȘtre dĂ©cidĂ© pourrait originellement avoir Ă©tĂ© bonne ou mauvaise, utile ou nuisible. ExprimĂ© dans le langage des motions pulsionnelles les plus anciennes, les motions orales cela je veux le manger ou bien je veux le cracher, et en poussant plus avant le transfert [de sens] cela je veux l'introduire en moi, et cela l'exclure hors de moi. Donc ça doit ĂȘtre en moi ou bien en dehors de moi. Le moi-plaisir originel, comme je l'ai exposĂ© ailleurs, veut s'introjecter tout le bon et jeter hors de lui tout le mauvais. Le mauvais, l'Ă©tranger au moi, ce qui se trouve au-dehors est pour lui tout d'abord identique. FREUD Sigmund. RĂ©sultats, idĂ©es, problĂšmes. Tomes II. Paris PUF, 1985. Ses diffĂ©rents rĂŽles se mĂ©langent et s'interpĂ©nĂštrent engendrant la confusion pour les autres et pour elle-mĂȘme elle ne sait pas comment se dĂ©finir. La personne anomale » ne se revĂȘt pas des habits normatifs ; son dĂ©guisement social » et son dĂ©guisement personnel » de font qu'un. Elle ne joue pas de façon satisfaisante la comĂ©die de la vie car elle ne parvient pas Ă manier ses diverses identitĂ©s. Le stigmatisĂ© et le normal sont inclus l'un dans l'autre si l'un se rĂ©vĂšle vulnĂ©rable, l'autre en fait autant ... Les erreurs d'identifications sont sources inĂ©puisables de moqueries pour ceux qui les provoquent. Le normal et le stigmatisĂ© ne sont pas des personnes mais des points de vue produits lors de contacts mixtes, en vertu des normes insatisfaites qui influencent sur la rencontre Ibid., p 158-162. Si le stigmatisĂ© et le normal sont des points de vue, il semble qu'ils sont diffĂ©rents dans leur Ă©laboration. Le jeu du handicapĂ© est restreint car ses rĂŽles sociaux sont pauvres il est un personnage qui joue un rĂ©pertoire unique. Le normal, riche de ses divers statuts sociaux, est plus Ă mĂȘme Ă participer Ă diffĂ©rents jeux de rĂŽles. Il peut modifier son rĂ©pertoire et tromper les autres dans son intĂ©rĂȘt pour Ă©viter tout discrĂ©dit. Le handicapĂ© ne possĂšde pas l'utilisation des faux-semblants », il demeure trop instinctif. Nous l'avons Ă©voquĂ©, le handicap est un concept statique qui enferme l'individu dans un stĂ©rĂ©otype. Le handicapĂ© mental ne connaĂźt pas d' idĂ©alisation », c'est-Ă -dire une façon de socialiser une reprĂ©sentation, de l'amĂ©nager, de la modifier pour l'adapter au niveau d'intellection et aux attentes de la sociĂ©tĂ© dans lequel elle se dĂ©roule » Goffman, 1973, p 40. En conclusion Ă ce chapitre sur la construction du handicap mental comme concept, nous pouvons nous interroger sur la sĂ©mantique utilisĂ©e pour dĂ©nommer nos pairs. Le terme semble moins pĂ©joratif que d'autres jalonnant l'histoire de la diffĂ©rence. Cependant il est Ă craindre qu'il soit insuffisant Ă la comprĂ©hension de l'individu anomal » et qu'il devienne une source Ă la discrimination et au rejet. Le handicapĂ© se meut en un objet Ă dissĂ©quer L'individu stigmatisĂ© s'entend dire qu'il fait partie de la sociĂ©tĂ© mais en mĂȘme temps il lui est vain de nier sa diffĂ©rence. Il se trouve au centre d'une arĂšne oĂč s'affrontent les arguments et les discours, tous consacrĂ©s Ă ce qu'il devrait penser de lui-mĂȘme, Ă son identitĂ© de soi » Goffman, 1975. VI. LES RĂPRESENTATIONS SOCIALES DU HANDICAP MENTAL 1. DĂ©finition de la reprĂ©sentation sociale. Nous avons dĂ©jĂ fait remarquer au lecteur l'interaction existant entre la sociĂ©tĂ© et le monde » du handicap. Ces deux mondes sont distincts et ont leurs propres reprĂ©sentations de la rĂ©alitĂ© sociale. ABRIC propose cette dĂ©finition de la reprĂ©sentation sociale Rappelons qu'on appelle reprĂ©sentation le produit et le processus d'une activitĂ© mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le rĂ©el auquel il est confrontĂ© et lui attribue une signification spĂ©cifique ... La reprĂ©sentation est donc un ensemble organisĂ© d'opinions, d'attitudes, de croyances et d'informations se rĂ©fĂ©rant Ă un objet ou une situation Abric, p 206, 1999. Les parents de l'enfant handicapĂ© mental sont inscrits au sein d'une sphĂšre dont l'objet questionne la sociĂ©tĂ©. Le handicap est apprĂ©hendĂ© comme une anomalie perturbant les relations sociales. Il pose question et gĂ©nĂšre de nombreux prĂ©jugĂ©s. Le handicapĂ© mental renvoie Ă l'image du fou, malade mental aux comportements incontrĂŽlables. Il est rĂ©pertoriĂ© dans la catĂ©gorie de la maladie mentale pourtant le handicapĂ© est d'une autre nature. L'amalgame est souvent fait, l'enfant handicapĂ© est perçu comme un ĂȘtre Ă©trange et surprenant dans sa singularitĂ©. La reprĂ©sentation sociale du handicapĂ© mental est bien dĂ©terminĂ©e par le sujet lui-mĂȘme son histoire, son vĂ©cu, par le systĂšme social et idĂ©ologique dans lequel il est insĂ©rĂ©, et par la nature des liens que le sujet entretient avec ce systĂšme social » Ibid., p 207. Le handicap, renvoyant une image altĂ©rĂ©e de la normalitĂ©, provoque chez autrui une Ă©valuation normative nĂ©gative » Schurmans, p 232, 1990. Les handicapĂ©s mentaux ne sont pas ce que sont les autres, ils en sont l'inverse. Ils sont l'image nĂ©gative du portrait qui ferait apparaĂźtre les caractĂ©ristiques identificatrices fondamentales du groupe » Ibid., p 232. 2. La thĂ©orie du noyau central Dans l'imaginaire collectif, les gens font effectivement encore ce rapprochement entre folie et handicap mental. Si le fou fait peur, c'est parce qu'il occupe une place centrale dans l'univers symbolique, il est en quelque sorte l'anti-maniĂšre » de la raison, il est par ce quoi tout un chacun peut se considĂ©rer comme un ĂȘtre raisonnable » Brouat, 1990, p 25-26. Cette place centrale est dĂ©pendante du noyau central ou noyau structurant dĂ©finit par ABRIC comme l'Ă©lĂ©ment fondamental de la reprĂ©sentation, car c'est lui qui dĂ©termine Ă la fois la signification et l'organisation de la reprĂ©sentation. Il est l'Ă©lĂ©ment unificateur et stabilisateur de la reprĂ©sentation, le plus stable, celui qui rĂ©siste le plus au changement Abric, p 215, 1999. Le noyau est une structure qui organise les Ă©lĂ©ments de la reprĂ©sentation et leur donne sens. Le handicapĂ© mental est cataloguĂ© au travers de toutes sortes d'images pĂ©joratives, images teintĂ©es d'Ă©trangetĂ©. Il est perçu au travers de ses incapacitĂ©s, de ses stigmates parfois monstrueux, il hante l'imaginaire et revivifie les peurs ancestrales. La personne handicapĂ©e dĂ©range notre sociĂ©tĂ©. Nous l'avons Ă©voquĂ©, nous souhaiterions la nier Ă dĂ©faut de la rejeter, ce qui en fin de compte revient Ă rechercher le mĂȘme rĂ©sultat La pratique de supprimer les enfants difformes, dans l'AntiquitĂ©, s'origine Ă un sentiment eugĂ©nique, Ă une volontĂ© de race pure, et rĂ©vĂšle ainsi ce qui rĂ©side dans le coeur humain. Ne nous faisons pas d'illusion nous portons en nous des envies de mort et de meurtre, et la peur comme l'agressivitĂ© y trouvent leurs racines Stiker, p 17, 1982. Le handicap mental forge Ă son encontre et bien malgrĂ© lui des images mentales solidement ancrĂ©es et difficilement surmontables car inscrites dans l'inconscient collectif. Le passage obligĂ© Ă ce dĂ©passement semble l'expĂ©rience vĂ©cue et quotidienne entre normaux et anormaux. Les contacts mixtes rĂ©pĂ©tĂ©s peuvent venir Ă bout des prĂ©jugĂ©s mais il est plus commode de vouloir les Ă©viter. L'individu handicapĂ© mental est pris dans les projections imaginaires des autres. Le handicap, noyau central de la reprĂ©sentation sociale, est indissociable de divers attributs fondamentaux. Autour de ce noyau central gravitent des Ă©lĂ©ments pĂ©riphĂ©riques, des schĂšmes » Flament,1999 Les schĂšmes pĂ©riphĂ©riques assurent le fonctionnement quasi instantanĂ© de la reprĂ©sentation comme grille de dĂ©cryptage d'une situation ils indiquent, de façon parfois spĂ©cifique, ce qui est normal et par contraste, ce qui ne l'est pas, et donc, ce qu'il faut comprendre, mĂ©moriser... Ces schĂšmes normaux permettent Ă la reprĂ©sentation de fonctionner Ă©conomiquement, sans qu'il soit besoin, Ă chaque instant, d'analyser la situation par rapport au principe organisateur qu'est le noyau central Flament, 1999, p 229. Ces Ă©lĂ©ments pĂ©riphĂ©riques facilitent une lecture de la sociĂ©tĂ© et des rapports des individus entre eux. Que la reprĂ©sentation soit valorisante ou dĂ©prĂ©ciative, en fonction de la place que l'acteur occupe dans l'univers social, elle lui sert de trame pour diriger ses actions. Pour LASSARRE 1995, p 144, la reprĂ©sentation sociale contribue Ă exprimer, c'est-Ă -dire, Ă expliquer et Ă constituer les rapports sociaux ». Nous agissons en fonction de ce qu'autrui nous renvoie et selon sa dĂ©finition sociale. Les reprĂ©sentations sont parfois trompeuses ; il nous arrive de faire erreur sur le dĂ©guisement de l'acteur. Nous lui attribuons parfois des compĂ©tences qu'il ne possĂšde pas. L'image qu'il nous renvoie peut Ă©galement pousser Ă une surestimation de sa personne ; nous disons dans ce cas que nous nous sommes tromper Ă son sujet. Nous sommes prisonniers de nos propres reprĂ©sentations qui nous abusent parfois ; ABRIC suppose que ce n'est pas Ă la rĂ©alitĂ© telle que l'expĂ©rimentateur l'imagine que le sujet rĂ©agit mais Ă une rĂ©alitĂ© Ă©ventuellement diffĂ©rente une rĂ©alitĂ© reprĂ©sentĂ©e, c'est-Ă -dire appropriĂ©e, structurĂ©e, transformĂ©e la rĂ©alitĂ© du sujet » Abric, 1999, p 207. 3. L'objectivation et l'ancrage. Les reprĂ©sentations sociales de l'individu ont une importance prĂ©pondĂ©rante dans l'activitĂ© sociale, certaines sont profondĂ©ment ancrĂ©es et dĂ©terminantes vis-Ă -vis d'autrui. Nos relations sociales sont vĂ©cues comme amicales ou inamicales, chaleureuses ou dĂ©tachĂ©es ; elles sont tributaires de l'image que nous renvoyons en sociĂ©tĂ©. Nous sommes ainsi cataloguĂ©s dans tel groupe social car nos attributs sont plus puissants que notre personnalitĂ© ; ils sont la partie objective de celle-ci. Serge MOSCOVICI dĂ©finit deux autres processus constitutifs de la reprĂ©sentation sociale l'objectivation et l'ancrage. L'objectivation conduit, on le sait, Ă rendre rĂ©el un schĂ©ma conceptuel, Ă doubler une image d'une contrepartie matĂ©rielle, rĂ©sultat qui a d'abord un ressort cognitif . Le stock d'indices et de signifiants qu'une personne reçoit, Ă©met et brasse dans le cycle des infra-communications peut devenir surabondant. Pour rĂ©duire l'Ă©cart entre la masse de mots qui circulent et les objets qui les accompagnent, et comme on ne saurait parler de rien », les signes linguistiques » sont accrochĂ©s Ă des structures matĂ©rielles on tente d'accoupler le mot Ă la chose Moscovici, 1976, p 107-108. Ces deux processus nous sont utiles pour comprendre ce qui se joue autour du handicap et des diverses figures qu'il projette. Les attitudes du handicapĂ© mental nous font nous arrĂȘter aux premiĂšres impressions sur sa personne. Il fait partie des individus qui prĂ©sentent un fort pouvoir d'objectivation. Il est dĂ©terminĂ© de fait et restreint Ă un domaine prĂ©cis de la vie sociale dont la caractĂ©ristique est d'ĂȘtre hors normes. L'individu handicapĂ© est enfermĂ© dans le monde de l'altĂ©ritĂ©. MĂȘme dans les relations mixtes en sociĂ©tĂ©, il est reconnu non pas en fonction du rĂŽle social qu'il peut jouer mais en fonction de la place qui lui est assignĂ©e. Tout n'est pas objet de reprĂ©sentation sociale, il faut un enjeu social. La place particuliĂšre d'une personne dans la sociĂ©tĂ©, son statut par rapport Ă l'objet de la reprĂ©sentation permettra d'expliquer les ressemblances et les diffĂ©rences d'un groupe d'individus Ă un autre » Lassarre, 1995, p 144. Il y a bien un enjeu entre les normaux et les anormaux, celui pour les premiers de ne pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme faisant partie du second. Notre Ă©tude de sociologie s'organise autour de ce rapport entre normalitĂ© et anormalitĂ©. Elle pose plus prĂ©cisĂ©ment le problĂšme des parents de l'enfant handicapĂ© mental confrontĂ©s Ă deux univers dissemblables, pris Ă la charniĂšre de deux mondes sociaux dĂ©terminĂ©s par leur incompatibilitĂ©. Comment parvenir Ă vivre dans la contradiction ? Le handicap renvoie dos Ă dos deux mondes distincts ; il serait rĂ©ducteur de penser que les constructions mentales de ces deux groupes sociaux sont en tous points incompatibles. Les acteurs parentaux ont intĂ©grĂ© des modalitĂ©s de vie en sociĂ©tĂ©, des modĂšles d'action axĂ©s sur des valeurs communautaires, comme tous les autres acteurs sociaux. Cependant, nous supposons que le vĂ©cu avec le handicap a certainement changĂ© certains de leurs points de vue sur l'altĂ©ritĂ©. 4. La perception du handicap de l'enfant par les parents. Le handicap mental forge Ă son encontre des reprĂ©sentations solidement ancrĂ©es et difficiles Ă dĂ©passer. Le passage obligĂ© Ă ce dĂ©passement semble l'expĂ©rience vĂ©cue Ă ses cĂŽtĂ©s. Nous pensons que mĂȘme pour les parents qui cĂŽtoient leur enfant quotidiennement, il existe une image mentale de mon » handicapĂ© façonnĂ©e en opposition aux autres handicapĂ©s supposĂ©s plus abĂźmĂ©s. Nous supposons qu'il existe une perception intra familiale et une perception extra familiale du handicap par les parents. Nous repĂ©rons ces deux perspectives ainsi La perspective intra familiale Les parents considĂšrent l'enfant comme une anomalie sociale qui ronge les liens familiaux et rend difficile la reconstruction de ce qu'il dĂ©truit. Le handicap est un intrus, un objet rapportĂ©, extĂ©rieur qui a pĂ©nĂ©trĂ© l'univers familial et le dĂ©stabilise. Le handicap n'est pas intĂ©grĂ© Ă l'enfant, il vit Ă ses cĂŽtĂ©s et entrave son dĂ©veloppement mental. Le handicap est dissociĂ© de l'ĂȘtre. Cette extĂ©rioritĂ© du handicap renvoie Ă l'extĂ©rioritĂ© de la maladie. Le handicap est un corps Ă©tranger qui s'est immiscĂ© dans la personnalitĂ© de l'enfant. L'anthropologue François LAPLANTINE donne des Ă©claircissements Ă ce sujet La maladie est considĂ©rĂ©e comme une entitĂ© exogĂšne pĂ©nĂ©trĂ©e par effraction dans le corps d'un individu qui n'y est pour rein, et la guĂ©rison consiste dans la jugulation d'une positivitĂ© ennemie avec laquelle il ne faut pas composer, mais qu'il faut littĂ©ralement anĂ©antir Laplantine, 1999, p 301. Les parents rejettent le handicap hors de l'enfant, ils ne cherchent pas Ă l'ignorer car comme le prĂ©cise Don D. JACKSON, le rejet, si pĂ©nible soit-il, prĂ©suppose que l'on reconnaisse au moins partiellement ce que l'on rejette » 1972, p 85. Le handicap est apprĂ©hendĂ© comme le symptĂŽme qu'il faut soigner pour que l'enfant retrouve un Ă©tat normal ». Il s'inscrit dans les logiques actuelles de traitement des maladies et de la perception de la maladie par les mĂ©decins eux-mĂȘmes Pour la majoritĂ© des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes aujourd'hui, le symptĂŽme, loin d'ĂȘtre apprĂ©hendĂ© comme le message d'une modification Ă interprĂ©ter, demeure bel et bien l'ennemi Ă abattre ... C'est bien le discours lui-mĂȘme, ainsi que le modĂšle qui est celui de notre culture mĂ©dicale ambiante qui procĂšdent Ă une Ă©tiologisation, Ă une ontologisation et Ă une externalisation du mal-maladie Laplantine, 1999, p 300-301. Le handicap est bien vĂ©cu par les parents, dans le cas d'une perspective intra familiale, comme un ĂȘtre malin ruinant l'ĂȘtre de leur enfant. Une seconde posture, nous semble-t-il, est possible chez les acteurs parentaux La perspective extra familiale Les parents Ă©pousent les reprĂ©sentations sociales communes du handicap mental. Le handicap, dans ce cas, est perçu comme intĂ©grĂ© Ă l'enfant. L'enfant est ontologiquement handicapĂ©. Les parents adhĂšrent aux projections sociĂ©tales et les reconnaissent comme possibles. La maladie n'est plus perçue comme une entitĂ© Ă©trangĂšre au malade. Elle vient de lui et a une fonction valorisĂ©e ou tout au moins signifiante qui doit ĂȘtre dĂ©cryptĂ©e comme une de ses composantes et la guĂ©rison consiste alors dans une activitĂ© rĂ©gulatrice qui n'est plus cette fois antagoniste aux symptĂŽmes du malade Ibid., p 301. La problĂ©matique du handicap est qu'il est souvent assimilĂ© Ă la maladie mentale. Il n'est pas guĂ©rissable » puisque le handicapĂ© n'est atteint par aucune maladie. Par contre, il peut ĂȘtre apprĂ©hendĂ© comme une autre forme de vie possible n'Ă©pousant pas les normes sociales Ă©tablies. Il est un ĂȘtre anomal » au sens que CANGUILHEM lui donne. Les deux perspectives familiales Ă©noncĂ©es sont exprimĂ©es par les parents. La premiĂšre est prĂ©sente, chez les parents, pour leur » enfant et la seconde est activĂ©e pour le handicapĂ© mental d'autrui. Nous supposons que selon les circonstances de la vie, elles sont perçues simultanĂ©ment pour leur progĂ©niture. VII. LA FAMILLE DU HANDICAPĂ MENTAL. Du point de vue de notre recherche nous admettons qu'une famille ayant en son sein un enfant handicapĂ© ne peut ĂȘtre apprĂ©hendĂ©e comme une famille dite ordinaire ». Nous supposons que le handicap influence les rapports entre les acteurs familiaux qu'ils soient les parents, les frĂšres ou les soeurs du handicapĂ© mental. Le handicap perturbe les relations familiales ; nous l'avons Ă©voquĂ©, il faut innover, inventer de nouvelles techniques d'Ă©ducation. Chaque parent rĂ©agit selon ses ressources personnelles. Certains s'enlisent dans la dĂ©pression ; d'autres arrivent Ă dĂ©fendre les droits de leur enfant et Ă se battre pour une sociĂ©tĂ© meilleure. Mais au dĂ©part, nous sommes tous dĂ©munis Ă cause du manque d'efficacitĂ© des modĂšles de vie et d'Ă©ducation appris pendant notre jeunesse Randel, 2000, p 110. 1. La famille comme systĂšme. Il faut voir la famille comme un systĂšme stable eu Ă©gard Ă certaines de ses variables, si ces variables tendent Ă demeurer dans des limites prĂ©cises » Don D. Jackson, 1972. L'enfant handicapĂ© et les membres de la famille interagissent comme dans tous modĂšles familiaux ; des relations de parents Ă enfant se crĂ©ent et se nouent. Elles apparaissent diffĂ©rentes de la norme mais elles n'en sont pas moins une autre forme possible de lien social. L'enfant handicapĂ© influence les rapports pĂšre - mĂšre - enfant » par les questions comportementales qu'il soulĂšve. Don D. Jackson, un des membres fondateurs de ce qu'on a dĂ©nommĂ© l'Ecole de Palo Alto », nous propose cette thĂ©orie Dans une famille, le comportement de chacun des membres est liĂ© au comportement de tous les autres et en dĂ©pend. Tout comportement est communication, donc il influence les autres et est influencĂ© par eux. Plus prĂ©cisĂ©ment ..., amĂ©liorations ou aggravations dans l'Ă©tat du membre de la famille reconnu comme malade, auront habituellement un effet sur les autres membres de la famille, en particulier sur leur santĂ© psychologique, sociale ou mĂȘme physique Don D. Jackson, 1972, p 136. 2. Le concept d'homĂ©ostasie familiale. La construction identitaire de parent d'enfant handicapĂ© se joue autour de ce noyau dur » qu'est le handicap. L'enjeu de cette construction est de trouver un Ă©quilibre stable, quelque chose qui fasse que la vie est possible. Ainsi, de maniĂšre plus ou moins progressive, les parents vont franchir un certain nombre d'Ă©tapes, passant du choc, Ă la nĂ©gation puis de la dĂ©tresse jusqu'Ă une possible rĂ©organisation » Boucher, 1994, p 11. Les parents s'accommodent du handicap allant jusqu'Ă l'intĂ©grer en eux ; il fait tout autant partie de l'enfant que d'eux-mĂȘmes. Le handicap est plutĂŽt intĂ©grĂ© que refoulĂ©, les parents sont placĂ©s dans une obligation de vivre avec, de faire avec. Ils n'ont pas le choix ; ils ne peuvent rejeter le handicap sans rejeter l'enfant lui-mĂȘme ; seule la voie de l'acceptation est possible. Il faut faire contre mauvaise fortune, bon coeur ». Don D. JACKSON introduit le concept d' homĂ©ostasie familiale » Si l'Ă©tat du malade s'amĂ©liorait, cela avait souvent des rĂ©percussions catastrophiques dans la famille du malade mental ; il a supposĂ© alors que ces comportements, et peut-ĂȘtre tout aussi bien la maladie du patient, Ă©taient des mĂ©canismes homĂ©ostatiques » qui avaient pour fonction de ramener le systĂšme perturbĂ© Ă son dĂ©licat Ă©quilibre Don D. Jackson, 1972, p 135. Le handicap englobe la totalitĂ© de l'unitĂ© familiale. Il n'est pas posĂ© Ă cĂŽtĂ© du cercle mais il a pĂ©nĂ©trĂ© chaque branche du rĂ©seau familial. Il n'interfĂšre pas avec les relations mais il en crĂ©e d'autres possibles. Nous considĂ©rons le handicap comme la pierre angulaire autour de laquelle va dĂ©sormais se construire la famille. Nous supposons que s'il venait Ă disparaĂźtre, c'est tout l'Ă©difice familial qui serait dĂ©stabilisĂ©. L'Ă©quilibre du couple parental doit ĂȘtre retrouvĂ©. Il est difficile de survivre dans le chaos quotidien, mais le handicap est un objet difficile Ă maĂźtriser. Il est peu prĂ©hensible et souvent insaisissable. La sĂ©rĂ©nitĂ© familiale s'ancre dans un avenir lisible et cohĂ©rent Ă plus ou moins long terme. Sans cette cohĂ©rence, c'est le prĂ©sent qui devient incomprĂ©hensible. De plus, nous l'avons Ă©voquĂ©, le passĂ© ne peut donner de leçon sur un prĂ©sent avec un enfant handicapĂ©, on n'a pas appris Ă vivre avec. L'Ă©quilibre que le couple doit tenter de retrouver est mis dramatiquement Ă l'Ă©preuve. L'avenir qui Ă©tait ensemble projetĂ© vient de s'annuler, dĂ©stabilisant de ce fait la raison d'ĂȘtre du couple. Le doute s'installe renforcĂ© par la culpabilitĂ© et la dĂ©valorisation ne pas avoir Ă©tĂ©, et probablement de ne pas savoir devenir, bonne mĂšre et bon pĂšre Boucher, 1994, p 13. Cet Ă©quilibre nĂ©cessaire est tributaire de processus mentaux qui permettent justement de l'atteindre. Les parents ne sont pas toujours dupes du temps. Le temps, dans ce cas, ne sert pas Ă l'affaire ». Il laisse une marge d'espĂ©rance qui les autorisent Ă penser que cela finira bien par s'arranger. Mais avant tout, il faut parvenir Ă une rĂ©conciliation avec soi mĂȘme nĂ©cessitant de renouer le lien entre son passĂ© et son prĂ©sent pour pouvoir renĂ©gocier l'avenir. 3. Le difficile recadrage avec soi-mĂȘme. L'enfant rĂ©veille ce qui en soi Ă©tait camouflĂ©, Ă©tranger. Il renvoie Ă ses propres manques, fautes et souffrances. Il culpabilise, dĂ©valorise mais aussi inquiĂšte. Cet enfant inattendu », diffĂ©rent de l'enfant imaginĂ©, dĂ©cale d'autant la propre image de soi. Il s'agit de faire front Ă ses propres fantasmes et les surmonter Boucher, 1994, p 112. Les parents se trouvent comme sidĂ©rĂ©s devant cet enfant qui leur est Ă©tranger et qu'ils ont mis au monde. Dans cette Ă©tude nous rechercherons surtout Ă comprendre comment ils parviennent Ă dĂ©passer l'Ă©vidence d'une situation dont personne ne souhaiterait. La souffrance et la culpabilitĂ© peuvent trouver des palliatifs cognitifs ». L'image de soi est dĂ©finitivement altĂ©rĂ©e, celle de parent d'un enfant normal est brisĂ©e mais nous montrerons qu'elle peut ĂȘtre restaurĂ©e. La souffrance est sous-jacente, elle est cachĂ©e derriĂšre les apparences que les parents se donnent. La compassion d'autrui ne peut ĂȘtre supportĂ©e une existence tout entiĂšre. Le recadrage avec soi-mĂȘme passe par un recadrage de l'idĂ©e dont on se faisait de l'avenir. Lorsqu'un enfant handicapĂ© naĂźt dans notre famille, il s'agit d'un bouleversement complet. Tout notre futur est remis en cause. Dans notre dĂ©sarroi, dans cette insĂ©curitĂ© profonde que nous ressentons, nous essayons de nous accrocher aux certitudes et aux espoirs qui nous restent. Nous voulons limiter cette diffĂ©rence qui nous sĂ©pare de cet ĂȘtre inconnu Vaginay, 2000, p 224. Les acteurs parentaux doivent maĂźtriser l'altĂ©ritĂ© et, malgrĂ© le dĂ©sarroi dans lequel ils se trouvent, reprendre prise sur leur propre destinĂ©e. Ils sont amenĂ©s Ă rĂ©inventer un autre rĂŽle parental et parviendront, au fur et Ă mesure, Ă assumer leur statut social particulier de parents d'enfant diffĂ©rent des autres. Au sein de la sphĂšre familiale, Ă l'abri des regards extĂ©rieur, il est possible de cacher aux autres, aux anonymes qu'on est une personne comme une autre, digne d'intĂ©rĂȘt et de dĂ©fĂ©rence. Le handicap se caractĂ©rise bien comme quelque chose de honteux dont la dĂ©couverte discrĂ©dite celui qui en a la possession. 4. La dissonance cognitive comme processus interne de rĂ©gulation des contradictions. L'acteur social a besoin d'ĂȘtre en phase avec lui-mĂȘme et est amenĂ© parfois Ă surmonter les contradictions internes Ă sa personne. Dans le cas du handicap, il va de soi, que l'enfant conçu ne reprĂ©sente pas l'idĂ©al que les parents avaient projetĂ©. Ils ne s'attendaient pas Ă cela, ils sont dans un Ă©tat de sidĂ©ration, oĂč rien ne peut permettre un rĂ©accrochage Ă la rĂ©alitĂ© » Boucher, 1994, p 11. La rĂ©conciliation avec soi-mĂȘme nĂ©cessite de renouer le lien entre son passĂ© et son prĂ©sent pour pouvoir renĂ©gocier l'avenir. En effet, dans ce temps suspendu et tronquĂ©, la vie qui apparaĂźt se voit amputĂ©e de sa dimension de promesse et d'idĂ©al ... Cet enfant inattendu », diffĂ©rent de l'enfant imaginĂ©, dĂ©cale d'autant la propre image de soi. Il s'agit de faire front Ă ses propres fantasmes et de les surmonter Ibid., p 12. Les parents sont amenĂ©s Ă combler ce dĂ©calage entre leurs souhaits pour l'avenir et la rĂ©alitĂ© qui s'offre Ă eux. Les mĂ©canismes cognitifs mis en place auront pour tĂąche de rĂ©pondre Ă l'incohĂ©rence de l'existence ressentie. Cette incomprĂ©hension devant le handicap de l'enfant perdurera au cours des annĂ©es futures. Il est douteux de penser qu'un attirail quel qu'il soit pourrait sĂ©parer l'enfant de sa tare. Les parents pensent-ils que cela est possible, nous l'ignorons, mais ils sont dĂ©sireux de se donner des raisons de vivre et d'envisager un avenir possible pour l'enfant. Il leur faut, dans un premier temps, adopter une attitude qui ne soit pas seulement basĂ©e sur le dĂ©ni du handicap nous avons indiquĂ© qu'il Ă©tait vain de le faire mais orientĂ©e vers la cohĂ©rence de soi. Les acteurs parentaux doivent pouvoir mettre en adĂ©quation divers Ă©lĂ©ments cognitifs. LĂ©on FESTINGER les dĂ©finit comme toute connaissance, opinion ou croyance concernant l'environnement, le sujet lui-mĂȘme ou les autres. Le psychosociologue amĂ©ricain Ă©voque le terme de dissonance cognitive pour dĂ©signer une contradiction entre deux Ă©lĂ©ments cognitifs prĂ©sents dans le champ de reprĂ©sentation d'un individu. Son propos est d'analyser le processus de changement d'opinion chez le sujet inciter Ă adopter, par la pression de la rĂ©alitĂ© sociale ou de la rĂ©alitĂ© objective, des jugements qui se trouvent en contradiction avec ceux qu'il acceptait jusque-là » Boudon, 1998, p 22. L'individu en rupture avec la rĂ©alitĂ© sociale et ses propres reprĂ©sentations se trouve en dĂ©saccord avec lui-mĂȘme. Il Ă©prouve une souffrance, un mal-ĂȘtre qu'il lui faut apaiser. La dissonance crĂ©e un malaise que l'acteur social recherchera Ă rĂ©duire pour que la rĂ©alitĂ© sociale redevienne, autant qu'il se peut, conforme Ă ce qu'il dĂ©sire qu'elle soit. Il y a consonance entre deux notions si l'une des deux dĂ©coule de l'autre, ou autrement dit, si l'une des deux implique psychologiquement l'autre ... Si, pour l'individu considĂ©rĂ©, d'admettre comme vrai un Ă©lĂ©ment d'information, entraĂźne la conjecture qu'un autre Ă©lĂ©ment est Ă©galement vrai, alors le premier implique psychologiquement le second » Laurence et Festinger, 1962. Donc la consonance signifie une implication non pas strictement logique, mais subjective Poitou, 1994, p 10. Dans le cas du handicap mental, le sujet se rĂ©invente un monde oĂč lui-mĂȘme et les siens pourraient trouver une place. Il ne peut s'installer indĂ©finiment dans la souffrance ; il lui faut la combattre par des biais cognitifs apaisants et calmer sa rĂ©activitĂ© Ă la situation prĂ©sente. Il nous semble souvent, de l'extĂ©rieur, que les actions, les attitudes ou les comportements parentaux sont illogiques. Cependant, ils sont logiques pour eux d'un point de vue subjectif. Ils ne s'inscrivent pas dans une rĂ©alitĂ© sociale dĂ©connectĂ©e mais rĂ©inventent une autre rĂ©alitĂ© viable Ă leurs yeux. Ils sont subjectivement logiques mĂȘme si les acteurs parentaux sont abusĂ©s par leurs propres croyances. En croyant en ses propres convictions, l'acteur social se protĂšge de situations ou d'informations susceptibles d'augmenter la dissonance. Il prĂ©fĂšre Ă©viter tout Ă©tat qui pourrait engendrer une tension psychologique perçue dans les rapports sociaux et qui met mal Ă l'aise. Festinger assigne Ă la dissonance cognitive le statut d'une motivation, d'un drive, c'est-Ă -dire un Ă©tat de tension qui suscite des rĂ©actions orientĂ©es d'approche et d'Ă©vitement, jusqu'Ă disparition de la tension ... La dissonance est une source d'activitĂ© orientĂ©e vers la rĂ©duction de la dissonance, tout comme la faim provoque des rĂ©actions orientĂ©es vers sa propre rĂ©duction Ibid., p 11. Nous percevons bien que l'enjeu pour les acteurs parentaux est de pouvoir surmonter, Ă chaque instant, les bouleversements qu'apporte l'enfant handicapĂ© Ă la vie quotidienne. Une forme de rĂ©duction de la dissonance, dans ce cas, est de parvenir Ă l'acceptation d'avoir mis au monde un enfant diffĂ©rent. Cette acceptation semble impossible puisque tout, dans la vie de tous les jours, renvoie aux incapacitĂ©s de l'enfant. Le mieux encore est de se forger de bonnes raisons pour surmonter une situation indĂ©passable. Il nous semble pourtant qu'il existe une vie possible car l'acteur social dĂ©tient des ressources insoupçonnĂ©es pour faire comme si de rien n'Ă©tait ». 5. Le handicap, objet du secret parental. Nous considĂ©rons la famille de l'enfant handicapĂ© mental comme garante d'un secret afin de prĂ©server son intĂ©gritĂ©. Elle cache quelque chose qu'elle ne veut pas dĂ©voiler Ă la sociĂ©tĂ© de peur d'ĂȘtre discrĂ©ditĂ©e. Pour Georg SIMMEL, le secret offre en quelque sorte la possibilitĂ© d'un autre monde Ă cĂŽtĂ© du monde visible, et celui-ci est trĂšs fortement influencĂ© par celui-là » Simmel, 1996, p 40. Tout le temps que le handicapĂ© n'apparaĂźt pas au grand jour aux cĂŽtĂ©s de ses parents, ces derniers sont prĂ©servĂ©s de la contamination sociale Goffman, 1968. Le handicap a un fort pouvoir de contamination les personnes normales vivant avec lui seraient susceptibles d'en attraper les stigmates, d'ĂȘtre moralement atteintes et suspectĂ©es dans leur intĂ©gritĂ©. Il faut pour les parents se cacher, autant que faire se peut, ce qui est ressenti comme un danger pour la sociĂ©tĂ©. Les acteurs parentaux apprennent Ă tricher avec les apparences dans les relations de rĂ©ciprocitĂ© avec autrui. Savoir Ă qui l'on a Ă faire, telle est la condition premiĂšre pour avoir Ă faire Ă quelqu'un ; l'usage de se prĂ©senter l'un Ă l'autre, lors d'une conversation prolongĂ©e ou d'une rencontre sur le mĂȘme terrain social symbolise bien cette connaissance rĂ©ciproque qui est l'a priori de cette relation Simmel, 1999, p 9. Dans la rencontre immĂ©diate, les acteurs sociaux ne posent pas comme a priori que l'un ou l'autre fait partie d'un monde hors-norme. Il se situe bien sur le mĂȘme terrain social, ce que s'efforcent de faire croire les parents de l'enfant handicapĂ© mental. Ils essaient d'ĂȘtre au plus prĂšs de la reprĂ©sentation que chacun se fait d'une personne normale et cachent leur dĂ©sordre intĂ©rieur. La personnalitĂ© est composĂ©e de facettes qui sont relativement autonomes et qui peuvent prendre momentanĂ©ment le contrĂŽle de la personne » Moessinger, 1996, p 91. Les parents montrent une personnalitĂ© cohĂ©rente, la part du handicap qui est en eux ne doit pas Ă©merger dans les relations. Cette facette de pĂšre ou de mĂšre d'un enfant diffĂ©rent ne peut ĂȘtre dĂ©voilĂ©e au risque que l'individu soit considĂ©rĂ© uniquement qu'Ă travers elle. Il est tout Ă fait lĂ©gitime que l'idĂ©e que l'on se fait d'un individu varie selon le point de vue Ă partir duquel on la forme, et qui est donnĂ© par la relation globale du sujet connaissant Ă celui qu'il connaĂźt ... NĂ©anmoins, on construit une unitĂ© de la personne Ă partir des fragments qui seuls nous permettent d'avoir accĂšs Ă l'autre cette unitĂ© dĂ©pend donc de la partie de lui que notre point de vue nous permet d'apercevoir Simmel, 1996, p 9. L'enjeu pour les acteurs parentaux est de ne pas ĂȘtre trahis et de ne pas se trahir ; ils jouent un jeu de dupe vis-Ă -vis d'autrui. Ce jeu est possible tout le temps que le handicap, objet du discrĂ©dit, reste dans l'ombre du couple. Nous allons aborder dĂ©sormais les diffĂ©rentes techniques de dĂ©fense lorsque le secret du handicap est dĂ©voilĂ© au grand jour. Les parents ne cherchent pas systĂ©matiquement Ă cacher leur enfant comme on cacherait une faute. Ils ressentent le regard honteux des autres sur leur enfant et c'est bien souvent pour cette raison qu'ils veulent cacher » l'enfant. Cette dissimulation est une protection contre le mal que l'on pourrait faire Ă leur progĂ©niture. VIII. LES TECHNIQUES DE PROTECTION » PARENTALES Au sein de la famille s'est installĂ© un Ă©lĂ©ment perturbateur s'ingĂ©niant Ă dĂ©truire les relations des uns avec les autres nous avons constatĂ© que le handicap remettait en cause le fondement mĂȘme de l'ĂȘtre. Quand le handicap survient, les individus sont perdus et ne savent plus Ă qui s'en remettre. Nous avons dĂ©crit les perturbations qu'il provoque dans la vie domestique et comment il malmĂšne l'intime en dĂ©chirant les identitĂ©s antĂ©rieures. 1. Truquer les relations sociales. Les parents doivent parer aux troubles dans les relations publiques. Le concept de figure » proposĂ© par GOFFMAN va nous permettre de lire comment on peut parvenir Ă vivre Ă l'extĂ©rieur malgrĂ© les fissures intĂ©rieures. Les parents de l'enfant handicapĂ© mental font comme si » de rien n'Ă©tait. Ils jouent un jeu de dupe au dĂ©pend de leur entourage. Ce jeu trouve sa raison d'ĂȘtre dans le fait que les acteurs parentaux ne souhaitent pas perdre la face » devant leur interlocuteur. Le sociologue dĂ©finit la face ainsi On peut dĂ©finir le terme de face comme Ă©tant la valeur positive qu'une personne revendique effectivement Ă travers la ligne d'action que les autres supposent qu'elle a adoptĂ© au cours d'un contact particulier. La face est une image du moi dĂ©livrĂ©e selon certains attributs sociaux approuvĂ©s, et nĂ©anmoins partageables, puisque, par exemple, on peut donner une bonne image de sa profession ou de sa confession en donnant une bonne image de soi Goffman, 1974, p 9. Les parents cachent quelque chose qui peut les discrĂ©diter. Le handicap, lorsqu'il n'est pas prĂ©sent dans la relation Ă autrui est une diffĂ©rence invisible » Goffman, 1975. Les individus peuvent faire semblant d'ĂȘtre pareils aux autres membres de la sociĂ©tĂ© et calquer les reprĂ©sentations que les autres attendent d'eux. Ils peuvent compter sur leur propre discrĂ©tion » Goffman, 1975. Les acteurs parentaux prennent donc toujours le risque, quand ils s'engagent dans une relation, d'ĂȘtre trahis ou dĂ©masquĂ©s. Lorsque leur enfant n'est pas prĂ©sent Ă leur cĂŽtĂ©, il leur est possible de garder la face » ; ils ne sont pas les victimes d'un objet social stigmatisĂ© et peuvent se prĂ©server de sa contamination. Ils gardent une certaine assurance » dĂ©finie comme une attitude Ă supprimer et Ă dissimuler toute tendance Ă baisser la tĂȘte lors des rencontres avec les autres » Goffman, 1974, p 12. Comment un individu peut-il parvenir Ă assumer un rĂŽle dont il n'existe pas de rĂ©pertoire ? Les parents de l'enfant handicapĂ© mental se montrent sur la scĂšne publique en dissimulant la facette de leur personnalitĂ© la plus discrĂ©ditable ». Au sujet du discrĂ©ditable, le problĂšme n'est plus tant de savoir manier la tension qu'engendre les rapports sociaux que de savoir manipuler de l'information concernant une dĂ©ficience » Goffman, 1975. Les parents du handicapĂ© font tellement corps Ă corps avec leur enfant qu'ils en imprĂšgnent leur comportement dans les situations de vis-Ă -vis. Le handicap est intĂ©grĂ© Ă leur identitĂ© sociale rĂ©elle » et dictent leur maniĂšre de rĂ©agir dans les rencontres. Ils peuvent ne pas transmettent certaines informations dĂ©libĂ©rĂ©ment au sujet de leur progĂ©niture mais les parents ne cherchent pas systĂ©matiquement Ă mentir, Ă tricher dans le but de tromper autrui sur soi. La simulation de la normalitĂ© leur permet justement d'ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme tel. Goffman donne ce point de vue sur le mensonge On parle de mensonge patent, flagrant, ou cynique lorsqu'on peut avoir la preuve indiscutable que son auteur l'a profĂ©rĂ© volontairement, avec la conscience de mentir ... Non seulement les personnes prises en flagrant dĂ©lit de mensonge perdent la face pour la durĂ©e de l'interaction, mais encore leur façade peut en ĂȘtre ruinĂ©e, car beaucoup de publics estiment que, si quelqu'un se permet de mentir une seule fois, on ne doit plus jamais lui faire pleinement confiance Goffman, 1973, p 61. Nous rappelons ici que la façade, pour GOFFMAN, est un appareillage symbolique, utilisĂ© habituellement par l'acteur au cours sa reprĂ©sentation. L'acteur social, dans la perspective du handicap mental, ment plus Ă lui-mĂȘme qu'aux autres. Il n'est pas cynique si ce n'est face Ă lui-mĂȘme. Il faut bien mentir pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme ses pairs. Le handicap fait peur et fait fuir mĂȘme ceux qui parfois sont dans la confidence. Les parents sont isolĂ©s Ă cause d'une faute dont ils ne sont pas responsables. Ils sont accusĂ©s Ă tort d'un crime qui n'en est pas un. Leur faute est d'avoir enfantĂ© d'un monstre » qui, en fin de compte, n'est qu'un individu vivant sans se rĂ©fĂ©rer strictement aux normes sociales Ă©tablies. C'est un ĂȘtre anomal » questionnant les rĂšgles sociales. Nous comprenons que les parents aient envie de mentir Ă la sociĂ©tĂ© puisqu'ils sont punissables de mort sociale » si l'on dĂ©couvre l'infĂąme en eux. La mort sociale est dĂ©finie par THOMAS ainsi On peut estimer qu'il y a mort sociale avec ou sans mort biologique effective chaque fois qu'une personne n'appartient plus Ă un groupe donnĂ©, soit qu'il y ait limite d'Ăąge et perte de fonction defunctus et dĂ©funt apparentĂ©s, soit qu'on assiste Ă des actes de dĂ©gradations, proscription, bannissement, soit enfin que nous soyons en prĂ©sence d'un processus d'abolition du souvenir disparition sans traces, au moins au niveau de la conscience, peu importe Thomas, 1975, p 45. C'est bien lĂ qu'est l'enjeu des parents de l'enfant handicapĂ© ne pas ĂȘtre rejetĂ© de la sociĂ©tĂ©, ne pas ĂȘtre des exilĂ©s expulsĂ©s aux marges sociĂ©tales. La situation d'exil volontaire ou non suppose en quelque sorte une mort sociale ; il existe une autre sorte d'exil, encore plus cruel, celui dĂ» Ă l'exclusion ». Pour Ă©viter l'exil », le meilleur moyen est encore de nier aux autres l'objet du dĂ©lit, de le garder secret La nature profonde de tout mensonge, aussi concret que soit son objet, est de faire naĂźtre l'erreur sur le sujet qui ment car il consiste, pour le menteur, Ă cacher Ă l'autre la reprĂ©sentation vraie qu'il possĂšde. Que la victime du menteur ait une reprĂ©sentation fausse de la chose, ce n'est pas lĂ ce qui Ă©puise la nature spĂ©cifique du mensonge - il partage l'erreur c'est bien plutĂŽt le fait qu'elle est maintenue dans l'erreur sur ce que la personne qui ment pense dans son for intĂ©rieur Simmel, 1996, p 15. Les parents ne mentent pas pour tromper l'autre, ils cachent la vĂ©ritĂ© afin de se prĂ©server une place estimable et non dĂ©valorisĂ©e d'eux-mĂȘmes. Plus que le rejet, ils craignent la compassion, l'indiffĂ©rence, d'ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme Ă©trangers Ă leur propre sociĂ©tĂ© et ne plus ĂȘtre reconnus. Un dĂ©tour vers l'anthropologie peut ĂȘtre utile pour comprendre la peur d'ĂȘtre assimilĂ© Ă l'Ă©trange Ă©tranger. Franco LA CECLA, anthropologue italien, pose la question de l'Ă©tranger et en donne cette interprĂ©tation Mais qui est l'Ă©tranger ? C'est celui qui n'entre pas dans les diffĂ©rences consenties Ă l'intĂ©rieur d'une culture. Il est hors contexte. L'Ă©tranger est celui qui bĂ©nĂ©ficie de l'indiffĂ©rence, Ă moins d'en ĂȘtre victime ... Se contenter de l'indiffĂ©rence vis-Ă -vis de l'Ă©tranger signifie le traiter comme quelqu'un qui a droit Ă ĂȘtre ici », qui a droit Ă un nous » contigu mais diffĂ©rent de notre nous » ... L'Ă©tranger peut rester dans cette zone d'indiffĂ©rence, dans ce vide sans haine ni amour. Un vĂ©ritable vide La Cecla, 2002, p 93-95. Pour les parents le rejet aux marges de la sociĂ©tĂ© n'est pas valable car ils ne peuvent admettre que leur enfant en serait la raison. Leur souhait serait que l'unitĂ© familiale soit acceptĂ©e par le nous » de la communautĂ©. Ils ne veulent pas uniquement ĂȘtre cataloguĂ©s comme faisant partie d'un nous » autre, construit autour du handicap, tolĂ©rĂ© mais dĂ©niĂ©. Don D. JACKSON cite LAING lorsqu'il Ă©voque le dĂ©nie Aucun chĂątiment plus diabolique ne saurait ĂȘtre imaginĂ©, s'il Ă©tait physiquement possible, que d'ĂȘtre physiquement lĂąchĂ© dans la sociĂ©tĂ© et de demeurer totalement inaperçu de tous les membres qui la composent. Et il ajoute qu' il ne fait guĂšre de doute qu'une telle situation conduirait Ă cette perte du moi » qui n'est qu'un autre nom de l'aliĂ©nation » Jackson, 1972, p 85. Pour Ă©viter cette aliĂ©nation, certains usent d'Ă©vitement afin de ne pas ĂȘtre dĂ©masquĂ©s, se dĂ©tournent des sujets conversationnels dĂ©plaisants. L'Ă©vitement est le plus sĂ»r moyen de prĂ©venir le danger et d'Ă©viter les rencontres oĂč il risque de se manifester » Goffman, 1974. Les acteurs parentaux, hors du handicap de leur enfant, ont une place sociale assignĂ©e dans la sociĂ©tĂ©. Ils sont des citoyens Ă part entiĂšre accĂ©dant aux mĂȘmes droits que les autres. Ils prĂ©fĂšrent donc Ă©viter de parler de choses qui fĂąchent » et de devoir justifier l'existence de leur enfant. Ces non-dits » sont proches du sentiment de honte dĂ©crit par le sociologue Vincent DE GAULEJAC La honte s'installe parce qu'elle est indicible. Elle est indicible parce qu'en parler conduirait Ă mettre Ă jour des choses inavouables et au risque d'ĂȘtre soi-mĂȘme dĂ©savouĂ©. Le sujet est partagĂ© entre le besoin de dire ce qu'il Ă©prouve, d'exprimer ce qu'il ressent, et la crainte d'ĂȘtre dĂ©jugĂ© De Gaulejac, 1996, p 67. Il est difficile pour les parents d'adopter une ligne de conduite pouvant les mettre en phase avec la situation du handicap et se montrer cohĂ©rents dans les rencontres de la vie quotidienne. L'individu tend Ă extĂ©rioriser ce qu'on nomme parfois une ligne de conduite, c'est-Ă -dire un canevas d'actes verbaux et non verbaux qui lui sert Ă exprimer son point de vue sur la situation, et, par-lĂ , l'apprĂ©ciation qu'il porte sur les participants, et en particulier sur lui-mĂȘme Goffman, 1974, p 9. Pour les acteurs parentaux, donner leur point de vue sur le handicap, c'est donner leur point de vue sur eux-mĂȘmes. Comment donner un avis sans se dĂ©juger dĂšs qu'il est Ă©mis, dire tout et son contraire ? Le malentendu est sous-jacent aux relations entre normaux et les personnes susceptibles d'ĂȘtre discrĂ©ditĂ©es par le handicap. Les acteurs sociaux ne se comprennent pas, ils n'ont pas la mĂȘme perception des choses. Les parents savent, les autres sont des ĂȘtres qui ne peuvent comprendre. Il est difficile de s'entendre sur un sujet enrobĂ© de non-dits ; on entend peu parler du handicap dans les conversations. Quand il apparaĂźt au dĂ©tour d'une remarque, quand il se montre en sociĂ©tĂ©, il crĂ©e un malentendu car il est souvent mĂ©connu. Nous allons essayer de comprendre le mĂ©canisme du malentendu souvent inhĂ©rent aux relations mixtes entre normaux et stigmatisĂ©s. 2. Le malentendu. Le philosophe JANKĂLĂVITCH signifie que le malentendu n'est pas simplement de l'escroquerie il institue entre les hommes un certain ordre provisoire qui, s'il ne remplace pas l'entente translucide et sans arriĂšre-pensĂ©e, vaut pourtant mieux que la discorde ouverte » JankĂ©lĂ©vitch, 1998, p 263. Nous rejoignons dans cette citation les faux-semblant » qu'Ă©voque GOFFMAN. Dans les relations mixtes », le malentendu est une condition nĂ©cessaire Ă l'Ă©dification de la relation, il en est le socle mĂȘme. Il institue cet ordre provisoire » sans lequel la rencontre et sa pĂ©rennitĂ© dans le temps ou l'instant ne serait pas possible. Ce sens donnĂ© au malentendu est repris par Franco LA CECLA, dont nous avons parlĂ© plus haut Le malentendu n'est plus un tracas mais bel et bien une chance. C'est une chance puisqu'il crĂ©e un ordre dans les rapports. Puisque nous devons ĂȘtre compris tous, vive le malentendu qui aide Ă faire des distinguos et Ă maintenir chaque relation Ă un niveau dont l'intensitĂ© dĂ©pendra un peu plus de nous La Cecla, 2002, p 30. Le malentendu est bien une arme dont les acteurs parentaux peuvent se munir afin de se dĂ©fendre, d'en savoir un peu plus sur ce que les gens pensent d'eux. Le terme de malentendu nous rapproche de l'Ă©coute, de l'ouĂŻe. Il me semble que j'ai mal entendu ce que vous venez de dire ? » ; cette forme de question appelle Ă une redondance dont le projet est de faire prĂ©ciser Ă l'interlocuteur le fond de sa pensĂ©e. Il permet de façon dĂ©tournĂ©e de savoir ce que l'autre pense de soi. Le malentendu renvoie le provocateur indĂ©licat Ă sa propre indĂ©licatesse et lui fait perdre la face ; de personnage sĂ»r de lui et courtois, il devient un mufle bien involontairement. Sauvons donc les apparences, tout en sachant que sous le malentendu se cache l'ambiguĂŻtĂ© qui fait mal, l'ambiguĂŻtĂ© qui fait que les individus ne se comprennent pas et qu'il est toujours possible d'en profiter - pour prendre, se prendre et se faire prendre en dĂ©rision La Cecla, 2002, p 20. Le malentendu est ce qui fait que, pour une fois, les parents de l'enfant handicapĂ© mental sont en position de force. Comment ne pas se perdre dans de plates excuses lorsqu'on est Ă l'origine de la gaffe et que l'on dĂ©voile ses sentiments cachĂ©s ? Il ne reste qu'Ă faire amende honorable pour rĂ©parer la piĂštre figure » que l'on donne de soi. On peut dire d'une personne qu'elle fait piĂštre figure lorsqu'elle prend part Ă une rencontre sans disposer d'une ligne d'action telle qu'on l'attendrait dans une situation de cette sorte ... Dans tel cas, il est frĂ©quent que cette personne se sente honteuse et humiliĂ©e, Ă cause de ce qui est arrivĂ© par sa faute Ă la situation et Ă cause de ce qui risque d'arriver Ă sa rĂ©putation de participant Goffman, 1974, p 11-12. A la dĂ©charge du gaffeur, nous pouvons dire qu'il ne connaĂźt pas le secret de l'autre. Il ignore ce qui pourrait blesser autrui dans sa chair ; il a parlĂ© sans rĂ©flĂ©chir. Le malentendu est une ignorance » situĂ©e au niveau de la relation elle-mĂȘme, un non-savoir de la relation », un non- savoir rĂ©ciproque » Quand je dis qu'il y a malentendu, je veux dire que par rapport Ă une juste interprĂ©tation » quelqu'un a dĂ©viĂ©, par manque d'attention ou de volontĂ©, par obstructionnisme ou stupiditĂ© ... Car le malentendu est le piĂšge qui peut arriver, sans que toi ni moi ne le voulions » La Cecla, 2002, p 13. Le handicap est par dĂ©finition un objet de malentendu. Il invite les protagonistes Ă se perdre en explications entre celui qui connaĂźt et celui qui ignore. Dans le cas du dĂ©voilement impromptu du handicap, les parents sentent que l'interlocuteur est mal Ă l'aise. Le gaffeur est provoquant de part sa maladresse, mais il n'a pas cherchĂ© Ă blesser ; il est l'auteur d'une blessure d'amour-propre dont il aurait prĂ©fĂ©rĂ© faire l'Ă©conomie. Le malentendu est certainement une forme d'Ă©chec, mais dans la mesure oĂč il est Ă©vĂ©nement » survenant Ă l'improviste, il manifeste quelque chose qui nous redonne conscience de l' expĂ©rience de l'autre » Ă l'Ă©tat pur » Ibid., p 29. Dans ce cas, il peut mettre Ă jour toute la difficultĂ© d'exister de l'autre, difficultĂ© dont nous n'avions rien perçu. Le malentendu fait exprimer ce qui se voulait ĂȘtre enfoui dans la relation, il ouvre Ă la dĂ©couverte de l'autre dans tout son altĂ©ritĂ©. Le malentendu offre la possibilitĂ© de la rencontre et disons qu'il allĂšge ce qui parfois n'est guĂšre supportable. Tout en n'Ă©tant qu'un presque rien » il est le commun dĂ©nominateur minimal de toute rencontre, le minimum indispensable Ă la sociabilitĂ© Ibid., p 30. Les parents cherchent nĂ©anmoins Ă duper l'autre, lorsque le handicapĂ© n'est pas prĂ©sent Ă leur cĂŽtĂ©, afin de garder une certaine dignitĂ© dans la relation. Le jeu de dupe est certainement plus difficile Ă jouer lorsque l'enfant, objet du secret, est prĂ©sent auprĂšs d'eux dans les interrelations. Pour le moment, nous nous attachons Ă comprendre quels mĂ©canismes mentaux ils s'inventent pour mentir Ă la sociĂ©tĂ© et influencer sur elle. Notre position est de dire que les acteurs parentaux ont la possibilitĂ© d'exercer des actions afin de pouvoir vivre de maniĂšre commune. Mentent-ils vraiment ? Mentent-ils pour survivre ? Ils mentent sĂ»rement pour sauver les apparences, mais qu'est-ce que ce mensonge ? Pour JANKĂLĂVITCH, que le mensonge soit bĂ©nin ou grave ne change rien Ă son importance, car la grande affaire n'est pas le volume de mensonge, mais l'intention mĂȘme de mentir » JankĂ©lĂ©vitch, 1998, p 217. Si les parents mentent, c'est pour l'intĂ©rĂȘt de se prĂ©server ; leur instinct de survie sociale les pousse Ă se murer pour se protĂ©ger. Il n'y a pas de meilleur rempart contre l'adversitĂ© dans la relation sociale que d'ĂȘtre l'artisan de tromperie. L'autre doit ĂȘtre dupĂ© pour ĂȘtre pris dans le jeu des apparences. Seule l'apparence sociale compte pour les parents afin de garder l'estime des leurs Il existe aussi le cas des whites lies, les pieux mensonges on peut duper quelqu'un parce qu'Ă un moment donnĂ© la relation est considĂ©rĂ©e plus importante que la sincĂ©ritĂ©. Ce qui est en jeu entre deux personnes est-il toujours la vĂ©ritĂ©, ou bien existe-t-il une vĂ©ritĂ© de la relation qui est plus importante que la vĂ©ritĂ© La Cecla, 2002, p 24. Les parents cherchent Ă dissimuler le handicap de leur enfant. Ils ont peur de perdre le respect des autres, peur de ne plus ĂȘtre dignes dans les relations mixtes et perdre toute crĂ©dibilitĂ©. Il faut mentir pour cacher quelque chose que l'on juge, malgrĂ© soi, honteux. Cet objet honteux, le handicap, contamine la dignitĂ© des parents. Il est cette chose dont on ne veut parler ; c'est l'Ă©lĂ©ment qui fait tache dans l'environnement. Il faudra dĂ©sormais sans cesse justifier l'existence de son enfant affublĂ© d'un handicap comme s'il Ă©tait atteint d'une maladie. L'une des solutions est de ne pas l'avouer ou de feindre l'insouciance dans cette situation difficile. Il faut mettre le handicap, source de la honte, sous une couverture, le dĂ©tacher de l'enfant et le mettre de cĂŽtĂ©. 3. Le handicap, objet de honte. Le sentiment de honte s'installe lorsque l'identitĂ© profonde de l'individu est altĂ©rĂ©e ... Les repĂšres habituels qui permettent de se situer par rapport aux autres et Ă soi-mĂȘme sont fragilisĂ©s ou dĂ©truits. Dans tous les cas, l'estime de soi est remise en question par la mĂ©sestime des autres. Le sujet est dĂ©chirĂ© par des tensions contradictoires entre la tentative pour sauvegarder son unitĂ© et l'impossibilitĂ© d'y parvenir sans rejeter une part de lui-mĂȘme. Il est confrontĂ© Ă une dĂ©nĂ©gation de ce qui constitue tout ou partie de son ĂȘtre profond. Ce dĂ©chirement produit une conflagration psychique. La cohĂ©rence qui fonde les jugements de valeur est prise en dĂ©faut De Gaulejac, 1996, p 129. Le sociologue Vincent DE GAULEJAC s'interroge sur ce qui fait honte, sur ce qui fait que l'on se sent honteux dans une relation sociale. L'objet de honte n'est pas interne aux acteurs parentaux ; nous pouvons dire qu'ils sont honteux devant leur enfant handicapĂ© mais qu'ils ont Ă©galement honte du sentiment de honte des autres Ă son Ă©gard. Les parents sont tiraillĂ©s entre deux sentiments, celui de comprendre ce qu'autrui peut ressentir face au handicapĂ© mais ne peuvent l'admettre comme tel. Ils ne peuvent avouer avoir honte de leur enfant, ils auraient plutĂŽt honte d'eux-mĂȘmes s'ils le reconnaissaient comme trop diffĂ©rent des autres. Leurs valeurs face Ă l'altĂ©ritĂ© sont mises Ă mal ce qu'ils redoutaient hier et dĂ©sormais prĂ©sent dans leur environnement. Ils ont Ă chasser leur a priori est doivent combattre pour la reconnaissance de leur enfant et pour la leur en tant que parents diffĂ©rents. Leur crainte est bien de ne pas trouver de place sociale dans l'univers de la normalitĂ©. Cette crainte est objet de souffrance et d'inquiĂ©tude La souffrance sociale naĂźt lorsque le dĂ©sir du sujet ne peut plus se rĂ©aliser socialement, lorsque l'individu ne peut pas ĂȘtre ce qu'il voudrait ĂȘtre. C'est le cas lorsqu'il est contraint d'occuper une place sociale qui l'invalide, le disqualifie, l'instrumentalise ou le dĂ©considĂšre De Gaulejac, 1996, p 131. Le handicapĂ© mental est mis au ban de la sociĂ©tĂ© de fait. La place qu'on lui assigne est inscrite dans les processus de prise en charge de l'Ă©ducation dite spĂ©ciale. Son Ă©tat est jugĂ© selon des critĂšres psychologiques et administratifs reposant sur des nomenclatures prĂ©cises. Le handicapĂ© est un objet social instrumentalisĂ© », d'ailleurs FOUCAULT Ă©voquait dĂ©jĂ cette hypothĂšse au sujet du fou. Pour DE GAULEJAC, le processus d'instrumentalisation consiste Ă dĂ©nier le fait d'ĂȘtre homme parmi les hommes, Ă refuser de le considĂ©rer comme un humain, Ă le traiter comme un objet, comme un outil dont on se sert que l'on prend quand on en a besoin et que l'on pose lorsqu'on ne s'en sert plus » Ibid., p 91 et il ajoute Lorsque autrui est instrumentalisĂ©, traitĂ© en objet et qu'on nie la possibilitĂ© qu'il ait une existence sociale au mĂȘme titre que chaque citoyen, on crĂ©e une situation de violence et d'exclusion Ibid., p 91. L'enfant handicapĂ© mental est mis Ă part, extĂ©riorisĂ© et objectivĂ© pour ĂȘtre traitĂ© socialement. Les parents peuvent se sentir dĂ©possĂ©dĂ©s de leur enfant, mais que faire quand les institutions du milieu ordinaire » ne peuvent rĂ©pondre Ă ses besoins particuliers ? Ils jugent certains modes d'accueil indignes pour leur enfant mĂȘme si dans leur for intĂ©rieur ils soupçonnent les difficultĂ©s que son handicap reprĂ©sente pour la sociĂ©tĂ©. Cette indignitĂ© est le reflet du rejet ressenti. Elle est un autre instrument pour retrouver sa dignitĂ© perdue La dignitĂ©, c'est la mobilisation du sujet pour ne pas sombrer, rĂ©sister Ă la souffrance et sauvegarder sa subjectivitĂ© malgrĂ© les difficultĂ©s qui le submergent. Ne pas trahir, ne pas se dĂ©juger, refuser la dĂ©pendance, ne rien devoir Ă personne » Ibid., p 136. Cette dignitĂ© leur permet de s'opposer Ă un monde oĂč tout semble dĂ©cidĂ© Ă leur place, oĂč tout est dĂ©terminĂ© dĂšs l'annonce du handicap de l'enfant. Le jeune handicapĂ© sera amenĂ© progressivement Ă cĂŽtoyer l'univers de l'anormalitĂ©, certains pourront s'amĂ©nager une vie dans la sociĂ©tĂ©, mais toujours ils porteront leur handicap comme un boulet. Lui, au bout du compte, Ă une place assignĂ©e, mĂȘme si elle est inscrite en marge des structures habituelles. Il n'en est pas de mĂȘme pour les parents Ă©tant amenĂ©s Ă s'identifier en tant que parents d'un enfant handicapĂ© mental. Pour Jean-Paul SARTRE, la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit ... Ainsi la honte est honte de soi devant autrui ; ces deux structures sont insĂ©parables » Sartre, 1984, p 266. Cependant il est difficile pour un ĂȘtre humain de n'ĂȘtre reconnu qu'au travers de son Ă©tat honteux ; la honte ne peut ĂȘtre le socle de toute une existence. Nous avons Ă©voquĂ© la carriĂšre des parents de l'enfant handicapĂ© mental qui dĂ©bute avec les premiers signes du handicap ; dans l'univers domestique, il y a le regard bienveillant qu'ils ont sur leur enfant. Ils porteront toujours en eux le handicap de leur enfant, ce handicap qui a altĂ©rĂ© leur identitĂ© premiĂšre. Il leur faut ĂȘtre reconnus par autrui malgrĂ© la blessure. Le philosophe nous dit que c'est autrui, dans la maniĂšre dont il nous regarde, qui nous donne conscience d'exister Il suffit qu'autrui me regarde pour que je sois ce que je suis. Non pour moi-mĂȘme, certes je ne parviendrai jamais Ă rĂ©aliser cet ĂȘtre-assis que je saisis dans le regard d'autrui, je demeurerai toujours conscience ; mais, pour l'autre Ibid., p 308. Pour les parents, le regard de l'autre est blessant lorsqu'ils sont en prĂ©sence de leur enfant. Il est Ă©galement blessant pour eux mĂȘme si l'enfant n'est pas Ă leurs cĂŽtĂ©s, lorsqu'ils pensent qu'autrui sait ou lorsqu'ils savent qu'il le sait dans ce cas, nous pouvons dire qu'ils ont honte de la honte de l'autre. Autrui est le mĂ©diateur indispensable entre moi et moi-mĂȘme j'ai honte de moi tel que j'apparais Ă autrui. Et, par l'apparition mĂȘme d'autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-mĂȘme comme un objet, car c'est comme objet que j'apparais Ă autrui » Ibid., p 266. En se mettant Ă la place de leur interlocuteur, ils prĂ©supposent que celui-ci se sent mal Ă l'aise et gĂȘnĂ©. Ce n'est pas toujours le cas, mais comment pourrait-il en ĂȘtre autrement pour les parents qui savent, par expĂ©rience, que leur enfant rebute plus qu'il n'attire ? Dans les contacts mixtes, les deux parties sont mal Ă l'aise, on feint d'ignorer le handicap et l'on feint d'en ĂȘtre la victime La honte isole, elle n'invite pas au partage. Elle pousse au contraire Ă se distinguer de ceux qui portent la marque de l'Ă©chec, Ă les rejeter. Mais si elle ne peut ĂȘtre partagĂ©e, elle est particuliĂšrement contagieuse. Le spectacle de la honte rend honteux, ce qui suscite immĂ©diatement une rĂ©action de dĂ©fense vis-Ă -vis du porteur de la honte De Gaulejac, 1996, p 289. Les parents ressentent sur eux ce regard biaisĂ© chargĂ© d'interrogation, ce regard curieux qui peut dissimuler une fausse naĂŻvetĂ© ou mĂȘme une jouissance secrĂšte face Ă la misĂšre de l'autre » Ibid., p 287. Il y a ce regard pathĂ©tique qui exprime les perturbations de l'Ăąme, le malaise profond Ă©prouvĂ© face au spectacle d'un autre soi-mĂȘme dĂ©chu » Ibid., p 288. La prĂ©sence du handicap peut gĂȘner ; autrui prĂ©fĂšre l'Ă©viter du regard ce regard distanciĂ© exprime plus un refus, un parti pris clair et sans menace de rejet ... L'individu rĂ©agit Ă la mise Ă l'Ă©cart de ce qui gĂȘne » Ibid., p 287. Le sentiment de compassion est souvent latent ou exprimĂ© dans les relations mixtes La compassion se heurte bien vite au dĂ©sir de mise Ă distance, au rĂ©flexe de rejet face Ă un autre soi-mĂȘme qui reprĂ©senta justement tout ce que l'on ne veut pas devenir. Cet autrui » me fait honte, l'image de moi-mĂȘme qu'il me renvoie est insupportable. On comprend, dans ces conditions, que certains ne veuillent pas le voir, le mĂ©prise ou le rejette Ibid., p 288. Toutes ces pratiques sociales implicites, transmises par le regard et les sentiments vis-Ă -vis des parents de l'enfant handicapĂ© mental, font que ceux-ci vont mettre en place des mĂ©canismes tout aussi implicites de dĂ©fense de soi. Ils en seront d'autant plus efficaces. Nous avons vu que la pratique du secret participe Ă cette dĂ©fense, il en est de mĂȘme du mensonge ou de la duperie. Mais qu'en est-il de ce dĂ©sir de vouloir travestir la rĂ©alitĂ© pour se crĂ©er une propre rĂ©alitĂ© acceptable oĂč honte et mĂ©pris n'aurait plus d'emprise ? Qu'en est-il de ces mensonges merveilleux dont JankĂ©lĂ©vitch parle dans son exposĂ© sur le malentendu ? Nous n'empĂȘcherons jamais les hommes, quoiqu'il arrive, de prendre leurs voeux pour la rĂ©alitĂ©, de bondir en imagination par-dessus l'abĂźme ontologique qui sĂ©pare le notionnel et l'existence, le possible et l'Ă©vĂ©nement ... Ils complĂštent le mĂ©diocre, la prosaĂŻque rĂ©alitĂ©, ils jettent au-dessus du temps la passerelle des mensonges merveilleux JankĂ©lĂ©vitch, 1998, p 244. Ce merveilleux mensonge que l'on peut se faire Ă soi-mĂȘme pour rendre son existence toute somme normale alors que tout pousse Ă croire qu'il n'en est rien, ce merveilleux mensonge n'est pas diffĂ©rent de la mauvaise foi sartrienne. 4. Les conduites de mauvaise foi. La mauvaise foi, dans l'appareillage de dĂ©fense cognitif des acteurs parentaux, jette un pont entre l'intĂ©rioritĂ© de l'individu, traduite dans ses sentiments, et son extĂ©rioritĂ©, traduite dans ses conduites et ses comportements. Les rĂ©actions Ă©motionnelles internes sont dĂ©pendantes du contexte dans lequel se situe l'interaction. Nous avons dĂ©veloppĂ© jusqu'alors les capacitĂ©s de l'individu Ă jouer avec les autres dans les interrelations ; les conduites de mauvaise foi permettent Ă la fois de tromper l'autre tout en se persuadant d'ĂȘtre de bonne foi. Les parents ne mentent pas systĂ©matiquement, ils sont parfois sincĂšres dans les propos qu'ils tiennent sur leur enfant. Ils sont le jouet de leurs propres fausses » certitudes ; ils se dupent autant qu'ils dupent les autres. Ce jeu rĂ©ciproque de la duperie oĂč le dupeur peut ĂȘtre dupĂ© est nĂ©cessaire Ă l'Ă©dification de relations entre normaux et stigmatisĂ©. C'est un malentendu inavouĂ©. Jean-Paul SARTRE dĂ©finit la mauvaise foi de la sorte dans son ouvrage " L'ĂȘtre et le nĂ©ant " On dit indiffĂ©remment d'une personne qu'elle fait preuve de mauvaise foi ou qu'elle se ment Ă elle-mĂȘme. Nous acceptons volontiers que la mauvaise foi soit mensonge Ă soi, Ă condition de distinguer immĂ©diatement le mensonge Ă soi du mensonge tout court ... L'essence du mensonge implique, en effet, que le menteur soit complĂštement au fait de la vĂ©ritĂ© qu'il dĂ©guise. On ne ment pas sur ce qu'on ignore, on ne ment pas lorsqu'on rĂ©pand une erreur dont on est soi-mĂȘme dupe, on ne ment pas lorsqu'on se trompe Sartre, 1984, p 83. La problĂ©matique des parents du handicapĂ© mental suppose qu'ils aient conscience du handicap de leur enfant lorsqu'ils mentent Ă son sujet. Ils le rejettent pour mieux accepter de vivre avec. Par contre, l'expression de leur mauvaise foi est basĂ©e sur le fait qu'ils ignorent ce qu'il adviendra dans l'avenir, mĂȘme tout proche. Effectivement, dans ce cas, mĂȘme s'ils reconnaissent le handicap, ils ne mentent pas Ă leur entourage. Ils se mentent surtout Ă eux-mĂȘmes, ils sont de mauvaise foi envers eux. La mauvaise foi est bien mensonge Ă soi. Certes, pour celui qui pratique la mauvaise foi, il s'agit bien de masquer une vĂ©ritĂ© dĂ©plaisante ou de prĂ©senter comme vĂ©ritĂ© une erreur plaisante. La mauvaise foi a donc en apparence la structure du mensonge. Seulement, ce qui change tout, c'est que dans la mauvaise foi, c'est Ă moi que je masque la vĂ©ritĂ© Ibid., p 85. Les conduites de mauvaise foi ne servent pas Ă tromper autrui mĂȘme si l'autre pense que l'acteur tient des propos peu cohĂ©rents pour lui travestir une vĂ©ritĂ©. Les acteurs parentaux doivent nier l'existence du handicap, cependant comme l'Ă©voque FREUD, la nĂ©gation est une maniĂšre de prendre connaissance du refoulĂ©, de fait dĂ©jĂ une suppression du refoulement, mais certes pas une acceptation du refoulĂ© » Freud, 1985, p 136. La nĂ©gation du handicap rĂ©active sa rĂ©alitĂ© ; c'est le cercle perplexe dans lequel sont emprisonnĂ©s les parents. L'issue est bien de se masquer cette rĂ©alitĂ© dĂ©plaisante, rejeter le handicap et bien plus douloureux que de l'accepter. Il vaut mieux se le cacher tout en sachant qu'il existe plutĂŽt que de nier sa prĂ©sence. Les parents doivent pouvoir enjoliver leur existence malgrĂ© cet Ă©lĂ©ment qui a fait intrusion dans leur vie. La mauvaise foi est ce mĂ©canisme qui va leur permettre d'inventer un avenir possible pour leur enfant. SARTRE nous dit que l'on peut vivre dans la mauvaise foi, ce qui ne veut pas dire qu'on n'ait de brusques rĂ©veils de cynisme ou de bonne foi, mais ce qui implique un style de vie constant et particulier » Sartre, 1984, p 85. L'existence aux cĂŽtĂ©s du handicap pousse les acteurs Ă s'installer dans un processus de mauvaise foi. Ils ont foi » en ce qu'ils croient et sont bien obligĂ©s de se persuader qu'ils ont raison de raisonner ainsi. Le vĂ©ritable problĂšme de la mauvaise foi vient Ă©videmment de ce que la mauvaise foi est foi » Ibid., p 104. Leur croyance en la restauration de leur enfant comme ĂȘtre » normal est de toute bonne foi mĂȘme s'ils ne sont pas toujours aussi naĂŻfs qu'ils pourraient le laisser croire. Nous avons vu au cours de ce chapitre, les techniques que les acteurs parentaux utilisent pour tromper autrui dans les interrelations ; ils sont capables d'invention, de truquer les Ă©changes pour tirer avantage des situations oĂč leur intĂ©gritĂ© pourrait ĂȘtre menacĂ©e. La mauvaise foi nous renvoie aux croyances des acteurs sociaux et de l'influence que le milieu peut avoir sur eux. Nous allons dĂ©sormais dĂ©crire, dans la partie suivante, les mĂ©canismes cognitifs qui s'installent dans l'esprit des acteurs parentaux. Qu'est-ce qui les amĂšnent Ă avoir foi et croire qu'un avenir est possible pour leur enfant handicapĂ© mental ? IX. LES CROYANCES PARENTALES EN UNE NORMALITĂ POSSIBLE DE LEUR ENFANT La rĂ©flexion menĂ©e jusqu'alors repose sur l'a priori que les parents d'enfants handicapĂ©s mentaux ressentiraient de façon similaire leurs rapports aux valeurs et Ă la sociĂ©tĂ©. Cette hypothĂšse reste Ă valider ou Ă rĂ©futer dans notre travail de recherche ultĂ©rieure. Cependant, nous proposons trois typologies parentales en fonction de la lisibilitĂ© du handicap par la sociĂ©tĂ©. 1. Les typologies parentales. La premiĂšre typologie proposĂ©e regroupe les familles dont l'enfant a un handicap qui se voit, la trisomie 21 en est un exemple. Le handicap est perçu par les parents, il est visible physiquement et admissible par la sociĂ©tĂ©. Ce handicap mental interpelle surtout les attitudes des uns par rapport aux autres, il dĂ©range plus par le questionnement sur soi qu'il pose que par sa prĂ©sence qui ne serait pas dĂ©sirĂ©e. L'annonce du handicap a pu ĂȘtre faite Ă la naissance. La seconde typologie proposĂ©e regroupe les familles dont le handicap peut ĂȘtre ou non perçu par les parents, il est visible physiquement et difficilement approuvĂ© par la sociĂ©tĂ©. Ce handicap n'est pas toujours annoncĂ© Ă la naissance mais suspectĂ© par les parents s'apercevant des difficultĂ©s de l'enfant Ă Ă©voluer normalement au fil du temps. L'aspect physique peu avenant enferme l'individu dans un registre revivifiant l'image du monstre. La troisiĂšme typologie Ă affaire avec les familles dont le handicap n'est pas vĂ©ritablement perçu par les parents, l'annonce n'est pas systĂ©matique et il n'est pas visible physiquement en sociĂ©tĂ©. La dĂ©couverte du handicap mental se fait progressivement. Les parents ne s'en doutent pas, n'osent penser que leur enfant est diffĂ©rent notamment dans les premiĂšres annĂ©es de l'enfance oĂč tout demeure possible. Nous pouvons Ă©mettre que l'acceptation du handicap sera en consĂ©quence difficile. Ces trois typologies sont singuliĂšres mais leur singularitĂ© se disperse vis-Ă -vis de certains points pour former ce que Max WEBER nomme un idĂ©altype On obtient un idĂ©altype en accentuant unilatĂ©ralement un ou plusieurs points de vue et en enchaĂźnant une multitude de phĂ©nomĂšnes donnĂ©s isolĂ©ment, diffus et discret, que l'on trouve tantĂŽt en grand nombre, tantĂŽt en petit nombre et par endroits pas du tout, qu'on ordonne selon les prĂ©cĂ©dents points de vue choisis unilatĂ©ralement, pour former un tableau de pensĂ©e homogĂšne Weber, 1995, p 172. Nous essaierons de dĂ©montrer qu'il existe bien une famille repĂ©rable de l'enfant handicapĂ© mental. Nous l'avons Ă©voquĂ© plus tĂŽt, il y a des attitudes et des comportements chez les acteurs parentaux qui diffĂšrent de la maniĂšre dont tout un chacun apprĂ©hende le monde. 2. Une construction idĂ©altypique » de la famille de l'enfant handicapĂ© mental. L'idĂ©altype weberien, comme le prĂ©cise le sociologue, est une utopie, un modĂšle mental qui doit nous permettre d'apprĂ©hender la rĂ©alitĂ©. Il serait un tableau idĂ©al afin de mesurer l'Ă©cart entre la rĂ©alitĂ© sociale et les membres catĂ©gorisĂ©s. C'est un instrument de mesure sociologique L'idĂ©altype est un tableau de pensĂ©e, il n'est pas la rĂ©alitĂ© historique ni surtout authentique », il sert encore moins de schĂ©ma dans lequel on pourrait ordonner la rĂ©alitĂ© Ă titre d'exemplaire. Il n'a d'autre signification que d'un concept limite idĂ©al, auquel on mesure la rĂ©alitĂ© pour clarifier le contenu empirique de certains de ses Ă©lĂ©ments importants, et avec lequel on la compare Weber, 1995, p 176. Nous allons Ă©noncer briĂšvement ce qui nous semble ĂȘtre les points de rapprochement des acteurs parentaux § La crainte de la sociĂ©tĂ© l'enfant est trop faible, aux yeux des parents, pour se dĂ©fendre, trop fragile psychologiquement. Les expĂ©riences vĂ©cues dans les rapports mixtes tendent Ă nous faire croire qu'une vie sociale normale » est improbable. Les parents doivent opter pour un enfermement sĂ©curitaire ou se rĂ©soudre Ă tendre le dos » lorsque l'enfant est seul Ă l'extĂ©rieur. § La surprotection une des stratĂ©gies de dĂ©fense apparaĂźt ĂȘtre la surprotection de l'enfant au sein du foyer comme Ă l'extĂ©rieur. Ils anticipent les propres peurs de leur enfant et pallient ainsi Ă ses situations d'Ă©chec. Ils souffrent de penser que leur enfant puisse souffrir. Les parents ne prennent pas le risque d'une possible intĂ©gration dans le milieu ordinaire privilĂ©giant un cadre rassurant. § L'adolescent handicapĂ© agresseur - agressĂ© l'agressivitĂ© de la sociĂ©tĂ© Ă l'Ă©gard de leur enfant est ressentie par les parents. Mais le handicapĂ© mental de part son imprĂ©visibilitĂ© est aussi un agresseur potentiel pour la sociĂ©tĂ©. § Le mythe du progrĂšs, l'espoir en un avenir possible ce point attire particuliĂšrement notre attention. Il sera Ă la base mĂȘme de notre future recherche. Nous le dĂ©veloppons donc un peu plus longuement que les prĂ©cĂ©dents bien entendu les trois prĂ©cĂ©dents types sont intimement imbriquĂ©s et difficilement sĂ©parables de celui-ci 3. Le mythe du progrĂšs. La situation d'incertitude. L'espoir des parents pour l'enfant ne peut ĂȘtre dĂ©tachĂ© de la situation d'incertitude dans laquelle ils prennent place. Le monde du handicap est bien caractĂ©risĂ© par l'incertitude face au lendemain car les parents sont incapables de se reprĂ©senter ce que sera la vie avec leur enfant dans un futur, mĂȘme proche. Cependant, s'inscrire dans une situation d'incertitude les autorise Ă croire que tout reste possible. L'incertitude, dans ce cas, renforce les espoirs dans la recherche de la normalitĂ©. Les acteurs parentaux font le choix de rester dans l'incertitude, attitude dĂ©crite ainsi par GĂ©rald BRONNER Contrairement Ă la situation de type I, oĂč l'incertitude ne pouvait ĂȘtre Ă©vitĂ©e, la situation de type II vĂ©hicule une incertitude qui, elle, peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e, Ă condition que l'individu soit prĂȘt Ă en accepter les coĂ»ts Ă©ventuels ... Nous aurons donc le choix entre accepter l'incertitude et en payer Ă©ventuellement les consĂ©quences et l'Ă©viter, ce qui occasionnera gĂ©nĂ©ralement un coĂ»t, certain ou incertain selon les cas Bronner, 1997, p 68-69. Il nous semble que les acteurs parentaux dĂ©sirent ne pas se mettre devant le fait accompli. Etre certain du handicap de l'enfant et l'entĂ©riner comme tel Ă©quivaudrait Ă se fermer les portes de la guĂ©rison ». Pour les parents, le handicap n'est pas reconnu comme tel ; il peut ĂȘtre rĂ©sorbĂ© et dĂ©truit comme toute maladie. Ils ne peuvent faire le deuil de l'enfant normal tout le temps qu'ils ne sont pas certains qu'il est Ă jamais perturbĂ©. L'incertitude chasse les ambiguĂŻtĂ©s ou tout du moins rend les incohĂ©rences encore acceptables. Nous rejoignons ici l'avis de Raymond BOUDON On sait qu'on ne connaĂźt pas la solution d'un problĂšme, mais on a tout de mĂȘme une idĂ©e de solutions possibles, bien qu'on ne soit pas en mesure de choisir entre elles par raison dĂ©monstrative ... Quand une ambiguĂŻtĂ© de ce type apparaĂźt, l'acteur social a souvent tendance, pour en sortir, Ă recourir Ă des croyances adventices. En d'autres termes, il choisit alors non pas la solution qui lui paraĂźt la plus fondĂ©e objectivement, mais celle qui, en raison de considĂ©rations variĂ©es, lui paraĂźt la plus dĂ©sirable Boudon, 1986, p 150. Pour les parents, de notre point de vue, la solution est d'Ă©viter toute solution et de ne pas reconnaĂźtre les indices qui inciteraient Ă penser que le handicap est effectif. Les parents se doutent de quelque chose mais ils ne veulent pas se l'avouer. La relativisation du handicap leur permet d'Ă©pouser une logique de progrĂšs toujours possible. Le temps fera bien l'affaire et pourra, nul doute, rĂ©soudre certains problĂšmes. Pourtant, ils ne sont pas sujets au dĂ©terminisme d'une situation qui les guiderait sans possibilitĂ© de se rebeller. Les acteurs parentaux dĂ©veloppent des stratĂ©gies pour dĂ©passer le fatalisme. Ils dĂ©ploient des actions dont la motivation est empreinte d'Ă©motion et d'affectivitĂ©. Nous avons vu que Max WEBER nous invitait Ă considĂ©rer ce genre de rationalitĂ©. Les expectations nourries » WEBER, 1995, p 309 visent Ă amoindrir les dissonances et agir en fonction de ce que l'on pense bon pour soi. Le sujet n'a le plus souvent qu'une conscience imparfaite des raisons qui le poussent, simplement parce qu'il est normalement davantage soucieux d'agir que de rĂ©flĂ©chir sur son action » Boudon, 1995, p 1980. Il est Ă©vident que si les parents reconnaissaient les rĂ©elles motivations qui les poussent Ă agir, ils seraient sans espoirs. L'incertitude peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme pouvant rendre les projets Ă venir consonants avec les ambitions prĂ©sentes pour l'enfant. Ceci nous amĂšne Ă nous interroger sur ce que nous avons nommĂ© le mythe du progrĂšs dans sa relation Ă la temporalitĂ©. Le mythe du progrĂšs dans sa relation Ă la temporalitĂ©. Les acteurs parentaux ne savent pas de quoi sera fait l'avenir, plus que cela, ils ne peuvent mĂȘme pas l'imaginer ou ne le souhaitent pas. Lorsque nous ne disposons pas de mĂ©thode efficace pour dĂ©crypter l'avenir, le plus simple est encore de partir du prĂ©sent ou du passĂ© immĂ©diat, qui ont une rĂ©alitĂ©, une Ă©paisseur et une vĂ©ritĂ© » auxquelles le futur ne saurait prĂ©tendre. Mais comme le futur n'est jamais la rĂ©pĂ©tition du passĂ© et qu'il est rarement la pure et la simple continuation du prĂ©sent, la mĂ©thode de l'extrapolation, si elle est un puissant instrument de lĂ©gitimation des croyances et des idĂ©es reçues, est en mĂȘme temps endĂ©miquement menacĂ©e par le dĂ©menti Boudon, 1986, p 153. L'extrapolation est l'action de tirer une conclusion gĂ©nĂ©rale Ă partir de donnĂ©es partielles » Dictionnaire Hachette, 1996. La mĂ©thode de l'extrapolation se confronte Ă la situation d'incertitude dans laquelle se situent les parents. Ils sont tributaires de celle-ci, leurs perspectives d'avenir lui sont intimement liĂ©es et produisent des effets sur les actions ou la façon de penser des acteurs. BOUDON nous dit que sous l'effet des effets de situation, l'acteur social tend Ă percevoir la rĂ©alitĂ© non pas telle qu'elle est et telle que les autres peuvent la voir, mais de maniĂšre dĂ©formĂ©e ou partielle » Boudon, 1986, p 106. Il y aurait comme un enchantement de l'existence, une façon de se cacher les choses de la part des acteurs parentaux. Les parents sont dans la difficultĂ© d'extrapoler ou d'Ă©mettre des points de vue sur l'avenir. La situation du handicap les incite Ă vivre au jour le jour, au prĂ©sent immĂ©diat ce qui ne les empĂȘche pas d'espĂ©rer. La progression de l'enfant n'est pas envisagĂ©e au travers d'un temps linĂ©aire oĂč le passĂ© ferait place au prĂ©sent. Nous supposons comme SARTRE que la temporalitĂ© mĂȘme si elle apparaĂźt indĂ©finissable est avant tout une succession d'Ă©tapes L'ordre avant - aprĂšs » se dĂ©finit tout d'abord par l'irrĂ©versibilitĂ©. On appellera successive une sĂ©rie telle qu'on ne puisse en envisager les termes qu'un Ă un et dans un seul sens ... Sans la succession des aprĂšs », je serais tout de suite ce que je veux ĂȘtre, il n'y aurait plus de distance entre moi et moi, ni de sĂ©paration entre l'action et le rĂȘve Sartre, 1984, p 169. La problĂ©matique parentale trouve sa source dans ces propos. Les acteurs ne peuvent s'appuyer sur le passĂ© la rĂ©alitĂ© vĂ©cue hier ne peut ĂȘtre un socle Ă la progression vers un avenir envisageable. Le seul temps qui compte est le temps prĂ©sent. Le passĂ© ravive les souffrances et l'avenir n'est pas apprĂ©hendĂ© en toute confiance. Les parents ont du mal Ă se repĂ©rer, Ă se construire socialement. La sĂ©paration entre l'action et le rĂȘve » ou le cauchemar ne va pas de soi. Nous l'avons vu, la facette du handicap contamine la personnalitĂ©, le moi » des acteurs parentaux est remis en cause chaque jour qui passe ; il leur est difficile de trouver leurs marques. Quel devenir s'offre Ă eux sachant que le devenir pose sans cesse un futur, et par-lĂ mĂȘme et du mĂȘme coup dĂ©pose derriĂšre lui un passĂ© ; au fur et Ă mesure qu'il prĂ©sentifie l'avenir, il passĂ©ise le prĂ©sent, et ceci d'un mĂȘme mouvement et dans un renouvellement continuĂ© JankĂ©lĂ©vitch, 1998, p 1008. Nous supposons que l'inscription permanente dans le prĂ©sent a des rĂ©percutions sur la maniĂšre de se reprĂ©senter l'avenir. Les reprĂ©sentations parentales ne nous apparaissent pas linĂ©aires et construites sur une trame logique allant d'un temps t vers un temps t1. ConsidĂ©rer le temps prĂ©sent, non pas comme Ă la charniĂšre du dĂ©roulement temporel, mais plutĂŽt comme valeur absolue » permet aux parents de maĂźtriser les ambiguĂŻtĂ©s » du handicap. Ils peuvent passer de l'espoir Ă la dĂ©sespĂ©rance d'un moment Ă un autre. Le mythe du progrĂšs, qui fait considĂ©rer que l'enfant va s'en sortir, ne s'inscrit pas dans un procĂšs continu. Il nous semble que la façon d'envisager les choses est circulaire c'est-Ă -dire que rien n'est jamais acquis. Il n'existe pas de point de consolidation possible. L'Ă©pistĂ©mologie des sciences sociales peut nous aider Ă comprendre ce mĂ©canisme. Le paradigme de KUHN. Nous faisons ce dĂ©tour par l'Ă©pistĂ©mologie des sciences car comme le cite BOUDON, Lorsque l'on considĂšre des dĂ©cisions complexes, notamment s'il s'agit de dĂ©cisions collectives, celles-ci peuvent s'appuyer sur des systĂšmes de croyances plus ou moins cohĂ©rents qu'on peut, si l'on veut, appeler paradigmes, car ils sont proches par leur fonction et leur nature des paradigmes au sens de Kuhn Boudon, 1984, p 150. Pour KUHN, les paradigmes sont des dĂ©couvertes scientifiques qui ont deux caractĂ©ristiques essentielles. Les dĂ©couvertes doivent ĂȘtre suffisamment remarquables pour soustraire un groupe cohĂ©rent d'adeptes Ă d'autres formes d'activitĂ©s scientifiques concurrentes » ; d'autre part, elles doivent avoir des perspectives suffisamment vastes pour fournir Ă ce nouveau groupe de chercheurs toutes sortes de problĂšmes Ă rĂ©soudre » Kuhn, 1972, p 25. Et il ajoute que Les hommes dont les recherches sont fondĂ©es sur le mĂȘme paradigme obĂ©issent aux mĂȘmes rĂšgles et aux mĂȘmes normes dans la pratique scientifique. Cet engagement et l'accord apparent qu'il produit sont les prĂ©alables nĂ©cessaires de la science normale, c'est-Ă -dire de la genĂšse et de la continuation d'une tradition particuliĂšre de recherche Ibid., p 26. Le terme de science normale dĂ©signe les recherches fermement accrĂ©ditĂ©es par une ou plusieurs dĂ©couvertes scientifiques passĂ©es, dĂ©couvertes que tel groupe considĂšre comme suffisantes pour fournir le point de dĂ©part d'autres travaux » Ibid., p 25. Quel est donc le point commun entre les acteurs parentaux et les chercheurs qui nous a amenĂ© Ă faire ce dĂ©tour ? Revenons Ă ce que nous enseigne Raymond BOUDON Toutes proportions gardĂ©es, la situation est effectivement comparable Ă celle que dĂ©crit Kuhn dans le cas de l'histoire des sciences. Un paradigme, dans ce cas est un systĂšme de propositions qui oriente les recherches entreprises par les membres de la communautĂ© scientifique et fait l'objet d'une croyance collective plus ou moins uniformĂ©ment rĂ©partie. Tant qu'il n'est pas contredit de maniĂšre patente par la rĂ©alitĂ© et qu'aucun paradigme concurrent n'apparaĂźt Ă l'horizon, il est faiblement contestĂ© Boudon, 1984, p 151. Les parents Ă©mettent bien des propositions quant Ă l'avenir de leur enfant. Ils estiment que celles-ci sont lĂ©gitimes en fonction de la position sociale qu'ils Ă©pousent. Ils ont des projets Ă court ou mĂȘme Ă long terme. Mais ceux-ci peuvent ĂȘtre rĂ©futĂ©s dĂšs leur Ă©mission. Nous pensons que les acteurs sociaux font partie d'une communautĂ© idĂ©ologique fondĂ©e sur des croyances semblables. Ces croyances en la normalitĂ© sont versatiles en fonction des Ă©volutions ou des Ă©checs de l'enfant. Contrairement Ă la vision de Kuhn, le paradigme » d'hier peut ĂȘtre rejetĂ© Ă un moment et rĂ©investi Ă un autre moment. Le dĂ©menti n'est jamais entier, tout comme les affirmations. Nous ne sommes pas tout Ă fait dans une logique de construction de science normale. Celle-ci, effectivement, voudrait que si les Ă©checs se multiplient, si les hypothĂšses adventices permettant de rĂ©sorber les contradictions entre la rĂ©alitĂ© et les thĂ©ories fondĂ©es sur le paradigme donnent l'impression d'ĂȘtre des hypothĂšses ad hoc inventĂ©es pour les besoins de la cause », certains seront tentĂ©s de se mettre en quĂȘte d'un paradigme nouveau qui, le moment venu, aura des chances de se substituer Ă l'ancien » Ibid., p 151. Dans le cas du handicap, il n'existe pas de vĂ©ritĂ©, il faut faire preuve d'imagination. L'ancien sera nouveau demain et vice et versa. Nous ne sommes pas dans une perspective cumulative de connaissances spontanĂ©es » se remplaçant systĂ©matiquement. Les hypothĂšses adventices » douteuses et reconnues comme telles par les acteurs sociaux Ă l'Ă©preuve de la rĂ©alitĂ© n'en sont pas pour autant rejetĂ©es. Il existera toujours des Ă©lĂ©ments subjectifs sur lesquels s'appuieront les acteurs pour conforter leur croyance. Comme nous le prĂ©cise FESTINGER, les acteurs parentaux ont parfois ce regain de ferveur qui accueille le dĂ©menti infligĂ© par les faits » Festinger, 1993, p 2. L'acteur parental Ă©pouse cette condition essentielle du croyant Ă savoir qu'il est engagĂ© », c'est-Ă -dire qu'au nom de sa croyance il doit avoir effectuĂ© une dĂ©marche difficilement annulable. En gĂ©nĂ©ral, plus ces actes sont dĂ©cisifs, plus ils seront difficilement annulables et plus l'individu sera engagĂ© dans sa foi » Ibid., p 2. Pour Ă©tayer leurs convictions, nous supposons que les parents recherchent des preuves dans les faits qui accrĂ©diteraient leur croyance initiale. Il faut se prouver Ă soi-mĂȘme que tout demeure possible L'idĂ©al pour les adeptes ne serait-il pas que des preuves directes viennent jouer ce rĂŽle ? Dans cette perspective, la pratique de la prĂ©diction Ă rĂ©pĂ©tition semble traduire une recherche de preuves qui viendraient confirmer l'ensemble du systĂšme de croyances » Ibid., p 212. Cependant notre recherche n'aurait pas de point d'aboutissement si nous doutons que les parents ne puissent jamais faire la part des choses. L'acceptation du handicap finira bien par percer mais sous une forme cachĂ©e que nous chercherons Ă dĂ©couvrir. Il faudra mettre un terme Ă cette crise continuelle En provoquant une prolifĂ©ration des versions du paradigme, la crise rend moins rigoureuses les rĂšgles habituelles de rĂ©solutions d'Ă©nigmes, de sorte qu'un nouveau paradigme a finalement la possibilitĂ© d'apparaĂźtre. Il me semble que, de deux choses l'une ou bien aucune thĂ©orie scientifique ne rencontre jamais une preuve contraire, ou bien toutes les thĂ©ories rencontrent Ă tout moment des preuves contraires Kuhn, 1972, p 102. Pour les besoins de la cause », les parents oscilleront entre rĂ©futation et affirmation selon ce qu'aujourd'hui leur rĂ©servera. Le handicap est un objet qui s'occupe peu du temps passĂ©, prĂ©sent ou futur. Il est en fin de compte intemporel, tout du moins inexprimable dans la temporalitĂ© telle qu'elle est interprĂ©tĂ©e par le sens commun. Les parents ont entrepris une instrumentalisation du handicap, au sens que lui donne DE GAULEJAC, afin de pouvoir Ă©galement le dĂ©tacher d'un temps Ă venir. Il faut le mettre de cĂŽtĂ© et pouvoir croire Ă un avenir, somme toute possible, sans lui. 4. Le modĂšle cognitiviste appliquĂ© aux croyances parentales. Le modĂšle cognitiviste de Raymond BOUDON part du postulat que lorsqu'un acteur endosse un jugement de valeur en gĂ©nĂ©ral et un jugement moral en particulier, il s'appuie sur des systĂšmes de raisons acceptables » Boudon, 1995, p 211. Quand on est convaincu que X est juste injuste », c'est qu'on a l'impression que des raisons fortes fondent cet Ă©noncĂ©, mĂȘme lorsque celles-ci restent implicites et mĂ©taconscientes. Comprendre pourquoi tel individu a le sentiment que X est juste injuste », c'est retrouver les raisons qui le conduisent Ă cet Ă©noncĂ©, exactement comme comprendre pourquoi un Ă©noncĂ© mathĂ©matique est perçu comme vrai, c'est retrouver les raisons qui le fondent Ibid., p 221-222. Il semble juste pour les parents que leur enfant accĂšde Ă une vie dite normale ; il serait injuste pour eux qu'il ne puisse intĂ©grer la sociĂ©tĂ© et y faire sa place. D'un point de vue extĂ©rieur, il peut apparaĂźtre que ces justifications seraient erronĂ©es et peu plausibles avec les capacitĂ©s objectives de l'enfant. Pourtant, il va de soi, que les raisons qui les poussent Ă croire Ă la survenue de la normalitĂ© sont lĂ©gitimes. Il nous faut comprendre, au sens weberien du terme, ce qui dicte aux parents leurs certitudes. Elles ne sont pas systĂ©matiquement Ă rejeter dans le domaine de l'irrationalitĂ© car il existe des causes explicatives Ă leurs expectations » Expliquer » une activitĂ© de ce genre ne saurait jamais signifier qu'on la fait dĂ©river de conditions psychiques », mais qu'au contraire on la fait dĂ©couler des expectations, et exclusivement des expectations, qu'on a nourries subjectivement Ă propos du comportement des objets rationalitĂ© subjective par finalitĂ© et qu'on Ă©tait en droit de nourrir sur la base d'expĂ©riences valables rationalitĂ© objective de justesse Weber, 1995, p 309. Les parents sont rationnels dans leurs projections en l'avenir. Ils utilisent des outils subjectifs » pour parvenir Ă leur fin renforçant la conviction en leur croyance. Les raisons cognitives et instrumentales qui fondent une croyance sont en d'autres termes une cause essentielle de leur force de conviction sur l'acteur social » Boudon, 1999, p 162. Ils s'outillent en fonction de la situation sociale du handicap ; il est Ă supposer que ces mĂ©canismes cognitifs soient par certains cĂŽtĂ©s diffĂ©rents des parents ordinaires ». Max WEBER Ă©nonce que l'espĂšce la plus immĂ©diatement comprĂ©hensible » de la structure significative d'une activitĂ© reste celle qui s'oriente subjectivement et de façon strictement rationnelle d'aprĂšs des moyens qui passent subjectivement pour ĂȘtre univoquement adĂ©quats Ă la rĂ©alisation de fins conçues subjectivement de façon univoque et claire » Weber, 1995, p 208. De ce point de vue, les acteurs parentaux Ă©pousent une ligne de conduite rationnelle » qui les mĂšnera oĂč ils souhaitent aller. La perception des buts Ă atteindre passe bien par des moyens subjectifs adaptĂ©s Ă la rĂ©alisation de la normalisation du handicapĂ©. Ce qui ne laisse pas entendre que toute projection est une forme de rationalitĂ©, qu'il suffĂźt de se dĂ©finir un but pour le rĂ©aliser. La rĂ©alitĂ© sociale est prĂ©sente pour rappeler qu'il existe souvent des impossibilitĂ©s de pouvoir faire toujours » ce que l'on veut sans tenir compte des consĂ©quences de nos comportements. Les parents ont conscience de certaines limites et ils cherchent Ă les dĂ©passer. Leur attitude peut nous apparaĂźtre totalement irrationnelle lorsqu'ils semblent s'inscrire dans une vĂ©ritĂ© qui est dĂ©mentie par les faits. Ils persistent Ă croire que leur point de vue est le bon, c'est cette forme d'irrationalitĂ© qui nous interpelle. Comme Raymond BOUDON, nous devons nous interroger de cette maniĂšre pour dĂ©passer nos propres a priori Pourquoi ne pas partir du postulat qu'expliquer une croyance, c'est reconstruire les raisons qui la fondent dans l'esprit du sujet et qui, par suite, en constitue la cause ? » Boudon, 1995, p 64. Car les parents ont de bonnes raisons de s'attacher Ă croire que le handicapĂ© quittera un jour son handicap ; c'est un passage nĂ©cessaire vers une survie sociale. Ces bonnes raisons aident l'acteur social Ă apprivoiser son environnement chamboulĂ© par le handicap, il endosse des croyances qu'il ne souhaite pas reconnaĂźtre comme usurpĂ©es Les croyances fausses sont le produit de la rationalitĂ© cognitive » c'est-Ă -dire de la mise en oeuvre par le sujet de stratĂ©gies qu'il utilise normalement pour obtenir une maĂźtrise cognitive de son environnement, parce qu'elles conduisent gĂ©nĂ©ralement Ă des rĂ©sultats satisfaisants » Ibid., p 107. Nous prĂ©ciserons juste qu'elles ne donnent des rĂ©sultats satisfaisants que pour un temps comme nous l'avons vu en Ă©voquant le temps prĂ©sent ». Pour nous, qu'une croyance apparaisse fondĂ©e ou non est rationnelle au sens cognitif lorsqu'elle s'appuie sur des raisons de caractĂšres thĂ©oriques » que, dans le contexte qui est le sien, l'acteur perçoit comme fortes » Boudon, 1999, p 148. D'un point de vue de la recherche, Ă l'instar de WEBER, nous rechercherons les causes qui font que les parents puissent ĂȘtre trompĂ©s » par leur croyance les raisons qu'Ă l'acteur d'adopter une croyance sont pour Weber les causes de ladite croyance » Ibid., p 140. Notre travail de recherche ultĂ©rieur reposera en grande partie, d'un point de vue thĂ©orique, sur la sociologie comprĂ©hensive de Max WEBER et sur l'individualisme mĂ©thodologique de Raymond BOUDON. Nous voyons bien que le modĂšle cognitiviste est inscrit dans la thĂ©orie individualiste ; les deux nous seront utiles car nous pensons que l'individu perçu comme acteur social est capable de surmonter certains dĂ©terminismes. Poser l'individu en acteur revient d'abord Ă respecter en lui le sujet conscient et douĂ© d'une raison capable de dĂ©passer le simple dĂ©videment de comportement programmĂ© et de rĂ©ponses automatiques Ă des causes situĂ©es hors de la conscience il peut ĂȘtre l'auteur d'actions mettant intentionnellement en oeuvre des moyens propres Ă lui permettre d'atteindre des fins faisant sens pour lui ... Cette intentionnalitĂ© se traduit par l'Ă©laboration de stratĂ©gies optimisatrices et adaptatives mises au service de prĂ©fĂ©rences subjectives qui ne se rĂ©duisent pas Ă des buts utilitaires Laurent, 1994, p 111. Comme l'a prĂ©cisĂ© Raymond BOUDON, il n'agit pas Ă sa guise indĂ©pendamment de toute situation sociale, il n'est pas en rĂ©volte permanente. Cependant, nous pensons que, malgrĂ© certaines difficultĂ©s, parfois insurmontables au premier abord, l'acteur social peut trouver des raisons qui lui sont propres pour faire sa place en sociĂ©tĂ©. Il n'est pas systĂ©matiquement guidĂ© par des dĂ©terminismes sociaux ou structurels qui lui laisseraient peu de marges de manoeuvre notamment dans le champ » du handicap, au sens bourdieusien. L'acteur parental, malgrĂ© les difficultĂ©s objectives de son enfant Ă ĂȘtre », dĂ©ploie des stratĂ©gies pour parvenir Ă se re-construire et Ă rĂ©-exister en sociĂ©tĂ©. CONCLUSION Mais je pense avoir suffisamment indiquĂ© mon intention montrer que certaines questions sont de nature telle que, lorsqu'elles sont placĂ©es sous les yeux d'individus caractĂ©risĂ©s par certaines positions et certaines dispositions, elles ont toutes chances d'induire des idĂ©es reçues sans que celles-ci doivent ĂȘtre mises au compte de la perversion, de l'aveuglement, de la passion ou d'aucune autre forme d'irrationalitĂ©. » Raymond BOUDON. Le travail d'Ă©criture de ce mĂ©moire de touche Ă sa fin. Il ne se veut qu'une modeste introduction Ă une recherche plus vaste que nous dĂ©sirons mener en thĂšse. Il nous faudra faire preuve de patience au cours de l'Ă©tude Ă venir et ne pas brĂ»ler les Ă©tapes de la construction sociologique. Les propos tenus tout au long de notre exposĂ© laissent de larges zones d'ombre qu'il nous faudra Ă©claircir Ă la lumiĂšre de la comprĂ©hension. Comme nous l'avons soulignĂ©, nous ne saurions faire preuve d'exhaustivitĂ© Ă travers notre seule vĂ©ritĂ©. Cependant, nous avons un point de vue original sur le handicap qui peut ĂȘtre utile Ă sa lecture. Le champ de la sociologie est vaste et traversĂ© de nombreux courants. Nos choix thĂ©oriques reflĂštent notre maniĂšre de voir le monde social et nous permettent d'essayer de le comprendre. Nous souhaiterions rapprocher notre sujet d'une sociologie plus gĂ©nĂ©rale, celle qui interroge les croyances des individus et en fait le moteur des actions individuelles. Nous les interrogerons dans leurs perspectives temporelles elles ne sont pas immuables, elles peuvent varier en fonction d'Ă©vĂ©nements divers. L'univers social est mouvant, les vĂ©ritĂ©s d'hier s'effacent devant celles d'aujourd'hui. Il peut arriver que nos certitudes du moment soient rĂ©-interroger par les expĂ©riences passĂ©es. Le temps prĂ©sent est Ă la charniĂšre du passĂ© et du futur mais ce temps n'est pas forcĂ©ment linĂ©aire comme nous avons pu le montrer. Nous parions que la problĂ©matique parentale peut ĂȘtre celle de tout un chacun devant les difficultĂ©s Ă ĂȘtre. Elle est peut ĂȘtre plus Ă©vidente Ă mettre Ă jour, Ă dĂ©montrer. Elle est un cas exemplaire qui peut servir de modĂšle Ă une thĂ©orie plus gĂ©nĂ©rale. Nous devons apporter notre contribution Ă l'espace social dans sa globalitĂ©. Les diffĂ©rences apparentes ne sont peut ĂȘtre qu'illusions nous dirons plutĂŽt qu'elles ne vont pas facilement de soi. DerriĂšre elles, sont cachĂ©es des affinitĂ©s entre les ĂȘtres humains. Le handicap est une grille de lecture utile aux situations de grandes incertitudes. Ne sommes-nous pas parfois nous-mĂȘmes tributaires de nos peurs face Ă un avenir dramatiquement incertain ? Les mĂ©canismes cognitifs mis en oeuvre devant les crises de l'existence concernent chaque acteur social. Nous devons nous assurer une certaine quiĂ©tude face Ă l'avenir au risque de rester prostrĂ©s et d'ĂȘtre incapables d'agir. Gageons que l'individu, en toute circonstance et avec le temps, peut surmonter l'incertitude et se donner la force de se battre face Ă une mort sociale qui serait annoncĂ©e. Bar-Le-Duc, juin 2003. BIBLIOGRAPHIE ABRIC Jean-Claude 1999. L'Ă©tude expĂ©rimentale des reprĂ©sentations sociales. In Les reprĂ©sentations sociales, sous la dir. JODELET Denise. Paris PUF, 447 p. ANSAR Pierre 1990. Les sociologies contemporaines. Paris Editions du Seuil, 348 p. ARON Raymond 1967. Les Ă©tapes de la pensĂ©e sociologiques. Paris Editions Gallimard, coll. Tel, 663 p. ASSOGBA Yao 1999. La sociologie de Raymond BOUDON. Essai de synthĂšse et applications de l'individualisme mĂ©thodologique. Paris L'Harmattan, 321 p. BASZANGER Isabelle 1992, introduction Ă STRAUSS Anselm. La trame de la nĂ©gociation, sociologie qualitative et interactionnisme. Paris Editions L'Harmattan, 311 p. 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Benpas tant que ça. Mon mari, un homme adorable, a pris en charge son frÚre handicapé mental qui vit avec nous (il vivait là bien avant moi). La cohabitation entre son frÚre et moi n'a jamais été simple, mais depuis quelques mois, je ne le supporte plus. Mon beau-frÚre (57 ans) est mentalement handicapé (il a 5-6 ans d'ùge mental
Un handicap grave Ă expressions multiples DĂ©finitions & origines du polyhandicap Le polyhandicap est un handicap grave Ă expressions multiples avec dĂ©ficience motrice et dĂ©ficience mentale sĂ©vĂšre ou profonde, entraĂźnant une restriction extrĂȘme de lâautonomie et des possibilitĂ©s de perception, dâexpression et de relation*. » La multiplication des handicaps Chez la personne polyhandicapĂ©e, les handicaps ne sâajoutent pas ou ne sâadditionnent pas ils se multiplient. Ils entraĂźnent une dĂ©pendance importante nĂ©cessitant une aide humaine et des soins permanents avec une prise en charge individualisĂ©e. Des causes diverses Les causes du polyhandicap peuvent ĂȘtre prĂ©natales malformations, AVC prĂ©natauxâŠ, pĂ©rinatales dont une partie liĂ©e Ă des souffrances fĆtales ou de grandes prĂ©maturitĂ©s ou postnatales traumatismes, arrĂȘts cardiaques. Elles sont parfois tout Ă fait inconnues. Les recherches actuelles portent sur les causes gĂ©nĂ©tiques existence de cas familiaux *DĂ©finition selon lâannexe XXIV ter du CTNERHI Centre Technique National dâEtudes et de Recherche sur les Handicaps et les Inadaptations du SymptĂŽmes & consĂ©quences Une dĂ©ficience intellectuelle sĂ©vĂšre ou profonde Correspondant approximativement Ă un Quotient Intellectuel infĂ©rieur Ă 40, elle entraĂźne des difficultĂ©s Ă se situer dans lâespace et le temps, une fragilitĂ© des acquisitions mnĂ©siques mĂ©moire, des troubles ou impossibilitĂ© de raisonnement, de mise en relation des situations entre elles, et le plus souvent, lâabsence de langage ou la mise en place dâun langage trĂšs rudimentaire. Il peut arriver que les troubles du comportement prennent une place importante stĂ©rĂ©otypies, auto-agressivitĂ©, phĂ©nomĂšnes de repli. Des troubles moteurs infirmitĂ© motrice dâorigine cĂ©rĂ©brale troubles moteurs par lĂ©sion dĂ©finitive non Ă©volutive du cerveau paralysies, mouvements anormaux hypotonie massive, trouble de lâorganisation motrice mĂ©connaissance du sens de la position du corps dans lâespace, troubles de lâĂ©quilibre, dĂ©ambulation automatique ne tenant pas compte des obstacles. Les chutes sont souvent frĂ©quentes. troubles orthopĂ©diques secondaires luxations des hanches, scolioses Ă©volutives limitant les performances motrices et les possibilitĂ©s de dĂ©placement. Elles sont pour beaucoup source de douleurs. Les atteintes sensorielles troubles de la vue, de lâaudition peuvent ĂȘtre associĂ©s et doivent ĂȘtre systĂ©matiquement recherchĂ©s malgrĂ© un diagnostic parfois difficile Une maladie Ă©pileptique surajoutĂ©e est possible voire frĂ©quente. Chiffres & faits Les donnĂ©es en France sont assez anciennes mais permettent de donner un ordre de grandeur. PrĂ©valence des handicaps associĂ©s sĂ©vĂšres 2 pour mille 30% des causes du polyhandicap sont inconnues 50% de causes prĂ©natales malformations, AVC prĂ©nataux⊠15% sont dâorigine pĂ©rinatales 5% de causes postnatales traumatismes, arrĂȘts cardiaques Il y a 88O nouveaux cas dâenfants polyhandicapĂ©s par an en France et plus de 95000 adultes dans les Ă©tablissements medico sociaux Prise en charge & accompagnement pour le polyhandicap Des soins dâimportance vitale Gestes dâaccompagnement et soins journaliers Câest au travers des gestes dâaccompagnement et de soins journaliers quâun mode de communication, une relation sâinstallent. Les soins sont dâune importance vitale du fait de la grande dĂ©pendance et du degrĂ© de fragilitĂ© somatique des personnes polyhandicapĂ©es. Lâalimentation est au premier plan. Elle doit ĂȘtre adaptĂ©e Ă chacun en fonction de ses capacitĂ©s de dĂ©glutition et des risques de fausses routes texture, liquide gĂ©lifiĂ© ou non⊠Les installations, le positionnement de la personne handicapĂ©e et la façon dâintroduire les aliments en bouche sont de premiĂšre importance. Pour certaines personnes le recours Ă la sonde gastrique est nĂ©cessaire pour Ă©viter les fausses routes rĂ©pĂ©titives, les refus de sâalimenter qui en dĂ©coulent, les consĂ©quences respiratoires pneumopathies parfois sĂ©vĂšres voire les risques de mort subite. La prise en charge du corps et des contraintes liĂ©es au handicap se traduit par de lâĂ©ducation motrice, de la rééducation, de lâorthopĂ©die avec des kinĂ©sithĂ©rapeutes , psychomotriciens et ergothĂ©rapeutes. Il est essentiel de prĂ©server la moindre possibilitĂ© motrice et manuelle prĂ©hension des objets, utilisation des membres supĂ©rieurs⊠et de rĂ©duire au mieux les rĂ©tractions musculaires et les dĂ©formations articulaires ainsi que prĂ©venir la rarĂ©faction osseuse qui se produit par manque de stimulation du corps. Les appareillages sont indispensables. Les installations adĂ©quates protĂšgent des Ă©volutions orthopĂ©diques aggravantes et favorisent des meilleures performances coques de station assise avec ou sans appui tĂȘtes, attelles diverses, chaussures orthopĂ©diques, tables de verticalisation, fauteuils roulants adaptĂ©s manuels ou parfois Ă©lectriques. Le recours Ă la chirurgie est parfois nĂ©cessaire. Moyens de communication Avec les personnes dĂ©pourvues de langage, le mode de communication est difficile Ă Ă©tablir. Les codes imagĂ©s, les pictogrammes peuvent ĂȘtre utilisĂ©s Code GRACH groupement de recherches pour lâapprentissage de la communication avec les personnes handicapĂ©es Le PIC code pictogramme Les moyens informatiques logiciels adaptĂ©s, synthĂšse vocale⊠Exemples de prises en charge au sein des Maisons Perce-Neige Soin par lâeau Dans certaines Maisons Perce-Neige, les Ă©quipes ont Ă leur disposition des piscines et baignoires dâhydrothĂ©rapie qui permettent dâapporter des moments de libertĂ© au corps maintenu dans des corsets, coques et/ou fauteuils. Câest notamment le cas dans les Maisons Perce-Neige MusicothĂ©rapie Une autre activitĂ© pratiquĂ©e est la musicothĂ©rapie. La musique permet une adaptation aux diffĂ©rentes pathologies des rĂ©sidents. Dans cet atelier, le rĂ©sident doit simplement ressentir des Ă©motions. Nous faisons de lâĂ©coute musicale passive ou nous tapons des rythmes en douceur en suivant le tempo dâun disque. Il nous arrive dâutiliser le corps des rĂ©sidents, en se servant des organes creux poumons, estomac ou en mettant les enceintes prĂšs de leur fauteuil. Les vibrations ressenties les apaisent. En dehors des ateliers, nous utilisons Ă©galement des instruments atypiques, comme la vague musicaleâ, explique un des animateurs. Il sâagit dâun instrument en bois de forme incurvĂ©e avec des rainures dâun cĂŽtĂ© et des cordes de lâautre. Câest une sorte de harpe horizontale ! Le rĂ©sident sâallonge dessus et lâanimateur tape sur les cĂŽtĂ©s avec des maillets ou pince les cordes. Lâeffet de vibration procure une dĂ©tente quasi immĂ©diate. Nous utilisons Ă©galement le hĂ©rissonâ, un instrument composĂ© de picots verticaux en arrondis et de billes. Ses notes sâapparentent au son de ruissellement, un peu comme un bĂąton de pluie. » LâĂ©coute musicale occupe Ă©galement une grande place. Nous travaillons ainsi la stimulation sensorielle par lâĂ©coute. On y trouve des matĂ©riaux de confort comme des matelas Ă eau, de la musique, du matĂ©riel de lumiĂšre boules Ă facettes, colonne Ă bulles, lumiĂšre noire⊠et des petits objets quâon manipule pour travailler des sensations le chaud, le froidâŠ. » Toutes ces activitĂ©s offrent de belles perspectives. Lorsque les professionnels constatent que certains des rĂ©sidents lourdement handicapĂ©s rĂ©ussissent Ă progresser de maniĂšre aussi nette grĂące Ă la musique, cela les encourage Ă continuer dans cette dĂ©marche. Histoire & tĂ©moignages Directeur dâune Maison Perce-Neige Lorsquâils sont dans lâeau, les rĂ©sidents polyhandicapĂ©s ont bien sĂ»r la possibilitĂ© de flotter Ă lâaide de bouĂ©es ou de brassards, dĂ©barrassĂ©s des dispositifs de maintien qui leur sont habituels, mais surtout ils participent Ă leur dĂ©placement, deviennent maĂźtresâ de leurs corps ce qui est impossible sur terreâ devient possible dans lâeau. Dans un univers liquide, les rĂ©sidents ne ressentent plus la contrainte de leur poids ou de leurs muscles qui fonctionnent mal. Nous parvenons par exemple Ă les faire marcher en dĂ©chargeâ en les plaçant en position de flottaison verticale. Ils font alors lâexpĂ©rience de se dĂ©placer avec leurs propres jambes et non grĂące Ă un fauteuil roulant. Lorsquâils sont dans lâeau, les rĂ©sidents polyhandicapĂ©s ... deviennent maĂźtresâ de leurs corps. Bien que lâeau soit utilisĂ©e en rééducation motrice, les activitĂ©s aquatiques de la maison ne sâinscrivent pas dans ce cadre. Nous cherchons plutĂŽt Ă leur donner la possibilitĂ© de bouger, Ă les faire vivre dans lâespace. Le jeu est une mĂ©canique qui permet cela et qui introduit Ă©galement la notion de plaisir dans lâeau. Sâamuser Ă mettre la tĂȘte sous lâeau ou lancer un ballon qui va Ă©clabousser sont autant dâoccasions dâassocier eau, mouvement et jeu. Lâeau a la particularitĂ© dâenvelopper le corps. En y Ă©tant plongĂ©s, certains rĂ©sidents font spontanĂ©ment travailler des muscles que nous ne pouvons stimuler en aĂ©rienâ. GrĂące Ă lâeau, ils sentent mieux leurs corps, comprennent ses limites. Pour certains types de dĂ©ficiences mentales, ces informations cutanĂ©es sont intĂ©ressantes car la perception du corps leur est habituellement brouillĂ©e. En effet, tout au long de notre vie, nous collectons des millions dâinformations liĂ©es Ă nos expĂ©riences motrices. Celles-ci participent Ă notre construction en tant quâindividu. Une personne polyhandicapĂ©e, et handicapĂ©e mentale de surcroĂźt, nâa pas eu lâopportunitĂ© de faire cet apprentissageâ. Lâeau permet de sentir son corps qui bouge, de dĂ©couvrir des sensations inĂ©ditesâŠCes nouvelles connaissancesâ ont des consĂ©quences psychiques bĂ©nĂ©fiques pour le rĂ©sident. Une sĂ©ance dans lâeau est aussi un moment de dĂ©tente. Avec lâaide dâune psychomotricienne, le rĂ©sident se dĂ©place lentement dans lâeau, exĂ©cute des mouvements ondulants⊠Avec une tempĂ©rature Ă 33° C, lâeau procure un effet apaisant mĂȘme si des efforts physiques modĂ©rĂ©s sont fournis. La faible profondeur du bassin lui accorde Ă©galement des vertus rassurantes. Lâeau apporte incontestablement du bien-ĂȘtre aux rĂ©sidents. Ils en ressentent les bĂ©nĂ©fices Ă diffĂ©rents niveaux. Ils sont souvent plus dĂ©tendus, plus souriants et plus agrĂ©ables vis-Ă -vis des autres. Ils profitent Ă©galement dâun meilleur sommeil et Ă©prouvent parfois un apaisement rĂ©duisant certains troubles du comportement. » Liens utiles GPF Halte Pouce Agissez avec Perce-Neige Faites un don
Nousavons reçu votre lettre par lâintermĂ©diaire des Papillons blancs, et avons Ă©tĂ© sensibles Ă votre projet et Ă votre appel. Nous sommes donc tout Ă fait disposĂ©s Ă vous rencontrer pour dĂ©crire le parcours qui a menĂ© notre fils ClĂ©ment, 17
Bienvenue sur DygestDygest vous propose des rĂ©sumĂ©s selectionnĂ©s et vulgarisĂ©s par la communautĂ© le rĂ©sumĂ© de l'un d'entre rĂ©digĂ©e parKarine ValletProfesseure certifiĂ©e de Lettres le handicap est un sujet dĂ©licat Ă traiter, il lâest encore plus quand il sâagit dâun nouveau-nĂ© ou de jeunes patients. Dans son livre Simone Korff-Sausse choisit lâangle de la psychanalyse pour aborder les diffĂ©rentes phases de la construction identitaire de lâenfant handicapĂ©, de la petite enfance Ă lâadolescence. Elle explore aussi la façon dont le handicap modĂšle les relations avec les autres, en Ă©tudiant les reprĂ©sentations fantasmatiques qui lui sont IntroductionLe handicap de lâenfant est une rĂ©alitĂ© difficile qui heurte de plein fouet ceux qui y sont confrontĂ©s, des parents aux experts mĂ©dicaux. Câest nĂ©anmoins oublier que lâindividu atteint dâune infirmitĂ© psychomotrice ou dâune dĂ©ficience mentale est le premier touchĂ© par cette diffĂ©rence. Dans cet ouvrage publiĂ© en 1996, Simone Korff-Sausse se place Ă contre-courant des tendances psychanalytiques en vigueur. Elle prĂŽne la prise en considĂ©ration de la dimension psychologique de lâenfant handicapĂ© et croit en sa capacitĂ© Ă Ă©voluer. Mais comment la psychanalyse peut-elle venir en aide Ă ce type de patient ? Quelles rĂ©percussions le handicap a-t-il sur la vie psychique des parents et de quelle façon est-il perçu par la sociĂ©tĂ© ? Simone Korff-Sausse propose dâanalyser les consĂ©quences du handicap sur la construction de lâidentitĂ© de lâenfant handicapĂ©, Ă travers le rapport Ă ses parents et Ă la Les parents face Ă la rĂ©vĂ©lation du handicapLa naissance dâun enfant handicapĂ© constitue un Ă©vĂ©nement traumatique pour les parents. Le choc liĂ© Ă lâannonce du handicap est si violent quâil les plonge dans un Ă©tat de sidĂ©ration psychique. Au lieu dâexprimer leur souffrance, ils se focalisent sur des prĂ©occupations dâordre matĂ©riel concernant le diagnostic, les soins quotidiens, les dispositifs sociaux visant Ă les aider. Il faut dire quâils doivent faire face Ă un isolement profond. Leur solitude se rĂ©vĂšle dâautant plus grande que lâĂ©vĂ©nement nâa pas de dimension collective, comme peuvent lâavoir les traumas rĂ©sultant dâune catastrophe naturelle ou dâune guerre vĂ©cue par lâensemble dâun groupe social. Câest pourquoi les parents Ă©prouvent souvent le besoin de se tourner vers des associations spĂ©cialisĂ©es au sein desquelles ils rencontrent des personnes confrontĂ©es aux mĂȘmes difficultĂ©s. Il peut arriver que la douleur et la peur que suscite le handicap se conjuguent Ă un phĂ©nomĂšne dâaprĂšs-coup », câest-Ă -dire lâĂ©mergence de traumatismes du passĂ© non rĂ©solus pouvant dater de lâenfance. Cette complication ne fait quâamplifier les effets du choc point commun de tous les parents dâenfants handicapĂ©s est le sentiment de culpabilitĂ©. Ils sâen veulent dâavoir donnĂ© naissance Ă un bĂ©bĂ© anormal. Ils cherchent donc Ă comprendre et se lancent dans la quĂȘte Ă©perdue dâune cause qui expliquerait la malformation ou lâinfirmitĂ© de leur enfant. La possibilitĂ© dâune tare hĂ©rĂ©ditaire se prĂ©sente inĂ©vitablement Ă leur esprit. Certains parents soumettent leur bĂ©bĂ© Ă de multiples examens cliniques pour obtenir une rĂ©ponse mĂ©dicale concrĂšte, ce que lâauteur qualifie de shopping mĂ©dical » p. 109. Des explications plus superstitieuses, telles quâune faute morale, viennent aussi alimenter leur malaise. Sans oublier que la culpabilitĂ© des parents est se double parfois de fantasmes de meurtre concernant un enfant dont ils jugent la mort prĂ©fĂ©rable Ă la Le handicap, reflet dâun Ă©chec scientifique et social ?Le handicap est une rĂ©alitĂ© qui met en exergue les limites de la science. Il souligne en effet lâimpuissance du corps mĂ©dical Ă maĂźtriser toutes les donnĂ©es biologiques dâun individu, mais aussi Ă le soulager dâune anomalie physique ou psychique par le biais de moyens thĂ©rapeutiques. Câest pourquoi peu dâĂ©crits scientifiques sont consacrĂ©s aux problĂšmes posĂ©s par le handicap. La plupart des infirmitĂ©s psychomotrices ou mentales figent en effet les patients dans un Ă©tat qui exclut tout espoir dâĂ©volution ou de guĂ©rison. Les obstacles sont tels que de nombreux psychanalystes considĂšrent quâil est inutile dâengager une psychothĂ©rapie avec un enfant handicapĂ©. Les professionnels exerçant dans les maternitĂ©s, quant Ă eux, tiennent parfois des discours inadĂ©quats qui proposent comme unique perspective lâabandon de lâenfant ou lâespoir dâune nouvelle grossesse. Cette dĂ©considĂ©ration de la douleur des parents et du bĂ©bĂ© handicapĂ© en tant quâindividu signe lâĂ©chec du corps parallĂšle, les avancĂ©es scientifiques sont nombreuses. Elles semblent ouvrir des perspectives optimistes, avec lâamniocentĂšse, le diagnostic prĂ©natal ou encore le dĂ©veloppement du conseil gĂ©nĂ©tique. Cependant, ces progrĂšs posent des soucis Ă©thiques selon Simone Korff-Sausse. En proposant lâavortement thĂ©rapeutique, on dĂ©cide quel type dâindividu a le droit de naĂźtre. Quel sera par ailleurs lâimpact psychologique dâune erreur mĂ©dicale sur le devenir des parents et de leur enfant, porteur dâune anomalie malgrĂ© les prĂ©cautions prises ? Peut-on enfin interdire toute grossesse Ă une femme trisomique, ce qui consisterait Ă dire quâelle est une erreur de la nature ? Du point de vue social, certaines questions Ă©thiques se posent Ă©galement. Les sociĂ©tĂ©s modernes travaillent Ă lâintĂ©gration des personnes handicapĂ©es, les catĂ©gorisant par lĂ mĂȘme comme diffĂ©rentes. MĂȘme si lâauteure soutient toutes ces initiatives mĂ©dicales et sociales, elle nâen souligne pas moins leur aspect paradoxal on fait le choix de protĂ©ger les enfants handicapĂ©s, tout en veillant Ă ce quâils ne se multiplient pas dans la La problĂ©matique du miroir brisĂ©Quand des parents donnent naissance Ă un enfant atteint dâune anomalie, ils sont dans lâimpossibilitĂ© de se reconnaĂźtre en lui. Le handicap crĂ©e une distance qui complique lâĂ©tablissement du lien affectif avec le bĂ©bĂ©. En psychanalyse, on dit communĂ©ment que les parents doivent faire le deuil de lâenfant imaginaire », câest-Ă -dire quâils doivent renoncer Ă lâenfant quâils avaient espĂ©rĂ©. Simone Korff-Sausse prĂ©fĂšre parler, quant Ă elle, dâacceptation de lâinacceptable. Car lâimage renvoyĂ©e par le bĂ©bĂ© est un reflet inquiĂ©tant et dĂ©formĂ© de lâenfant dĂ©sirĂ©. Le handicap laisse les parents totalement dĂ©munis et les dĂ©stabilise au point quâils sâavĂšrent incapables dâopĂ©rer des choix sensĂ©s pour lâavenir ou le quotidien de leur progĂ©niture. Dans dâautres cas, on assiste Ă une identification extrĂȘme avec lâenfant handicapĂ©. La fusion qui en dĂ©coule peut engendrer des manifestations somatiques surprenantes, faisant Ă©cho au type de handicap touchant le tout-petit la paralysie du nerf optique de la mĂšre dâun enfant aveugle, une entorse immobilisant le parent dâun enfant handicapĂ© moteur, handicapĂ© opĂšre aussi un processus dâidentification qui a pour vocation de lui permettre de construire son identitĂ©. Sâil est en mesure de se reconnaĂźtre en sa mĂšre ou son pĂšre en fonction de son sexe, lâinfirmitĂ© ou la dĂ©ficience dont il est atteint Ă©rige toutefois une barriĂšre insurmontable. Comment sâidentifier Ă des personnes qui ne prĂ©sentent aucun handicap et pour qui la vie nâest pas un combat quotidien ? Dâautant que lâenfant handicapĂ© est parfaitement conscient de son anormalitĂ© et quâil est capable dâĂ©valuer ses capacitĂ©s en se comparant aux gens de son Ăąge. Par consĂ©quent, il est Ă©galement confrontĂ© Ă un processus de deuil. En raison des limites imposĂ©es par son handicap, il doit renoncer Ă certaines aspirations et sâastreindre Ă des objectifs rĂ©alisables. Cette limitation des perspectives a des incidences sur la santĂ© psychologique de lâenfant et peut occasionner un Ă©tat dĂ©pressif. Lâabsence de modĂšle rend donc difficile lâĂ©laboration de lâidentitĂ© et en fragilise les La dĂ©pendance engendrĂ©e par le handicapPour lâenfant handicapĂ©, lâabsence dâautonomie physique ou intellectuelle crĂ©e une dĂ©pendance permanente. La dĂ©nĂ©gation de certains parents concernant le handicap empĂȘche lâenfant de se construire. Le fait de refuser de nommer lâinfirmitĂ© ou de nier son existence cause une inhibition intellectuelle qui a un effet rĂ©gressif et renforce la dĂ©pendance. Celle-ci est Ă©galement amplifiĂ©e par le comportement contraire, qui consiste Ă adopter une attitude de surprotection ayant deux fonctions principales. Dâune part, elle permet dâattĂ©nuer le sentiment de culpabilitĂ© quâĂ©prouvent les parents, en se dĂ©vouant corps et Ăąme et mettant leur propre vie entre parenthĂšses. Dâautre part, elle vise Ă maintenir leur enfant dans un statut infantile cela permet dâocculter la maturation sexuelle qui accompagne inĂ©vitablement lâĂąge adulte et qui reste un tabou dans le cas dâune personne handicapĂ©e. Dans tous les cas, cela a pour consĂ©quence de mettre en exergue le handicap au lieu de le ailleurs, lâenfant handicapĂ© se trouve soumis en permanence au regard des autres. Câest tout dâabord dans les yeux de sa mĂšre que le tout-petit dĂ©crypte les Ă©lĂ©ments constitutifs de son identitĂ©. Cette premiĂšre confrontation au regard maternel le met face Ă sa diffĂ©rence et Ă la douleur quâelle suscite chez ceux quâil aime. Cette expĂ©rience traumatique du regard » p. 57 est une constante chez les individus marquĂ©s par une dĂ©ficience ou une infirmitĂ©. Elle se poursuit dâailleurs tout au long de la vie et fait de la personne handicapĂ©e un objet de fascination ou de rejet qui la rĂ©duit Ă sa diffĂ©rence. Pour Simone Korff-Sausse, le narcissisme â Ă savoir la confiance en soi, la certitude de son monde intĂ©rieur et la soliditĂ© des assises de lâidentitĂ© â est fortement Ă©branlĂ© par cette dĂ©pendance au regard de lâautre » Id.. Elle conduit lâenfant, dĂšs son plus jeune Ăąge, Ă dĂ©velopper des stratĂ©gies de dĂ©fense qui consistent tantĂŽt Ă dissimuler son handicap, tantĂŽt Ă lâ Quel type dâaide apporter Ă lâenfant handicapĂ© ?La psychanalyse a un rĂŽle important Ă jouer dans lâaccompagnement de lâenfant handicapĂ©. Celui-ci est en effet souvent rĂ©duit Ă son anormalitĂ© physique au dĂ©triment de sa vie intĂ©rieure. Or Simone Korff-Sausse a pu constater au fil de sa pratique que les enfants porteurs dâun handicap suivent les mĂȘmes phases dâĂ©volution que les enfants normaux. La psychothĂ©rapie nâa pas pour objectif une tentative de rĂ©paration, mais [reprĂ©sente] un lieu oĂč on peut mettre en mots toutes les expĂ©riences, psychiques, Ă©motionnelles, corporelles » p. 95. Le travail est ardu, dâautant plus que les jeunes patients ne maĂźtrisent pas forcĂ©ment lâoutil verbal ou que leur handicap les rend impuissants Ă sâexprimer normalement. Le psychanalyste doit donc sâattacher Ă interprĂ©ter tous les modes de communication mis en place par lâenfant pour Ă©tablir un Ă©change phases de jeu, comportements excessifs ou de repli, langage symbolique, etc. Il doit Ă©galement faire abstraction des thĂ©ories Ă©tablissant un profil psychologique » pour chaque handicap. Il a pour mission de dĂ©passer ses prĂ©jugĂ©s pour considĂ©rer son patient dans son individualitĂ©, en prenant en compte son vĂ©cu et sa relation avec ses parents qui doivent ĂȘtre inclus dans le handicapĂ© doit aussi ĂȘtre accueilli dans des structures adaptĂ©es Ă ses besoins. Les centres dâaction mĂ©dico-sociale prĂ©coce CAMSP permettent une approche pluridisciplinaire des problĂšmes liĂ©s au handicap des patients ĂągĂ©s de 0 Ă 6 ans. Leur objectif ? IntĂ©grer les parents dans les soins mĂ©dicaux dispensĂ©s Ă leur enfant et apporter un soutien psychologique Ă toute la famille. Certaines structures dâaccueil, non mĂ©dicalisĂ©es, ont une orientation bien diffĂ©rente et misent davantage sur lâinsertion sociale. Elles sont basĂ©es sur le principe de la mixitĂ© puisquâun enfant sur trois est atteint dâune anomalie. Pour lâauteure, ces crĂšches ou garderies innovantes rĂ©pondent Ă une nĂ©cessitĂ© fondamentale. Elles aident le jeune handicapĂ© Ă sâidentifier Ă dâautres enfants porteurs dâune infirmitĂ© afin dâaffirmer son appartenance Ă un groupe » pp. 147-148. Elles ont aussi le mĂ©rite de briser le cercle vicieux de la solitude et de lâexclusion en familiarisant les enfants normaux avec diffĂ©rents types de handicaps. Cette interaction nâest rendue possible que par le choix de la mixitĂ© placer un enfant dans une structure scolaire classique, oĂč il est le seul Ă ĂȘtre porteur dâune anomalie, ne ferait quâaccroĂźtre sa ConclusionForte de ses nombreuses annĂ©es dâexpĂ©rience en suivi psychanalytique, Simone Korff-Sausse propose de dĂ©passer les a priori concernant lâenfant handicapĂ© pour le considĂ©rer en tant quâindividu Ă part entiĂšre. Le handicap constitue Ă©videmment un obstacle majeur Ă lâĂ©tablissement dâun contact et dâun Ă©change nĂ©cessaires Ă toute psychothĂ©rapie. Mais lâenfant frappĂ© dâune anomalie motrice ou mentale est animĂ© dâĂ©motions et de questionnements qui ne demandent quâĂ sâexprimer par le biais de moyens dĂ©tournĂ©s. Câest au psychanalyste de faire preuve de patience pour lâaccompagner dans un processus dâĂ©volution psychique qui lui sera bĂ©nĂ©fique, ainsi quâĂ sa Zone critiqueAvec cet ouvrage, Simone Korff-Sausse se dĂ©marque de la communautĂ© psychanalytique qui prĂ©fĂšre sâintĂ©resser Ă des pathologies pouvant Ă©voluer sur le plan thĂ©rapeutique, comme lâautisme. Pour lâauteure, il faut se dĂ©partir de ces prĂ©jugĂ©s sur le handicap et ouvrir la voie Ă une nouvelle approche lâenfant handicapĂ© est un ĂȘtre en devenir qui a une vie psychique. La parole peut lâaider Ă rĂ©soudre ses conflits intĂ©rieurs et le traumatisme dĂ©coulant de sa diffĂ©rence, mĂȘme dans le cas dâune dĂ©ficience mentale Ă contre-courant des pratiques traditionnelles, lâauteure soutient Ă©galement lâimportance de la transversalitĂ© des savoirs et de la pluridisciplinaritĂ©, quâelle considĂšre indispensable pour lâaccompagnement de lâenfant handicapĂ©. Se plaçant dans le sillage du psychanalyste prĂ©curseur Georges Devereux, elle met dâailleurs en Ćuvre ce concept Ă travers son livre qui fait appel Ă la mythologie, Ă lâhistoire et mĂȘme Ă la Pour aller plus loinOuvrage recensĂ©â Le Miroir brisĂ©, Paris, Ăditions Fayard, Coll. Pluriel », la mĂȘme auteureâ Ăloge des pĂšres, Paris, Hachette, 2009.â Plaidoyer pour l'enfant-roi, Paris, Fayard, pistesâ Philippe Caspar, Le Peuple des silencieux une histoire de la dĂ©ficience mentale, Paris, Ăditions Fleurus, Coll. Psycho-pĂ©dagogie », 1994.â Sandor Ferenczi, Le Traumatisme, Paris, Ăditions Payot, Coll. Petite BibliothĂšque Payot », 2006.â Janine LĂ©vy, Le BĂ©bĂ© avec un handicap, Paris, Ăditions du Seuil, 1991.
Pourl'enfant, avoir un parent handicapé n'est pas toujours facile à vivre. "Il va avoir tendance à protéger son parent et, à force, il peut avoir
"Le plus dur, câest le regard des autres".HĂ©lĂšne et Fernando, parents de Lisa, 18 mois. "En couple depuis une dizaine dâannĂ©es, nous sommes aveugles, notre fille est voyante. Nous sommes comme tous les parents, nous avons adaptĂ© notre style de vie Ă lâarrivĂ©e de notre enfant. Traverser la rue Ă lâheure de pointe avec une fillette dĂ©bordante dâĂ©nergie, faire des courses dans un supermarchĂ© bondĂ©, cuisiner, donner le bain, gĂ©rer les crises⊠Nous avons acquis avec brio ce changement de vie, Ă trois, dans le avec ses quatre sensUne maladie congĂ©nitale nous a fait perdre la vue, vers lâĂąge de 10 ans. Un atout. Car avoir vu, reprĂ©sente dĂ©jĂ beaucoup. Vous ne pourrez jamais imaginer un cheval, ou trouver des mots pour dĂ©crire des couleurs par exemple, Ă quel-quâun qui nâen jamais vus de sa vie, explique Fernando, la quarantaine. Notre labrador nous accompagne, Ă tour de rĂŽle, au travail. Moi, je suis chargĂ© de la stratĂ©gie numĂ©rique Ă la FĂ©dĂ©ration des Aveugles et Amblyopes de France, HĂ©lĂšne est bibliothĂ©caire. Si installer ma fille dans une poussette pourrait soulager mon dos, dit HĂ©lĂšne, ce nâest pas une option envisageable tenir la poussette dâune main et ma canne tĂ©lescopique de lâautre sâavĂ©rerait bien pĂ©rilleux. Si nous avions Ă©tĂ© voyants, nous aurions eu Lisa beaucoup plus tĂŽt. Devenir parents, nous nous y sommes prĂ©parĂ©s avec sagesse et philosophie. Contrairement Ă des couples qui peuvent plus ou moins dĂ©cider dâavoir un enfant sur un coup de tĂȘte, nous, nous ne pouvions pas nous le permettre, admet HĂ©lĂšne. Nous avons aussi eu la chance dâavoir un accompagnement de qualitĂ© durant ma grossesse. Le personnel de la maternitĂ© a vraiment rĂ©flĂ©chi avec nous." "AprĂšs, on se dĂ©brouille avec ce petit ĂȘtre dans les bras⊠comme tout le monde !" poursuit forme de pression sociale"Nous nâavions pas anticipĂ© le nouveau regard portĂ© sur nous. Une forme de pression sociale, qui sâapparente Ă de lâinfantilisation, sâest abattue sur nous", estime Fernando. Le plus dur, câest le regard des autres. Alors que Lisa nâavait que quelques semaines, de nombreux conseils nous avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© prodiguĂ©s par des inconnus âAttention Ă la tĂȘte du bĂ©bĂ©, vous feriez mieux de le tenir comme çaâŠâ, entendions-nous lors de nos promenades. Câest un sentiment trĂšs bizarre que dâentendre des Ă©trangers remettre en cause, sans pudeur, votre rĂŽle de parent. Le fait de ne pas voir nâest pas synonyme de ne pas savoir, met en avant Fernando ! Et pour moi, il nâest pas question dâĂȘtre dĂ©considĂ©rĂ©, surtout aprĂšs 40 ans ! Je me souviens dâune fois, dans le mĂ©tro, il faisait chaud, câĂ©tait lâheure de pointe, Lisa pleurait, lorsque jâai entendu une femme qui parlait de moi âMais voyons, il va Ă©touffer lâenfant, il faut faire quelque chose !â, criait-elle. Je lui ai dit que ses remarques nâintĂ©ressaient personne et que je savais ce que je faisais. Des situations blessantes qui semblent nĂ©anmoins sâattĂ©nuer avec le temps, depuis que Lisa comptons sur la domotiqueAlexa ou encore Siri nous rendent la vie plus facile, câest certain. Mais quid de lâaccessibilitĂ© aux non-voyants en France, seuls 10 % des sites internet nous sont accessibles, 7 % des livres nous sont adaptĂ©s et sur 500 films qui sortent au cinĂ©ma chaque annĂ©e, seulement 100 sont audiodĂ©crits*⊠Je ne sais pas si Lisa sait que ses parents sont aveugles ? se demande Fernando. Mais elle a compris que pour âmontrerâ quelque chose Ă ses parents, elle doit le leur mettre dans les mains ! *Selon la FĂ©dĂ©ration des Aveugles et Amblyopes de FranceJe suis devenu tĂ©traplĂ©gique. Mais pour Luna, je suis un papa comme les autres !Romain, papa de Luna, 7 ans Jâai eu un accident de ski en janvier 2012. Ma compagne Ă©tait enceinte de deux mois. Nous habitions en Haute Savoie. JâĂ©tais pompier professionnel et trĂšs sportif. Je pratiquais le hockey sur glace, du trail, en plus de la musculation auquel tout pompier doit se soumettre. Au moment de lâaccident, jâai eu un trou noir. Au dĂ©but, les mĂ©decins sont restĂ©s Ă©vasifs sur mon Ă©tat. Ce nâest quâĂ lâIRM que jâai compris que la moelle Ă©piniĂšre Ă©tait vraiment abĂźmĂ©e. Sous le choc, les cervicales se sont cassĂ©es et je suis devenu tĂ©traplĂ©gique. Pour ma compagne, ça nâa pas Ă©tĂ© facile elle devait se rendre aprĂšs son travail Ă lâhĂŽpital Ă plus de deux heures de route ou au centre de rééducation. Heureusement, notre famille et nos amis nous ont beaucoup aidĂ©s, notamment en faisant les trajets. Jâai pu aller Ă la premiĂšre Ă©chographie. CâĂ©tait la premiĂšre fois oĂč jâarrivais Ă rester semi-assis sans tomber dans les pommes. Jâai pleurĂ© dâĂ©motion tout le long de lâexamen. Pour la rééducation, je me suis donnĂ© comme objectif de revenir Ă temps pour mâoccuper de ma fille aprĂšs lâaccouchement. Jâai rĂ©ussi⊠à trois semaines prĂšs ! Je regarde les choses du bon cĂŽtĂ© »Jâai pu assister Ă lâaccouchement. LâĂ©quipe nous a fait faire un long peau Ă peau en position semi-couchĂ©e en calant Luna avec un coussin. Câest un de mes plus beaux souvenirs ! A la maison, câĂ©tait un peu difficile je ne pouvais ni la changer, ni lui donner le bain⊠Mais jâallais avec une aide Ă domicile chez la nounou oĂč je mâinstallais sur le canapĂ© durant une bonne heure avec ma fille jusquâau retour de la maman le soir. Petit Ă petit, jâai gagnĂ© en autonomie ma fille Ă©tait consciente de quelque chose, car elle ne bougeait pas du tout quand je la changeais, mĂȘme si ça pouvait durer 15 minutes ! Puis jâai eu un vĂ©hicule adaptĂ©. Jâai repris mon travail dans la caserne deux ans aprĂšs lâaccident, derriĂšre un bureau. Quand notre fille a eu 3 ans, on sâest sĂ©parĂ©s avec sa maman, mais nous sommes restĂ©s en trĂšs bons termes. Elle est retournĂ©e en Touraine dâoĂč nous sommes originaires, jâai dĂ©mĂ©nagĂ© aussi pour continuer Ă Ă©lever Luna et nous avons optĂ© pour la garde alternĂ©e. Luna ne mâa connu que handicapĂ©. Pour elle, je suis un papa comme un autre ! Je continue les dĂ©fis sportifs, comme le montre mon compte IG*. Elle sâĂ©tonne parfois des regards des gens dans la rue, mĂȘme sâils sont toujours bienveillants ! Notre complicitĂ© est trĂšs importante. Au quotidien, je prĂ©fĂšre regarder les choses du bon cĂŽtĂ© il y a plein dâactivitĂ©s que jâarrive Ă adapter pour les faire avec elle. Son moment prĂ©fĂ©rĂ© ? Le week-end, elle a le droit de regarder un long dessin animĂ© on sâinstalle tous les deux sur le canapĂ© pour le regarder ! » * On a dĂ» adapter tout le matĂ©riel de puĂ©riculture. »Olivia, 30 ans, deux enfants, Ădouard, 2 ans, et Louise, 3 18 ans, le soir du 31 dĂ©cembre, jâai eu un accident jâai basculĂ© du balcon du premier Ă©tage de la maison dâamis en Haute-Savoie. La chute a fracturĂ© ma colonne vertĂ©brale. Quelques jours aprĂšs ma prise en charge dans un hĂŽpital de GenĂšve, jâai appris que jâĂ©tais paraplĂ©gique et que je ne marcherai plus jamais. Mon monde ne sâest pas Ă©croulĂ© pour autant, car je me suis immĂ©diatement projetĂ©e sur lâavenir comment allais-je faire pour relever les dĂ©fis qui mâattendaient ? Cette annĂ©e-lĂ , en plus de ma rééducation, jâai suivi mes cours de terminale et jâai passĂ© mon permis de conduire sur une voiture adaptĂ©e. Au mois de juin, jâavais mon bac et jâai dĂ©cidĂ© de continuer mes Ă©tudes en Ile-de-France, oĂč ma sĆur de treize ans mon aĂźnĂ©e sâĂ©tait installĂ©e. Câest Ă la fac de droit que jâai rencontrĂ© mon compagnon avec qui je suis depuis douze tĂŽt, mon aĂźnĂ© a su se tenir deboutOn a dĂ©cidĂ© dâavoir un premier bĂ©bĂ© quand nos deux carriĂšres ont Ă©tĂ© Ă peu prĂšs stables. Ma chance, câest dâavoir Ă©tĂ© suivie dĂšs le dĂ©but par lâinstitut de Montsouris, spĂ©cialisĂ© dans lâaccompagnement des personnes en situation de handicap. Pour dâautres femmes, ce nâest pas aussi simple ! Certaines mamans me contactent sur mon blog pour me dire quâelles ne peuvent pas bĂ©nĂ©ficier dâun suivi gynĂ©cologique ou passer une Ă©chographie car leur gynĂ©co nâa pas de table qui sâabaisse ! En 2020, ça paraĂźt fou ! On a dĂ» trouver du matĂ©riel de puĂ©riculture adaptĂ© pour le lit, on a fabriquĂ© un modĂšle surĂ©levĂ© sur mesure avec une porte coulissante ! Pour le reste, on a rĂ©ussi Ă trouver des tables Ă langer et une baignoire sur pieds oĂč je peux passer avec le fauteuil pour donner le bain seule. TrĂšs tĂŽt, mon aĂźnĂ© a su se tenir debout pour que je puisse lâattraper plus facilement ou sâinstaller seul dans son siĂšge-auto. Mais depuis quâil est grand frĂšre et quâil est entrĂ© dans le âterrible twoâ, il se conduit comme tous les enfants. Il sait trĂšs bien faire la serpilliĂšre quand je suis seule avec lui et sa petite sĆur pour que je ne puisse pas lâattraper. Les regards dans la rue sont plutĂŽt bienveillants. Je nâai pas de souvenirs de remarques dĂ©sagrĂ©ables, mĂȘme quand je me dĂ©place avec mon âgrandâ et la petite en plus dur Ă vivre lâincivilitĂ© ! En revanche, lâincivilitĂ© de certains est assez dure Ă vivre au quotidien. Chaque matin, je dois partir 25 minutes plus tĂŽt pour aller Ă la crĂšche qui nâest quâĂ 6 minutes en voiture. Parce que des parents qui dĂ©posent leur enfant se mettent sur la place handicapĂ©e âjuste pour deux minutesâ. Or, cette place nâest pas seulement plus proche, elle est aussi plus large. Si elle est occupĂ©e, je ne peux pas me mettre ailleurs, car je nâaurais pas la place pour sortir ni mon fauteuil roulant, ni mes enfants. Elle est vitale pour moi et moi aussi, je dois me dĂ©pĂȘcher pour me rendre au travail, comme eux ! MalgrĂ© mon handicap, je ne mâinterdis rien. Le vendredi, je suis seule avec les deux et je les emmĂšne Ă la mĂ©diathĂšque. Le week-end, on part faire du vĂ©lo en famille. Jâai un vĂ©lo adaptĂ© et le grand est sur sa draisienne. Câest top ! »
Cerema- Handicaps et usages - octobre 2013 3/16 Fiche n° 01 â Handicaps mentaux, cognitifs et psychiques Les personnes ayant un handicap mental cognitif ou psychique reprĂ©sentent une fraction invisible mais consĂ©quente de la population et leurs difficultĂ©s sont proches de celles de nombreuses personnes non considĂ©rĂ©es comme handicapĂ©es.
Pajot-Laforet, Ălodie 2017 Citation bibliographique Pajot-Laforet, Ălodie 2017, Ăthique de la parentalitĂ© acceptabilitĂ© du dĂ©sir de parentalitĂ© chez des personnes prĂ©sentant un handicap mental ou dans le cas d'une demande de procrĂ©ation mĂ©dicalement assistĂ©e post-mortem [ThĂšse]
Cest une juge qui a dû donner son avis sur la vasectomie d'un handicapé mental au Royaume-Uni. L'homme de 36 ans, déjà pÚre d'un enfant, est "incapable" d'utiliser une contraception
9 minutes de lecture. Le terme surdouĂ©s » est habituellement associĂ© aux enfants. La plupart des mĂ©canismes de dĂ©tection sâadressent dâailleurs aux enfants, partant du principe quâil faut agir tĂŽt pour apprendre Ă maitriser son don â et quâaprĂšs cela sera trop tard. Mais, dĂ©tectĂ© ou non, lâenfant deviendra adulte et la douance ne se perd pas pour autant ! IgnorĂ©s, les enjeux propres aux adultes surdouĂ©s peuvent mener Ă des dĂ©sastres relationnels voir personnels. Mais lorsque les talents sont identifiĂ©s et cultivĂ©s, ces mĂȘmes traits dâagitation », de multipotentialitĂ© », de cĂ©lĂ©ritĂ© et dâincroyables compĂ©tences, transforment les adultes surdouĂ©s en entrepreneurs et leaders brillants ! Alors comment reconnaitre un adulte surdouĂ© ? Pour les ex-enfants surdouĂ©s devenus adultes, voici cinq signes qui pourraient indiquer que vous ĂȘtes un vrai haut potentiel ! 1. Lâadulte surdouĂ© a eu une expĂ©rience douloureuse de lâ Etre intensĂ©ment tout » le surdouĂ© dans le monde du travail3. Lâadulte HQI, ce grand Il passe dâun emploi Ă lâ Il est volatil en amour et en amitiĂ©Autres signes du Haut Potentiel Adulte 1. Lâadulte surdouĂ© a eu une expĂ©rience douloureuse de lâĂ©cole. La plupart des Ă©coles ne sont pas conçues pour les Ă©lĂšves surdouĂ©s, socialement ou acadĂ©miquement. Vous auriez pu devenir un hĂ©ros du cours de français ou juste avoir de bonnes notes mais vous vous ennuyiez tellement que vous avez prĂ©fĂ©rĂ© construire votre monde plutĂŽt que suivre les cours. Câest un signe fort pour lâhpi adulte les rĂ©sultats scolaires Ă©taient au mieux passables. Sur le plan social, lâadulte surdouĂ© a gĂ©nĂ©ralement Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme le/la solitaire qui pensait beaucoup, mais qui nâa jamais dit grand-chose, voir un fauteur de troubles que tout le monde croyait en route pour lâadolescence parce que la classe Ă©tait trop lente et quâil fallait bien passer le temps. Lâadulte surdouĂ© a aussi Ă©tĂ© plus probablement victime dâintimidation ou de harcĂšlement. Les Ă©tudiants et les professeurs, leur ont donnĂ© lâimpression de ne pas vraiment vouloir lâintĂ©grer. Et il ne lâa pas fait non plus il Ă©tait plus crĂ©atif, plus curieux, plus observateur et plus intelligent que les autres et parfois ses Ă©changes avec ses camarades lui apparaissaient franchement triviaux. Il a donc rĂ©trĂ©ci jusquâĂ disparaitre », ou- au contraire- surcompensĂ© pour montrer au monde de quelle Ă©toffe il Ă©tait vraiment fait en sâoffrant le luxe de sâaligner sur les plus bĂȘtas des ados. Cette douloureuse expĂ©rience au lycĂ©e est le prix Ă payer pour un esprit qui fonctionne diffĂ©remment plus vaste, performant, rapide. Mais si personne lui a dit un jour Tu devais te dĂ©marquer, pas te fondre dans la masse silencieuse ou turbulente », alors bien souvent lâado surdouĂ© est passĂ© Ă cĂŽtĂ© de son adolescence et lâadulte qui en est nĂ© porte une forme de blessure en lui. Pour aller plus loin quelques livres recommandĂ©s ! 19,90⏠sur Amazon â cliquez sur lâimage pour accĂ©der au produit 18⏠sur Amazon â cliquez sur lâimage pour accĂ©der au produit 15⏠sur Amazon â cliquez sur lâimage pour accĂ©der au produit 2. Etre intensĂ©ment tout » le surdouĂ© dans le monde du travail LâintensitĂ© est en fait le rĂ©sultat de la sensibilitĂ© les adultes surdouĂ©es perçoivent et ressentent les choses beaucoup plus fortement que les autres voir la dĂ©finition du surdouĂ© sur ce site. Ăa peut ĂȘtre formidable en amitiĂ©, mais câest gĂ©nĂ©ralement catastrophique au travail. Câest dâailleurs Ă cela que lâon peut reconnaitre un surdouĂ© au travail Il y a chez lâadulte haut potentiel une intensitĂ© et une rapiditĂ© dans la façon dâaborder la vie que les autres ne peuvent pas comprendre â et cela les effraie parce quâils ne peuvent pas suivre. Mais câest cette mĂȘme intensitĂ© qui fait de lâadulte haut potentiel un Ă©norme⊠potentiel de succĂšs. Peut-ĂȘtre, en tant quâadulte surdouĂ©, avez-vous une capacitĂ© de traitement olfactif supĂ©rieure qui vous permet de devenir chef ou sommelier haut de gamme. Ou vous pourriez avoir un sens accru de lâempathie, vous conduisant Ă devenir un recruteur gĂ©nial pour votre entreprise. Au travail, la diversitĂ© des talents de lâadulte haut potentiel, sa trĂšs grande motivation pour conquĂ©rir des savoirs nouveaux pour peu quâils lâintĂ©ressent, sa capacitĂ© a passer dâune problĂ©matique complexe Ă une autre sans efforts peuvent ĂȘtre prĂ©cieux pour lâemployeur. Dans un environnement adĂ©quat le surdouĂ© brillera et apportera une valeur importante Ă son entreprise. Mais si lâadulte surdouĂ© se retrouve dans lâentreprise comme Ă lâĂ©cole ; câest-Ă -dire contraint Ă des tĂąches subalternes Ă son intelligence, alors il sâĂ©teindra ou sera condamnĂ© Ă courir de job en job pour Ă©chapper Ă un ennui qui ne cessera de le rattraper. Câest un autre signe quâun adulte est surdouĂ© Reconnaitre un adulte surdouĂ© â les signes en vidĂ©o 3. Lâadulte HQI, ce grand perfectionniste. Ce nâest pas le perfectionnisme maniaque qui exige que les chaussettes bleues soient sĂ©parĂ©es de trois centimĂštres des chaussettes vertes. Non heureusement ! Câest un perfectionnisme beaucoup plus global les adultes douĂ©s ont un besoin profond dâordre et de beautĂ©. Ce perfectionnisme câest dâabord une croyance en ses idĂ©aux ; le refus de transiger avec. Ainsi lâadulte surdouĂ© peut se discrĂ©diter dans une entreprise car il refusera corps et Ăąme Ă ĂȘtre politique ; plantant par la mĂȘme son Ă©quipe, car la politique est un mal inhĂ©rent Ă toute entreprise humaine. Son enjeux sera alors de maĂźtriser son perfectionnisme, car Ă lâĂ©tat brut ce dernier peut prendre le contrĂŽle de sa vie et lâaspirer dans un piĂšge de TOC » qui ne servent personne comme le refus de la politique par exemple. La thĂ©rapie peut lâaider Ă rĂ©soudre ces problĂšmes et Ă trouver un Ă©quilibre entre ses idĂ©aux et la nĂ©cessaire rĂ©alitĂ© du monde. Mais il faudra veiller alors Ă ne jamais abandonner le perfectionnisme, car câest la sensibilitĂ© tirĂ©e de ce dernier qui crĂ©e des symphonies fantastiques, les Pyramides de Gizeh ou lâiPhone. Pour lâadulte surdouĂ©, il sâagit plutĂŽt de trouver un moyen dâapprivoiser et de diriger, et non dâĂ©craser, son perfectionnisme ; comme Karajan le ferait pour diriger une symphonie. 4. Il passe dâun emploi Ă lâautre. En tant quâadultes, on sâattend Ă ce que nous choisissions un ensemble de compĂ©tences et que nous les dĂ©veloppions tout au long de notre carriĂšre. Mais les adultes surdouĂ©s ont souvent plusieurs carriĂšres parce quâils ont des talents multiples, des passions multiples et des compĂ©tences multiples. Ils sont Ă©galement plus enclin aux crises existentielles, mĂȘme au-delĂ des crises typiques de la trentaine et de la quarantaine. Mais câest juste parce quâun cheminement de carriĂšre ne le comble plus aprĂšs six mois, alors que la plupart des gens atteindraient ce point aprĂšs six ans. Il se demandent sans cesse Et ensuite? » et pensent au prochain virage. Pour le reste du monde qui peut ĂȘtre nausĂ©eux en lisant ces CV aussi volatiles », câest assez dur Ă comprendre et les interprĂ©tations fusent rapidement non on ne lâembauche pas ; Ă quarante an il ne sâest pas encore trouvĂ© », câest un mercenaire qui chasse le salaire » ou bien pire encore, la remarque de la Belle MĂšre Pierre qui roule nâamasse pas mousse⊠Quand se prĂ©occupera-t-il enfin de sa famille ? ». Mais pour le surdouĂ© au travail câest vital le monde de lâentreprise, cela a lâair mou, flou et peu fiable. 5. Il est volatil en amour et en amitiĂ© Je le concĂšde, ce point est plus discutable et ne sâapplique quâaux surdouĂ©s entourĂ©s de non-surdouĂ©s. Les adultes surdouĂ©s ont souvent du mal Ă se fixer sur des personnes, parce quâils grandissent bien plus rapidement que les non surdouĂ©s. Ils grandissent toujours, intellectuellement et Ă©motionnellement. Un conjoint ou un partenaire peut ĂȘtre un bon compagnon pour une Ă©tape de leur vie, mais cela ne signifie pas nĂ©cessairement quâils seront compatibles pour toujours. Aussi le surdouĂ© verra ses amitiĂ©s varier plus rapidement au fil de sa vie que lâindividu lambda. En amour la chose pourra devenir plus dĂ©licate dans certaines pĂ©riodes de la vie ou les changements sont importants pensez Ă vos trente ans et comparez-les Ă vos vingt ans, car il pourrait Ă©voluer plus rapidement que son compagnon / sa compagne et creuser un fossĂ© bien vite irrĂ©versible⊠Autres signes du Haut Potentiel Adulte HyperesthĂ©sie rĂ©ceptivitĂ© sensorielle accrue â par exemple ne pas supporter le bruit ou les lumiĂšres fortesHypersensibilitĂ© Ă©motionnelleActivitĂ© cĂ©rĂ©brale intense â difficultĂ© Ă ne pas penser aux choses ou Ă sâarrĂȘter de penser â par exemple pour sâendormirTraitement plus rapide et arborescent des informations et des perceptionsUn dĂ©ficit dâinhibition latente qui empĂȘche le filtrage des informations moins importantes et entraĂźne une surcharge du cerveau hyperconscience, il voit tout, entend tout, enregistre toutâŠ.Un mode de raisonnement global et inconscient qui lui permet dâarriver aux bons rĂ©sultats sans ĂȘtre capable dâexpliquer les Ă©tapes ayant conduit Ă la rĂ©solution du problĂšme. Comme si on ne raisonnait que par intuitions » sans jamais pouvoir retracer le fil de son sentiment intense de diffĂ©rence et dâincomprĂ©hension mutuelle avec le reste du le sentiment de se voir vivre sa vie, dâĂȘtre simplement spectateur et non acteur de son existence, de ne pas ĂȘtre » lĂ . Avec un risque Ă la clĂ© de dĂ©pression ou crise existentielle
2207/2021 21:28. Bsr, Les textes ne sont pas trĂšs prĂ©cis, lâabattement de 159 325 ⏠est susceptible de jouer pour tout hĂ©ritier, lĂ©gataire ou donataire dans lâincapacitĂ© de travailler dans des conditions normales de rentabilitĂ© en raison d'un handicap physique ou mental, congĂ©nital ou acquis.
Le frĂšre dâAlbane est handicapĂ©. Toute sa vie, elle sâest sentie lĂ©sĂ©e et mise au second plan. Elle souhaite aujourdâhui parler de cette place particuliĂšre de sĆur de personne handicapĂ©e. Depuis 21 ans, le handicap fait partie de ma vie. Mais ce nâest pas moi qui suis handicapĂ©e, câest mon frĂšre qui lâest. Je trouve quâon ne parle pas beaucoup des frĂšres et sĆurs dans lâĂ©quation du handicap. Alors aujourdâhui jâavais envie de dire HĂ© ho on est lĂ , on existe, coucou ! ». Et peut-ĂȘtre que toi qui me lis, tu es dans le mĂȘme cas que moi, et que ça te fera du bien de voir que tu nâes pas seule. Le handicap de mon frĂšre Jâai un schĂ©ma familial assez classique deux parents et deux grands frĂšres. Le premier qui a 29 ans et puis un second qui a 27 ans. Câest lâaĂźnĂ© de notre fratrie qui est porteur dâun handicap. Il est Infirme Moteur CĂ©rĂ©brale IMC, avec une lĂ©sion au nerf optique et un syndrome Ă©pileptique. En gros il ne marche pas et nâa pas toutes ses capacitĂ©s cĂ©rĂ©brales. Il est myope comme une taupe et sa lĂ©sion fait quâil a des trous » dans la vue. Par exemple, il peut voir une miette de pain, mais pas forcĂ©ment une tomate. Dans notre malheur » on a un peu de chance puisque mon frĂšre parle trĂšs bien et nous comprend. Par contre il gĂšre assez mal ses Ă©motions, nâaime pas vraiment lâimprĂ©vu et a une obsession pour la nourriture. Mon frĂšre handicapĂ©, notre relation complexe Notre relation nâas pas toujours Ă©tĂ© facile. Toute mon enfance, jusquâĂ mes 15-16 ans, jâai ressenti beaucoup de haine pour lui. Quand je passais dans le mĂȘme couloir que lui, trop prĂšs de son fauteuil roulant, il me tirait les cheveux. Quand on Ă©tait Ă table jâavais droit Ă des jolis noms dâoiseaux sale pute, connasse, salope⊠et tout le tralala. Il restait mon frĂšre, mais je ne voyais pas pourquoi je ne pouvais pas rĂ©pliquer comme je le ferais avec le second, alors moi aussi je lui tirais les cheveux, lui donnais des claques et lâinsultais. Ce que je viens de dire doit en choquer plus dâune⊠mais pour moi, mon frĂšre est normal handicap ou pas, jâaurais agi de la mĂȘme maniĂšre. Il y a beaucoup de choses que je nâai jamais pu faire parce que mon frĂšre Ă©tait lĂ . Aller au cinĂ©ma, dans des parcs dâattraction, en week-end ou vacances improvisĂ©es, au ski⊠Ou tout simplement ĂȘtre toute seule avec mes parents. MĂȘme si jâai toujours eu des petites attentions de ma mĂšre et mon pĂšre, il y aussi eu beaucoup de conflits. Jâavais lâimpression quâils ne mâaimaient pas autant que lui. Je me sentais seule, je le sentais privilĂ©giĂ© » il me privait du temps que jâaurais pu passer avec eux. Tout cela peut paraĂźtre superficiel, mais ça ne lâest pas pour une enfant de 8 ou 9 ans. Parfois, je lâavoue, je souhaitais quâil meure, quâil disparaisse pour avoir enfin une famille normale »⊠à lire aussi Les handicaps face au monde du travail â Les madmoiZelles tĂ©moignent Mon frĂšre handicapĂ©, mon secret On mâa souvent cataloguĂ©e comme la sĆur de » et ça a dĂ©coulĂ© sur des rĂ©flexions trĂšs dures. La pire remarque quâon mâa adressĂ©e, câĂ©tait en primaire Aaah ne me touche pas je vais attraper la maladie de ton frĂšre ! » Alors comme un systĂšme de dĂ©fense, jâai fini par cacher cette partie de ma vie. Ăa nâa pas durĂ© longtemps, mais pendant une partie de mon collĂšge je nâen parlais pas, ou Ă trĂšs peu de personnes. Jâavais extrĂȘmement honte. Lorsquâon me demandait si jâavais des frĂšres et sĆurs et ce quâils faisaient dans la vie, je rĂ©pondais que je nâavais quâun seul frĂšre. CâĂ©tait difficile, je parlais trĂšs peu du cauchemar que je vivais Ă la maison. Le poids du secret Ă©tait parfois trĂšs lourd Ă porter. Plusieurs fois dans ma vie, jâai eu lâoccasion de rencontrer des psychologues, pour diffĂ©rentes raisons, ce qui mâa beaucoup aidĂ©e, permis de faire le point et dâavancer. Ăa mâa fait beaucoup de bien de parler sans jugement et dans la bienveillance. Quand je suis rentrĂ©e au lycĂ©e, je me suis sentie mieux et moins jugĂ©e, alors jâai commencĂ© Ă plus assumer. Je nâavais plus lâĂ©tiquette frĂšre handicapĂ© » collĂ©e sur mon front. Ăa a mĂȘme suscitĂ© lâintĂ©rĂȘt de plusieurs personnes qui mâont posĂ©es plein de questions pour comprendre mon quotidien, et jâai trouvĂ© ça plutĂŽt valorisant. Certains de mes amis ont rencontrĂ© mon frĂšre, et ont Ă©tĂ© impressionnĂ©s de toute lâĂ©motion quâil dĂ©gage. Mon frĂšre handicapĂ©, ma fiertĂ© Aujourdâhui notre relation sâest apaisĂ©e, on se voit beaucoup moins souvent donc on profite un peu plus des moments ensemble. Son handicap Ă©volue mais pour lâinstant tout va bien pour lui. Ă lire aussi Besoin dâune bourse pour Ă©tudiante handicapĂ©e ? Câest le moment de candidater ! Il gagne en autonomie sur certains aspects ; son activitĂ© favorite est par exemple dâappeler tout le monde avec son tĂ©lĂ©phone, mĂȘme si les appels restent courts. Il nâa pas lâhabitude de gĂącher sa salive pour du bla-bla inutile. Souvent nos conversations se limitent à ça â Bonjour Albane. â Salut, alors tu as passĂ© une bonne journĂ©e ? â Au revoir Albane. Ăa me fait rire⊠et au moins, je sais quâil pense Ă moi ! Mon frĂšre nâa pas eu accĂšs Ă lâĂ©cole mais mes parents lui ont appris beaucoup de choses, notamment pendant les longues heures dâattente Ă lâhĂŽpital. Et comme il aime beaucoup les jeux tĂ©lĂ©visĂ©s, le combo lui a permis dâavoir une bonne culture gĂ©nĂ©rale. En plus, il a une mĂ©moire impressionnante alors capitales, pays, rĂ©gions, dĂ©partements, prĂ©fectures⊠Il connaĂźt bien. Il a lâoreille absolue lâaptitude Ă reconnaitre les notes dâun son et Ă les reproduire, et joue du piano depuis des annĂ©es. Jâai parfois le plaisir de lâentendre jouer du Aya Nakamura, des gĂ©nĂ©riques de sĂ©ries et du Mozart Ă la suite. Et dans ces moments-lĂ , quâest-ce que je suis fiĂšre de lui ! Mon frĂšre handicapĂ©, ma responsabilitĂ© Ăvidemment, le handicap de mon frĂšre conditionne ma vie et mes choix. Je suis jeune et je veux profiter au maximum parce que je sais que mes parents ne sont pas Ă©ternels, et que jâaurai la charge de mon frĂšre tĂŽt ou tard. Il sera toujours un facteur dĂ©cisif dans mes choix. Je me vois mal partir Ă lâautre bout du monde et le laisser tout seul pour des fĂȘtes de famille importantes, par exemple. De mĂȘme, il est essentiel pour moi que la personne qui partage ma vie accepte mon frĂšre et toutes les choses que sa situation implique dans ma vie. Mes parents ont eu la force dâavoir dâautres enfants aprĂšs lui et je les remercie, car sinon je ne serais pas lĂ . Ils ont tout fait pour quâon ne se sente pas Ă©cartĂ©s et quâon soit une vraie fratrie. Ils nous aiment tous de la mĂȘme façon, mĂȘme si jâai mis du temps Ă le comprendre. Ils nous poussent Ă donner le meilleur de nous-mĂȘme. Eux ont fait ce choix courageux, mais moi je ne le ferais pas. Jâaimerais avoir des enfants mais si je dĂ©couvre pendant la grossesse un handicap, jâeffectuerais une IVG. Je ne veux pas faire vivre Ă mes enfants ce que jâai vĂ©cu. Les moments difficiles ne sont pas terminĂ©s, mais aujourdâhui jâai beaucoup de recul sur mon frĂšre, notre relation et lâimpact quâil a eu sur ma vie. Ce nâest pas tout rose mais ce nâest pas un monstre. Câest mon frĂšre et je lâaime. Ă lire aussi Jâai perdu la vue Ă 19 ans TĂ©moignez sur Madmoizelle ! Pour tĂ©moigner sur Madmoizelle, Ă©crivez-nous Ă [email protected] On a hĂąte de vous lire !
Francket Gwenaelle, tous deux parents dâun enfant en handicap mental, accueillent ce jour-lĂ une famille semblable Ă la leur dans un gĂźte des PyrĂ©nĂ©es. Ils lui propose des activitĂ©s
Bretagne/Pays-de-Loire, vendredi 17 mars 2017 soutient le colloque organisĂ© par l'association Grandir d'un Monde Ă l'Autre Devenir parents... Quels cheminements quand on a un handicap ? Le dĂ©sir humain est insondable. Il se laisse deviner en filigrane dans nos demandes, nos façons dâĂȘtre, de faire. Dans nos malaises aussi. Que dĂ©sire-t-on lorsque l'on souhaite un enfant ? Avoir un enfant ? Vivre une grossesse ? Devenir parent ? Consolider son couple ? Fonder une famille ? Revivre son enfance ? La rĂ©parer ? Peut-ĂȘtre tout cela Ă la fois... Autant de rĂ©ponses que dâindividus, rien ne peut se prĂ©dire. Ce dĂ©sir est ce que chacun a de plus intime, de plus singulier, il Ă©chappe au sujet luimĂȘme. Avoir un handicap nây change rien. Et pourtant, ça change tout ! POUR VOUS INSCRIRE contact Olivier RABALLAND 06 25 81 23 67 ZoĂ© BOUVIER zbouvier // 09 72 39 82 86
Pourune personne en situation de handicap mental, la notion detemps diffĂšre de la nĂŽtre. Tout en respectant son cheminement, il est souhaitable de donner un peu « de temps au temps ». Ăprouver et discerner, de maniĂšre adaptĂ©e, lâappel Ă ĂȘtre tĂ©moin de JĂ©sus-Christ nous paraĂźt indispensable. [] 117 VOCATIONS ET HANDICAPS
Par DorothĂ©e Pierry - Mis Ă jour le 12 mai 2022 . Quels sont les dĂ©dommagements de lâaidant familial ? Quelles aides financiĂšres pour sâoccuper de ses parents? Il existe des aides financiĂšres pour le maintien Ă domicile. Entre autres, il est possible dâĂȘtre salariĂ© ou dĂ©dommagĂ© par un proche malade dont on doit sâoccuper grĂące au statut dâaidant familial en savoir plus. Il sâagit toutefois dâun engagement particulier Ă ne pas prendre Ă la lĂ©gĂšre voir les avantages et les inconvĂ©nients. Si la personne dĂ©pendante perçoit une aide sociale telle que lâAllocation PersonnalisĂ©e dâAutonomie APA ou la Prestation de Compensation du Handicap PCH, elle peut sâappuyer sur celle-ci pour rĂ©munĂ©rer ou dĂ©frayer son aidant familial voir les aides sociales concernĂ©es et comment ça marche. Le statut dâaidant familial peut aussi donner lieu Ă des avantages fiscaux, ouvrir un droit au chĂŽmage ou permettre dâĂȘtre affiliĂ© gratuitement Ă lâassurance vieillesse voir les droits des aidants familiaux. Par ailleurs, les personnes sâoccupant dâun parent malade peuvent bĂ©nĂ©ficier de congĂ©s spĂ©cifiques ouvrant droit Ă une rĂ©munĂ©ration ou une prestation particuliĂšre voir les dĂ©tails. Enfin, si vous souhaitez accompagner un parent ou un proche ĂągĂ© dans son quotidien, plusieurs aides existent voir lesquelles. Pour en savoir plus sur le statut dâaidant familial et savoir si vous pouvez ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© tout en vous occupant dâun parent malade, parcourez la suite de cet article. Sommaire Salaires et dĂ©dommagements de lâaidant familial mode dâemploi Aidants familiaux les rĂšgles Ă connaĂźtre Statut aidant familial avantages et inconvĂ©nients Quelles aides financiĂšres pour sâoccuper dâun parent malade ? Aide financiĂšre pour sâoccuper dâun parent ĂągĂ© APA et droit au rĂ©pit Aidant familial dâune personne handicapĂ©e dĂ©dommagement de la PCH Aidant familial dâun enfant handicapĂ© percevoir lâAEEH Aide pour sâoccuper dâun proche invalide la Majoration Tierce Personne Quelles aides pour sâoccuper dâun parent ĂągĂ© ? Aide financiĂšre du dĂ©partement pour une aide mĂ©nagĂšre Aide pour le portage des repas Aide pour couvrir les frais liĂ©s Ă la perte dâautonomie lâAPA Aides pour adapter le logement dâun proche ĂągĂ© Vous faire accompagner pour aider un proche ĂągĂ© le CLIC Devenir aidant familial quels sont vos droits ? Lâaffiliation gratuite Ă lâassurance vieillesse pour les aidants familiaux Droit au chĂŽmage pour les aidants familiaux salariĂ©s Statut des aidants familiaux avantages et dĂ©ductions fiscales CongĂ© proche aidant quelle rĂ©munĂ©ration durant cette pĂ©riode ? Le congĂ© de proche aidant anciennement âcongĂ© de soutien familialâ Le congĂ© de solidaritĂ© familiale pour assister un proche en fin de vie Le congĂ© de prĂ©sence parentale pour enfant malade ou handicapĂ© Salaires et dĂ©dommagements de lâaidant familial mode dâemploi Lorsquâune personne est en perte dâautonomie ou souffre dâune maladie chronique nĂ©cessitant la prĂ©sence dâune tierce personne, il arrive frĂ©quemment quâun proche doive lui apporter une aide quotidienne ou trĂšs rĂ©guliĂšre. Pour soutenir cette implication, le statut âdâaidant familialâ a Ă©tĂ© créé. Il permet notamment de bĂ©nĂ©ficier dâaides sociales sous certaines conditions. Aidants familiaux les rĂšgles Ă connaĂźtre Vous avez un proche qui est ĂągĂ© ou en perte dâautonomie et vous avez diminuĂ© votre activitĂ© professionnelle pour lui venir en aide ? Votre enfant est en situation de handicap et vous avez dĂ» arrĂȘter de travailler pour vous occuper de lui ? Sachez que vous pouvez bĂ©nĂ©ficier du statut dâaidant familial. Ce dernier ouvre alors droit Ă des aides financiĂšres et des congĂ©s spĂ©cifiques. Il peut vous permettre dâĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© ou dĂ©dommagĂ© par la personne que vous aidez voir la diffĂ©rence ci-dessous. Les aides liĂ©es Ă ce statut varient en fonction de lâĂąge, du lien familial et de la situation familiale, sociale, professionnelle de votre proche, mais aussi de votre situation personnelle. Lâaidant familial, aussi appelĂ© le âproche aidantâ, est la personne qui assiste une personne dĂ©pendante de maniĂšre RĂ©guliĂšre Non professionnelle Permanente ou non Lâaide apportĂ©e par le proche aidant peut prendre plusieurs formes soins divers, aide administrative, activitĂ©s domestiques, gestes de la vie quotidienne, courses, etc. Toute personne salariĂ©e peut ainsi ĂȘtre amenĂ©e un jour Ă ĂȘtre aidant familial pour lâun de ses proches, quâil sâagisse dâun parent, dâun conjoint, dâun enfant handicapĂ©, dâun frĂšre ou dâune sĆur. Ătre dĂ©dommagĂ© ou ĂȘtre salariĂ© en tant quâaidant familial quelle diffĂ©rence ? Certains proches ne peuvent pas ĂȘtre salariĂ©s par la personne quâils aident. Câest le cas des conjoints, concubins et partenaires de Pacs voir le dĂ©tail de chaque aide ci-dessous. Ils peuvent en revanche toucher un dĂ©dommagement comme cela peut ĂȘtre le cas, par exemple, avec la Prestation de Compensation du Handicap PCH. Dans le cas dâun dĂ©dommagement, lâaidant familial est dĂ©frayĂ© et non salariĂ© il perçoit une compensation pour sa fonction dâaidant familial, mais aucun contrat de travail nâest signĂ©. Le dĂ©dommagement versĂ© est plafonnĂ© et les sommes perçues sont Ă dĂ©clarer aux impĂŽts. En revanche, contrairement au salariat familial, le systĂšme du dĂ©dommagement nâentraĂźne pas de paiement de charges patronales par le proche aidĂ© et ne donne aucun droit social particulier Ă lâaidant. Il est par ailleurs possible de continuer Ă exercer son activitĂ© professionnelle Ă temps partiel et de percevoir en plus un dĂ©dommagement en tant quâaidant familial. Enfin, un proche peut Ă la fois vous verser un salaire et un dĂ©dommagement pour lâaide que vous lui apportez. Pour comprendre le fonctionnement au cas par cas, consultez la liste dĂ©taillĂ©e des aides disponibles ci-dessous. Statut aidant familial avantages et inconvĂ©nients DĂ©gager du temps pour sâoccuper dâun proche et percevoir un salaire ou un dĂ©dommagement pour cette prise en charge comporte des avantages et des inconvĂ©nients. Le premier aspect positif, bien sĂ»r, câest le soutien que vous offrez Ă votre proche, et le âconfortâ temporaire que cela peut apporter Ă lâun comme Ă lâautre. Votre proche est pris en charge par une personne quâil connaĂźt bien, et de votre cĂŽtĂ© vous valorisez financiĂšrement lâaide que vous lui apportez. Cependant, mesurez bien lâimpact dâune telle organisation sur le long terme. En effet, lorsque vous interrompez votre activitĂ© professionnelle pour vous occuper dâun parent malade, certains risques existent, Ă savoir Une perte de revenus malgrĂ© les aides perçues faites bien votre calcul avant de quitter votre emploi pour vous occuper dâun proche malade. Renseignez-vous Ă©galement sur les dons de jours de repos entre collĂšgues afin de vous absenter temporairement sans perte de salaires Un retour difficile Ă lâemploi lorsque vous ne serez plus aidant il est important dâenvisager votre situation de proche aidant sur le long terme Un risque de conflits avec les autres membres de la famille mieux vaut discuter avec vos proches de cette Ă©ventuelle rĂ©munĂ©ration dâaidant familial avant de prendre votre dĂ©cision Un manque de compĂ©tences mĂȘme si des formations sont proposĂ©es pour les aidants familiaux, mesurez bien la difficultĂ© de la tĂąche Ă accomplir avant de vous lancer. Les personnes en perte dâautonomie ont souvent besoin dâun accompagnement rĂ©alisĂ© par des professionnels. Besoin dâinformations sur le proche aidant qui contacter ? Ainsi, avant de vous engager dans cette dĂ©marche, prenez le temps de bien considĂ©rer lâengagement nĂ©cessaire et rapprochez-vous si besoin des interlocuteurs concernĂ©s par ce sujet, Ă savoir Votre Conseil dĂ©partemental LâAssociation française des Aidants La MDPH La CAF Le CCAS de votre commune Le CLIC ⊠Quelles aides financiĂšres pour sâoccuper dâun parent malade ? Il existe plusieurs moyens dâĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© ou dĂ©dommagĂ© en tant quâaidant familial. Cela dĂ©pend du lien qui vous unit, de la situation de la personne dĂ©pendante et des aides auxquelles elle a droit. Aide financiĂšre pour sâoccuper dâun parent ĂągĂ© APA et droit au rĂ©pit Si vous venez en aide Ă un proche ĂągĂ©, vous devez savoir si ce dernier est bĂ©nĂ©ficiaire de lâAPA. Si ce nâest pas le cas, il peut alors vous employer librement en tant quâaide Ă domicile. En revanche, si celui-ci perçoit lâAPA, cette aide peut permettre de vous rĂ©munĂ©rer en tant quâaidant familial, sauf si vous ĂȘtes son conjoint, concubin ou partenaire de PACS. Vous percevrez alors un salaire qui vous fera bĂ©nĂ©ficier de tous les droits sociaux attachĂ©s Ă votre qualitĂ© de salariĂ© sĂ©curitĂ© sociale, assurance vieillesse ou encore congĂ©s payĂ©s. Le proche que vous aidez devient, lui, votre employeur, et doit Ă ce titre respecter toutes ses obligations telles que DĂ©clarer votre embauche Ă lâUrssaf Se plier Ă toutes les obligations prĂ©vues par le Code du travail contrat de travail, bulletins de paie, etc. RĂ©gler les cotisations sociales et vos salaires ⊠Par ailleurs, tous les aidants familiaux assurant âune prĂ©sence ou une aide indispensable Ă la vie Ă domicileâ dâun proche peuvent bĂ©nĂ©ficier âdâun droit au rĂ©pitâ si ce proche ĂągĂ© est bĂ©nĂ©ficiaire de lâAPA. Depuis la rĂ©forme de lâAPA en 2016, les aidants familiaux peuvent ainsi bĂ©nĂ©ficier dâune aide pouvant aller jusquâĂ environ 500 euros par an. En 2022, le droit au rĂ©pit sâĂ©lĂšve Ă maximum 509,76 euros annuels par personne aidĂ©e. Contact et dĂ©marches pour ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© au titre de lâAPA de votre proche aidĂ© ou pour faire valoir votre droit au rĂ©pit, rapprochez-vous de votre Conseil dĂ©partemental. Aidant familial dâune personne handicapĂ©e dĂ©dommagement de la PCH Les personnes aidĂ©es touchant la PCH bĂ©nĂ©ficient de 5 types dâaides, dont une aide dite âhumaineâ afin de rĂ©munĂ©rer ou dĂ©dommager un aidant familial. Son montant 3,94 euros/heure ou 5,91 euros/heure si lâaidant familial diminue ou quitte son activitĂ© professionnelle. Deux possibilitĂ©s le salariat ou le dĂ©dommagement du proche aidant. Conditions lâĂ©tat de la personne aidĂ©e doit nĂ©cessiter une aide totale pour presque tous les actes essentiels ainsi quâune prĂ©sence constante ou presque due Ă un besoin de soins ou dâaide pour les gestes de la vie quotidienne. Par ailleurs, si lâaidant familial nâest pas le conjoint ou un enfant du proche aidĂ©, il faut, pour lâemployer, quâil ne soit pas retraitĂ© et quâil ait renoncĂ© Ă travailler de maniĂšre partielle ou totale pour assurer cette prise en charge. Contact et dĂ©marches rapprochez-vous de la MDPH dont dĂ©pend votre proche. Aidant familial dâun enfant handicapĂ© percevoir lâAEEH Si vous assumez la charge effective et continue de votre enfant handicapĂ© ĂągĂ© de moins de 20 ans, vous pouvez bĂ©nĂ©ficier de lâallocation dâĂ©ducation de lâenfant handicapĂ© AEEH. Il sâagit dâune aide financiĂšre visant Ă contribuer Ă la fois Ă lâĂ©ducation de votre enfant et aux soins dont il a besoin. Ainsi, elle prend en compte le temps que vous devez lui consacrer en tant que parents du fait de son handicap. Pour connaĂźtre les montants et les modalitĂ©s de lâAEEH, consultez notre article dĂ©diĂ©. Aide pour sâoccuper dâun proche invalide la Majoration Tierce Personne Certaines personnes invalides peuvent bĂ©nĂ©ficier dâune majoration de leur pension dâinvaliditĂ© si elles ont recours Ă une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie quotidienne. Cette Majoration Pour Tierce Personne MTP peut tout Ă fait servir Ă rĂ©munĂ©rer un proche aidant. Montant elle sâĂ©lĂšve Ă euros par mois et nâest pas imposable montant revalorisĂ© tous les ans. ModalitĂ©s de versement la MTP est versĂ©e chaque mois. Contact et dĂ©marches câest la CPAM qui dĂ©termine si le proche aidĂ© peut en bĂ©nĂ©ficier. Ainsi, en cas de question, prenez contact avec votre CPAM ou celle du proche que vous aidez. Quelles aides pour sâoccuper dâun parent ĂągĂ© ? Si vous avez un proche ĂągĂ© que vous souhaitez accompagner dans son quotidien, notamment pour lâaider Ă se maintenir Ă domicile, sachez que diffĂ©rentes aides financiĂšres et pratiques existent. Vous trouverez la liste de ces dispositifs ci-dessous. Aide financiĂšre du dĂ©partement pour une aide mĂ©nagĂšre Si un de vos parents ĂągĂ©s a besoin dâassistance dans son quotidien pour la toilette, les courses, ou autres, vous pouvez vous rapprocher du DĂ©partement pour obtenir une aide mĂ©nagĂšre Ă domicile. Cette aide est attribuĂ©e sous conditions dâĂąge et de revenus. Montant fixĂ© par le Conseil dĂ©partemental, il varie selon les revenus du bĂ©nĂ©ficiaire. Sachez par ailleurs quâune participation financiĂšre peut ĂȘtre demandĂ©e. ModalitĂ©s de versement lâaide mĂ©nagĂšre est versĂ©e, selon les cas, au service dâaide Ă domicile, ou directement au bĂ©nĂ©ficiaire sâil emploie lui-mĂȘme un salariĂ© Ă domicile. Contact et dĂ©marches pour dĂ©poser une demande, vous devez vous rapprocher du CCAS ou de la mairie de la commune oĂč rĂ©side votre parent ĂągĂ©. Pour en savoir plus sur lâaide mĂ©nagĂšre, suivez ce lien. Aide pour le portage des repas Si vous avez un proche ĂągĂ© de plus de 65 ans 60 ans en cas dâinaptitude au travail qui a de faibles revenus et qui Ă©prouve des difficultĂ©s pour prĂ©parer lui-mĂȘme ses repas et faire ses courses, sachez quâil peut obtenir, sous conditions, une prise en charge des repas. Cette aide permet dâavoir un portage des repas directement Ă son domicile OU de bĂ©nĂ©ficier dâune prise en charge des repas dans un foyer restaurant si le proche ĂągĂ© possĂšde la mobilitĂ© suffisante. Montant il varie selon lâorganisme qui finance. Sachez par ailleurs quâune participation financiĂšre peut ĂȘtre demandĂ©e environ 0,30 euro par repas. Contact et dĂ©marches pour dĂ©poser une demande, vous devez vous rapprocher du CCAS ou de la mairie de la commune oĂč rĂ©side votre parent ĂągĂ©. Retrouvez toutes les explications sur le portage de repas. Aide pour couvrir les frais liĂ©s Ă la perte dâautonomie lâAPA Si vous avez un parent ĂągĂ© de plus de 60 ans qui a besoin dâassistance au quotidien aide mĂ©nagĂšre, repas, etc., sachez quâil peut peut-ĂȘtre bĂ©nĂ©ficier de lâAllocation PersonnalisĂ©e dâAutonomie APA. Cette aide financiĂšre est versĂ©e mensuellement. Montant il est de 30,46 euros minimum et peut sâĂ©lever jusquâĂ euros pour les personnes ĂągĂ©es subissant une perte dâautonomie importante en fonction du degrĂ© de dĂ©pendance. Contact et dĂ©marches pour dĂ©poser une demande, vous devez vous rapprocher du Conseil GĂ©nĂ©ral et remplir le formulaire APA voir les dĂ©tails ici. Aides pour adapter le logement dâun proche ĂągĂ© Il existe plusieurs aides financiĂšres pouvant ĂȘtre versĂ©es aux personnes ĂągĂ©es souhaitant rester habiter chez elles malgrĂ© leur perte progressive dâautonomie. Ces dispositifs permettent dâobtenir un soutien financier pour rĂ©aliser des travaux dâadaptation du logement. Ces aides sont proposĂ©es par LâAnah aide âBien vieillir chez vous avec habiter facileâ retrouvez toutes les informations utiles ici La Carsat aide âBien Vieillir chez Soiâ toutes les informations se trouvent dans cet article Action Logement aide Ă lâadaptation du logement au vieillissement ou Ă la dĂ©pendance pour en savoir plus, suivez ce lien Vous faire accompagner pour aider un proche ĂągĂ© le CLIC Il nâest pas toujours simple de savoir quelles dĂ©marches entamer et Ă qui sâadresser pour accompagner un proche ĂągĂ©. Le CLIC Centre Local dâInformation et de Coordination, aussi appelĂ© âPĂŽle autonomieâ ou encore âPĂŽle Info Seniorsâ selon le dĂ©partement, accueille les personnes ĂągĂ©es et leur entourage et donne des conseils gratuits et personnalisĂ©s sur tout ce qui concerne la perte dâautonomie des seniors. En vous rendant dans un CLIC, vous pourrez ainsi ĂȘtre mis en contact avec les divers professionnels du secteur. Chaque dĂ©partement possĂšde au moins un CLIC sur son territoire. Devenir aidant familial quels sont vos droits ? Un aidant familial bĂ©nĂ©ficie de plusieurs droits liĂ©s Ă son statut comme lâassurance vieillesse, le chĂŽmage, mais aussi des avantages fiscaux. Lâaffiliation gratuite Ă lâassurance vieillesse pour les aidants familiaux Lorsque vous cessez de travailler ou que vous exercez une activitĂ© Ă temps partiel pour aider un parent handicapĂ© ou malade, ces pĂ©riodes peuvent ĂȘtre prises en compte pour la retraite. On parle dâaffiliation gratuite Ă lâassurance vieillesse, dans la mesure oĂč vous avez la possibilitĂ© dâĂȘtre affiliĂ© Ă lâassurance vieillesse des parents au foyer lâAVPF sans verser de cotisations. Vous validez ainsi vos trimestres pour votre retraite gratuitement pendant tout le temps oĂč vous vous occupez de votre proche. Conditions les conditions pour bĂ©nĂ©ficier de cette affiliation gratuite varient selon votre situation. Contact et dĂ©marches rapprochez-vous de votre CAF ou de votre Caisse de MutualitĂ© Sociale Agricole CMSA selon votre rĂ©gime. Droit au chĂŽmage pour les aidants familiaux salariĂ©s Si vous ĂȘtes un aidant familial et que vous nâĂ©tiez pas salariĂ© avant de venir en aide Ă votre proche, vous pouvez acquĂ©rir un droit au chĂŽmage si Un contrat de travail est Ă©tabli avec la personne aidĂ©e salariat familial Vous remplissez les conditions requises pour le chĂŽmage durĂ©e de cotisation et inscription Ă PĂŽle emploi Attention si vous hĂ©bergez votre proche dĂ©pendant et que vous le dĂ©clarez fiscalement comme personne Ă charge, aucun contrat de travail ne peut ĂȘtre reconnu entre vous deux circulaire Unedic n° 2006-03 du 24 janvier 2006. Enfin, sachez quâune personne qui quitte son emploi pour sâoccuper dâun parent nâa pas droit au chĂŽmage. Il peut cependant demander de faire Ă©tudier son dossier Ă nouveau aprĂšs quatre mois. Statut des aidants familiaux avantages et dĂ©ductions fiscales Si vous accueillez chez vous de maniĂšre permanente un parent ĂągĂ© de plus de 75 ans autre quâascendant pĂšre ou mĂšre ou beaux parents et que celle-ci ne bĂ©nĂ©ficie pas dâune pension alimentaire, sachez que vous pouvez dĂ©duire de vos impĂŽts les frais dâaccueil. Par ailleurs, il est possible de dĂ©duire de vos revenus les obligations alimentaires que vous versez Ă un proche ascendant que vous aidez, sous certaines conditions. En revanche, vous ne pouvez pas dĂ©duire de pension alimentaire si vous avez dĂ©jĂ une rĂ©duction dâimpĂŽt en raison de lâemploi dâun salariĂ© chez votre ascendant. Il existe aussi une rĂ©duction ou un crĂ©dit dâimpĂŽt si vous employez un salariĂ© Ă domicile pour votre proche dĂ©pendant. Cette aide Ă domicile peut aussi ouvrir droit Ă lâexonĂ©ration partielle ou totale de charges sociales. Pour toute question sur les avantages fiscaux dont vous pourriez bĂ©nĂ©ficier en tant quâaidant familial, rapprochez-vous de la DGFIP. CongĂ© proche aidant quelle rĂ©munĂ©ration durant cette pĂ©riode ? Lorsque vous venez en aide Ă un proche dĂ©pendant, vous pouvez avoir droit Ă des congĂ©s spĂ©cifiques. Au nombre de 3, ils sont consultables ci-dessous. Le congĂ© de proche aidant anciennement âcongĂ© de soutien familialâ Pour qui les salariĂ©s du secteur privĂ© ayant une anciennetĂ© dâau moins 1 an dans lâentreprise et devant sâoccuper dâun proche handicapĂ© ou en perte dâautonomie dâune certaine gravitĂ© GIR 1 Ă 3. DurĂ©e la durĂ©e maximale de ce congĂ© dĂ©pend de la convention ou de lâaccord de branche ou dâentreprise, ou Ă 3 mois sâil nâexiste aucune disposition conventionnelle. Renouvellement le congĂ© peut ĂȘtre renouvelĂ©, mais ne peut dĂ©passer 1 annĂ©e sur lâensemble de votre carriĂšre. RĂ©munĂ©ration la loi de financement de la SĂ©curitĂ© sociale pour 2020 prĂ©voit une indemnisation pour les personnes en congĂ© de proche aidant. Les conditions et le montant de lâindemnisation sont disponibles dans cet article. Le congĂ© de solidaritĂ© familiale pour assister un proche en fin de vie Pour qui les salariĂ©s du secteur privĂ© souhaitant porter assistance Ă un proche ascendant, descendant, un frĂšre ou une sĆur, ou une personne partageant le mĂȘme logement ou lâayant choisi comme sa personne de confiance. DurĂ©e elle est fixĂ©e par le salariĂ©, mais sa durĂ©e maximale dĂ©pend de la convention ou de lâaccord de branche ou dâentreprise, ou est fixĂ©e Ă 3 mois sâil nâexiste aucune disposition conventionnelle. Renouvellement ce congĂ© nâest pas rĂ©munĂ©rĂ©, mais le salariĂ© qui prend ce congĂ© peut percevoir lâallocation journaliĂšre dâaccompagnement dâune personne en fin de vie. Pour en savoir plus sur le congĂ© de solidaritĂ© familial, consultez cet article. Le congĂ© de prĂ©sence parentale pour enfant malade ou handicapĂ© Pour qui salariĂ©s du secteur privĂ© ou fonctionnaires selon des conditions diffĂ©rentes devant sâoccuper dâun enfant Ă charge de moins de 20 ans dont la santĂ© nĂ©cessite une prĂ©sence trĂšs rĂ©guliĂšre. DurĂ©e il dure maximum 310 jours ouvrĂ©s par enfant et par maladie, accident ou handicap. La personne qui souhaite prendre un congĂ© de prĂ©sence parentale peut utiliser cette rĂ©serve de 310 jours selon ses besoins, dans la limite maximale de 3 ans. RĂ©munĂ©ration le salariĂ© ou le fonctionnaire nâest pas rĂ©munĂ©rĂ© durant ce congĂ© de prĂ©sence parentale, mais il peut percevoir lâallocation journaliĂšre de prĂ©sence parentale AJPP. le forumUne question Ă poser ? Un problĂšme Ă soulever ? Toute une communautĂ© Ă votre Ă©coute ... â Câest quoi le dĂ©dommagement de lâaidant familial ? Lorsque vous venez en aide Ă un proche, il est possible dâĂȘtre salariĂ© ou dĂ©dommagĂ© pour lâaide apportĂ©e. Le dĂ©dommagement dâun aidant familial sâadresse aux personnes qui ne peuvent pas ĂȘtre salariĂ©es du fait de leur lien avec le proche malade ou ĂągĂ© concubin, conjoint⊠Lire la suite âïž Quels sont les droits dâun aidant familial ? Si vous avez le statut dâaidant familial, sachez que vous cotisez pour la retraite, le chĂŽmage et vous bĂ©nĂ©ficiez dâavantages fiscaux Lire la suite đ· Quelles sont les aides pour sâoccuper dâun proche malade ? Si vous cessez ou rĂ©duisez votre temps de travail pour vous occuper dâun parent malade, plusieurs aides financiĂšres existent afin de vous rĂ©munĂ©rer LâAllocation PersonnalisĂ©e Ă lâAutonomie Lâaide humaine dans le cadre de la PCH Lire la suite đ” Parent ĂągĂ©, quelles aides financiĂšres pouvez-vous demander ? Dans le cadre dâune perte dâautonomie, il existe plusieurs aides financiĂšres pour le maintien Ă domicile Lâaide mĂ©nagĂšre Le portage des repas Lire la suite đšââïž Comment fonctionnent les congĂ©s pour proche aidant ? Si vous venez en aide Ă un proche malade ou ĂągĂ©, il existe des congĂ©s spĂ©cifiques Le congĂ© de proche aidant Le congĂ© de solidaritĂ© familial Lire la suite CrĂ©dit photo © New Africa / Adobe Stock DiplĂŽmĂ©e de Sciences Po, je suis journaliste/rĂ©dactrice freelance. Je possĂšde dix ans dâexpĂ©riences professionnelles web et rĂ©daction et travaille pour le site depuis 2017
ZXrFIFP. 3878wmnl6m.pages.dev/1523878wmnl6m.pages.dev/4263878wmnl6m.pages.dev/2873878wmnl6m.pages.dev/4943878wmnl6m.pages.dev/3273878wmnl6m.pages.dev/423878wmnl6m.pages.dev/4473878wmnl6m.pages.dev/303
avoir un handicap mental et devenir parent